Je ne vous ai pas décrit la Russie comme un univers déliquescent sur le plan militaire, bien au contraire. Mon exposé a mis en lumière un substantiel effort de modernisation, tant en termes d'organisation que d'équipement (mais cela ne doit pas masquer les nombreux blocages, que j'ai aussi évoqués, en effet). Les forces armées russes seront à l'avenir sans nul doute plus efficaces pour intervenir dans la proche périphérie. Cela peut d'ailleurs être un facteur de stabilisation, y compris régional ; ou un élément de nuisance, en fonction des circonstances. J'ai voulu dire qu'en l'état actuel et pour l'avenir prévisible la capacité militaire russe n'est plus une menace pour l'Occident, les Russes jouent sur d'autres registres que le levier militaire pour équilibrer le rapport de forces.
Comme dans la région du Caucase du Nord, les forces russes en Arménie ont bénéficié d'un effort particulier : deux transferts importants d'armements avaient eu lieu sous Eltsine, suscitant un scandale, l'équipement des bases russes en Arménie a été renouvelé, les personnels sont en grande partie des militaires sous contrat, l'Arménie est membre de l'OTSC.
Pour le radar de Gabala, les Russes peuvent sans doute s'en passer sur le plan opérationnel, ils ont développé de nouveaux systèmes ; la perte est surtout symbolique, par rapport aux liens qu'ils entendent entretenir avec l'ancien espace soviétique. On peut craindre des conséquences : la Russie a par exemple annulé des projets de ventes d'armement à l'Azerbaïdjan, qui devra compenser par des achats auprès d'autres partenaires, comme Israël ou la Turquie. Certains en Azerbaïdjan que la Russie tente un scénario « à la géorgienne » à l'occasion des futures présidentielles. Il est vrai que ce camouflet (Gabala) s'ajoute à d'autres contentieux, s'agissant par exemple de l'absence de manque d'intérêt de Bakou pour le projet russe d'une Union économique eurasiatique ou des projets engageant l'Azerbaïdjan dans des pipelines contournant le territoire de la Russie. Du côté azerbaïdjanais, cette affaire est présentée comme un gage de bonne volonté à l'égard des Occidentaux, qu'ils jugent partiaux et/ou inactifs sur le dossier du Haut-Karabagh.
La situation qui prévaut en Géorgie depuis la guerre de 2008 est sans nul doute un acte grave de violation de souveraineté d'un pays. Mon propos constatait qu'avec 3 500 militaires russes dans chaque entité séparatiste et du matériel sur place, le conflit était désormais gelé et qu'il avait donc changé de forme ; le constater n'est pas le justifier. J'ai aussi souligné que le nouveau Premier ministre géorgien est plus ouvert à la relation avec Moscou. Il y a donc objectivement une situation plus favorable pour les Russes. Je n'ai pas dit pour autant que le Premier ministre géorgien allait brader l'intégrité territoriale de son pays.
En Transnistrie, la situation m'apparaît moins cadenassée qu'en Ossétie du Sud - ce qui ne signifie pas pour autant que la solution est pour demain. Mais la présence militaire russe y est moindre, l'historique de cette présence n'a rien à voir avec celui des bases russes en Ossétie et en Abkhazie. Toutefois, les Russes feront naturellement tout pour garder la Moldavie dans leur escarcelle et l'empêcher d'intégrer l'Union européenne -ce que l'Union européenne ne lui propose d'ailleurs pas aux dernières nouvelles-.
Concernant les services de renseignements russes extérieurs et militaires, je n'en suis pas spécialiste, je n'aurais donc que des généralités à vous proposer.