Intervention de Anne Paugam

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 31 octobre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Audition de Mme Anne Paugam directrice générale de l'agence française de développement programme 209 « solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission aide publique au développement

Anne Paugam, directrice générale de l'AFD :

La dernière fois que je suis venue ici, j'étais candidate à la fonction de directrice générale : je vous renouvelle mes remerciements pour votre confiance. Après quelques mois de prise de fonction et après un Cicid très important, je vais donc évoquer le budget pour 2014.

Le Cicid, qui ne s'était pas tenu depuis quatre ans, a confirmé le rôle d'acteur central de l'AFD dans la politique bilatérale d'aide au développement, mais il a aussi affirmé son rôle dans la mise en oeuvre de projets visant à réduire l'impact du réchauffement climatique et de la politique climat de la France à l'égard des pays en développement, en vue de la COP21 qui se tiendra à Paris en 2015.

Les différentes dimensions du développement sont désormais intégrées : la lutte contre la pauvreté n'est ainsi pas dissociée des équilibres sociaux et environnementaux. Le Cicid a estimé que la problématique du développement durable était universelle : elle concerne les pays occidentaux, mais aussi tous les pays du monde, quel que soit leur niveau de développement. L'intégration explicite des enjeux climatiques est une nouveauté : 50% des projets de l'AFD devront avoir un co-bénéfice climat.

Le développement durable est un problème global mais il se déclinera de façon différenciée selon les niveaux de développement et le degré de priorité que la France accorde à divers ensembles géographiques. Le Cicid souhaite concentrer les dons sur les 16 pays pauvres prioritaires (PPP) qui se situent tous en Afrique subsaharienne mais aussi sur les pays en crise et en sortie de crise, comme l'Afghanistan, Haïti, les territoires autonomes palestiniens ou encore la Birmanie.

Le Cicid a décidé que 85% de l'effort du contribuable français porterait sur l'Afrique et la Méditerranée. Pour les autres pays en développement, l'AFD devra mettre l'accent sur la croissance verte, en influant sur la trajectoire de croissance de ces pays pour la rendre soutenable, en limitant son impact sur l'environnement et le climat et en accompagnant les savoir-faire français (efficience énergétique, eau, assainissement, gestion urbaine durable). Les mandats sont donc différenciés en fonction des ensembles géographiques et les instruments ne sont pas les mêmes : en Afrique subsaharienne, l'AFD mobilise toute la gamme des instruments, qui vont du don aux prêts au secteur privé ou aux garanties aux banques locales. Ainsi, pour 2012, cette région du monde a concentré 2 milliards d'engagements de l'AFD et 70% de l'effort budgétaire de l'État. À l'autre bout du spectre, mis à part l'outre-mer, l'AFD mobilise des montants importants de prêts pour l'Asie et l'Amérique latine, mais pas de ressources publiques, à l'exception du financement de l'expertise.

Le CICID a insisté sur des thématiques transversales, comme le renforcement de la transparence et de la responsabilité sociale et environnementale.

Enfin, le CICID a acté le fait que l'AFD devrait disposer de moyens pour exercer ses missions, ce qui implique le renforcement de ses fonds propres et la création d'un fonds pour financer l'expertise française, prioritairement en Asie et en Amérique latine, mais aussi dans les pays en croissance rapide en Afrique, afin d'influer sur les modèles de croissance.

Quels sont les chantiers, stratégiques et opérationnels, qui mobilisent l'Agence depuis ma prise de fonctions et la mobiliseront prioritairement dans les prochains mois ?

Dans les mois à venir, nous signerons le contrat d'objectif et de moyens (COM) pour la période 2014-2016. Nous venons d'entamer les discussions avec nos tutelles. Nous devrons maîtriser le calendrier afin de soumettre le COM au conseil d'administration de janvier. Nous allons traduire de manière concrète les grandes orientations que je viens d'évoquer, en fixant des objectifs précis par grandes aires géographiques.

Nous aurons un débat important sur le futur dimensionnement de l'agence. La question des fonds propres est évoquée depuis cet été avec la direction générale du Trésor, l'objectif étant de peser le moins possible sur les finances de l'État. Ces discussions techniques vont bientôt s'achever, ce qui nous permettra de relancer notre coopération avec plusieurs pays comme le Maroc ou l'Afrique du Sud.

Le déploiement des partenariats est l'une de mes priorités. Avec les ONG, pour lesquelles l'enveloppe dont dispose l'AFD a été augmentée et qui sera doublée d'ici 5ans, par décision du Président de la République. Nous travaillons étroitement avec nos homologues bailleurs, par exemple sur l'important chantier de la prise en compte des clauses environnementales et sociales renforcées dans les appels d'offre. Ainsi, avec divers pays partenaires du Sud, nous lançons des expériences pilotes pour augmenter notre niveau d'exigence lors de la pré-qualification puis de la qualification pour les appels d'offre.

L'AFD s'attachera également à diversifier davantage encore ses outils financiers, avec la diversité de ses partenaires, ONG, collectivités ou secteur privé. L'activité non souveraine, à destination du secteur privé, est ainsi relancée : relance du fonds d'investissement FISEA qui soutient les entreprises subsahariennes, augmentation de capital de PROPARCO, en sont des illustrations.

L'AFD participe, bien entendu, à la préparation de la COP21, le but étant de démontrer que le financement du développement (gestion des villes, transports...) peut aussi bénéficier à l'environnement. Des financements croisés sont en cours, y compris avec des acteurs du sud, comme la Banque nationale de développement économique et social du Brésil (BNDES), la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) ou la Development Bank of Southern Africa (DBSA).

L'AFD contribue également à l'objectif de diplomatie économique énoncé par le Cicid, visant à promouvoir les savoir-faire français. A ce titre, des éléments de cadrage plus opérationnels, qu'ils soient régionaux ou thématiques, seront examinés par le conseil d'administration.

Dernier chantier clé que je souhaite évoquer avec vous : celui de la redevabilité, de la transparence et de la mesure de nos résultats et impacts : nous renouvelons notre politique interne d'évaluation des projets, de redevabilité sociale et environnementale avec un document RSO très important qui paraîtra en début d'année prochaine et qu'approuvera le conseil d'administration, de mesure des résultats avec des indicateurs ex ante mais aussi ex post sur les projets, et notre stratégie de production de connaissances.

Venons-en à notre budget, qui est le principal sujet de cette audition. Pour mémoire, l'AFD est un établissement public. Si nous empruntons beaucoup de ressources sur les marchés financiers, nous utilisons aussi des fonds, par délégation, provenant du budget de l'État. Pour ramener les choses à leur substantifique moelle, voici comment l'on peut caractériser notre relation à l'État. Aucune subvention de fonctionnement ; en revanche, nous recevons des crédits d'intervention tirés des programmes 209 et 110. Le premier prévoit des financements pour les subventions classiques et les contrats de désendettement et de développement, les C2D - respectivement 253 millions et 102 millions en 2013. Sur le second, on nous délègue des crédits pour les aides budgétaires globales, qui était de 89 millions en 2013, et une autre pour améliorer les conditions de nos prêts, de 194 millions toujours en 2013, sachant que nous tirons d'autres ressources du programme 853 de Bercy pour la bonification des crédits. En d'autres termes, nos crédits, si l'on raisonne hors programmes, sont de deux natures : d'une part, les ressources en dons, qui financent les ONG, les dons-projets ou encore les C2D ; d'autre part, la bonification des crédits de manière à accorder des prêts très longs et peu chers aux pays les plus pauvres.

Je l'ai dit, l'agence émet sur les marchés internationaux, et de plus en plus. Il y a dix ans, nous empruntions moins de 1 milliard ; aujourd'hui, 5 milliards. L'État ne nous apporte pas sa garantie directe ; nos prêts, qui sont donc un peu plus coûteux que ceux de l'Etat, ne sont pas comptabilisés dans la dette maastrichtienne. Grâce à ce modèle mixte, nous pouvons accorder un volume de prêts concessionnels très important sans peser sur le budget de l'État : nous transformons 1 euro d'argent public en 12 euros de prêts.

Le budget qui est nous est alloué pour 2014 est globalement stable, ce qui est évidemment positif vu la situation de nos comptes publics. Nous pourrons faire face, concernant la bonification des prêts, à condition que le gel ne soit pas trop féroce ; tout dépend de la politique de nos autorités de tutelle. Les crédits alloués aux dons et projets, vous le savez, sont stabilisés, mais à un niveau historiquement bas. Un effort supplément est consenti en faveur des ONG ; elles l'apprécient énormément. Évidemment, on pourrait souhaiter davantage pour les dons et projets. Nous comprenons toutefois la contrainte budgétaire. Il faut également tenir compte du rééquilibrage progressif entre aide multilatérale et aide bilatérale. Notons qu'une partie du produit de la taxe sur les transactions financières servira à financer une initiative en faveur de la santé maternelle et infantile dans le Sahel, pilotée par l'AFD.

Je souhaiterais pour finir rappeler en quelques phrases ce que fait l'Agence avec ce budget que lui alloue l'Etat.

Notre objectif d'autorisations d'engagement pour 2013 est de 8 milliards, ce qui est conforme au plan d'orientation stratégique. L'an dernier, nous avons réalisé 7 milliards, contre 7,5 milliards prévus. L'agence a désormais atteint une taille critique, elle joue dorénavant dans la même cour que la KFW allemande ou à la Jica japonaise et peut peser dans les débats. Notre volume en Asie et en Amérique latine progresse sans que cela se fasse aux dépens de l'Afrique qui concentre 40% des activités globales et mobilise l'essentiel de nos ressources publiques, gardons-le en tête.

La redevabilité, à laquelle vous êtes sensibles, est au coeur de l'AFD d'aujourd'hui : elle demande du temps et de l'énergie. Je compte poursuivre les efforts engagés par mon prédécesseur avec le document de politique générale sur la responsabilité sociétale et environnementale du groupe qui récapitulera l'ensemble de nos actions dans ce domaine, en interne comme en externe. Le conseil d'administration l'examinera en janvier prochain. Ensuite, nous travaillons sur les indicateurs de résultats : ils doivent être en petit nombre et pouvoir faire l'objet d'un suivi. Parmi ceux retenus par le Cicid, les 16 qui concernent l'agence prolongent notre réflexion sur la mise en place d'indicateurs parlants, agrégeables. Quelques exemples d'indicateurs en 2012 : par les financements de l'AFD, plus de 10 millions d'enfants ont été scolarisés au primaire, 208 000 adultes ont bénéficié d'une formation professionnelle, 1,9 million de personnes ont gagné un accès pérenne à l'eau potable et 7 millions ont vu leur système d'assainissement et d'eau potable s'améliorer. Surtout, ces indicateurs ex post serviront désormais à mesurer si les buts que nous nous étions fixés initialement pour un projet ont été ou non réalisés.

Pour finir sur les questions de redevabilité, je vous épargnerai un schéma trop complexe pour dire que notre activité s'inscrit dans un dialogue avec ses tutelles, ses partenaires et les pays. Les projets, qui entrent dans un plan d'affaires annuel élaboré à partir de la demande des pays du Sud partenaires, sont soumis aux ambassadeurs, lesquels nous donnent leur avis sur leur pertinence et leurs implications politiques et stratégiques. En définitive, le point d'entrée reste avant tout géographique.

- Présidence de M. Christian Cambon, vice-président - 

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