Intervention de Josette Durrieu

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 7 février 2013 : 1ère réunion
Audition du général jean-paul paloméros commandant suprême allié chargé de la transformation act à l'otan

Photo de Josette DurrieuJosette Durrieu :

J'ai quatre questions à vous poser. Tout d'abord, qu'en est-il de la politique de l'OTAN en matière de standardisation et de normalisation ? Est-ce que cette politique tient réellement compte des industries européennes de défense ?

Ensuite, faut-il d'après vous croire véritablement à l'idée d'un « pilier européen » au sein de l'Alliance atlantique ? Cette expression n'est pas nouvelle, puisqu'elle date déjà de l'ère Kennedy, or elle ne s'est jamais traduite jusqu'à présent par un véritable renforcement du rôle et de la place des Européens au sein de l'Alliance atlantique, compte tenu des réticences des Américains mais aussi de nos partenaires européens.

Par ailleurs, qu'en est-il des relations entre l'OTAN et la Russie ?

Enfin, quels enseignements tirez-vous de l'intervention de l'OTAN en Libye, notamment sur le plan de nos lacunes capacitaires ?

Général Jean-Paul Paloméros, commandant suprême allié chargé de la transformation (ACT) à l'OTAN. - Plutôt que de parler d'« Europe de la défense », qui est une expression assez imprécise, je préfère pour ma part parler de « la politique de sécurité et de défense commune » (PSDC) de l'Union européenne, qui est l'expression utilisée par le Traité de Lisbonne. Parler d'« Europe de la défense » me semble, en effet, aujourd'hui prématuré même si je crois qu'il nous appartient de rendre l'avenir possible, pour reprendre l'expression de Saint Exupéry. Le fait d'en parler de manière décomplexée aujourd'hui au sein de l'OTAN est déjà en soi un progrès considérable dans les esprits. Nous aurions tort de parler d'un désintérêt des Etats-Unis à l'égard de l'Europe, car aucun signe ne va dans ce sens. Au contraire, comme l'a encore rappelé le Vice-Président Joe Biden lors de la conférence sur la sécurité de Munich, l'Europe reste un partenaire majeur pour les Etats-Unis. Nous ne devrions pas fragiliser la relation transatlantique qui demeure essentielle, des deux côtés de l'océan.

Par ailleurs, l'Alliance atlantique ne se résume pas aux Etats-Unis et comprend d'autres pays qui ne sont pas membres de l'Union européenne, comme le Canada, la Norvège ou la Turquie, qui comptent et qui disposent d'importantes capacités en matière de défense. Il faut aussi en tenir compte.

Je ne vois pas d'incohérence ou d'incompatibilité entre l'OTAN et le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne. Etant donné que 21 pays européens sont membres des deux organisations, on imagine mal que les positions de ces pays soient incohérentes selon qu'ils se réunissent au sein du Conseil de l'Union européenne ou bien au Conseil de l'Atlantique Nord.

Depuis quatre mois, j'ai pu mieux mesurer toute la force de l'OTAN, qui est une organisation politico-militaire très intégrée au sein de laquelle le Conseil de l'Atlantique Nord occupe une place centrale et qui demeure très attractive pour de nombreux pays. Dans un monde instable confronté à de nouvelles menaces, telles que le cyber, il ne faut pas négliger tout l'intérêt d'être membre d'une alliance reposant sur des valeurs communes et un engagement collectif.

Comme vous le savez, en matière de cyberdéfense, l'OTAN s'est vue confier uniquement, et les nations ont été très vigilantes sur ce point, la mission d'assurer la protection de ses propres systèmes d'information.

Lors de ma prise de fonction, il y a quatre mois, j'ai immédiatement demandé à mes services qu'ils me présentent l'état d'avancement des travaux sur ce point.

Comme vous le soulignez très bien dans votre rapport, les attaques contre les systèmes d'information et de communication représentent une menace bien réelle et concrète, complexe, dont l'identification de l'auteur est très difficile, et qui ne connait pas de frontières, bref une menace qui peut toucher n'importe qui, n'importe quand et n'importe où. C'est aussi une menace qui dépasse le strict cadre militaire, puisqu'elle touche à des questions de sécurité nationale mais aussi à la sécurité des entreprises privées et qu'elle suppose un partenariat de confiance avec le secteur privé. La cyberdéfense est donc révélatrice de cette « approche globale ».

Il est donc très difficile d'identifier précisément l'étendue des mesures de protection et de défense à mettre en place pour assurer la meilleure protection possible des systèmes d'information et de communication de l'Alliance face aux cyberattaques, même si l'OTAN dispose d'une certaine expérience dans ce domaine, que l'on appelait autrefois la lutte contre la guerre électronique.

Au sein de l'OTAN, notre objectif est d'assurer la protection et la surveillance des systèmes d'information et de communication propres à notre organisation, car c'est le mandat donné par les nations.

Personnellement, je ne crois pas beaucoup à l'idée d'une « cyberguerre ».

J'ai cependant le sentiment que nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère et que les nations seront peut être contraintes à l'avenir de revoir le rôle qu'elles entendent confier à l'OTAN face à cette menace bien réelle et permanente.

La politique de standardisation de l'OTAN est un sujet important. J'entends souvent dire en Europe que la politique de standardisation de l'OTAN est définie par les Etats-Unis et qu'elle profite à l'industrie de défense américaine. C'est peut-être vrai en partie aujourd'hui mais il appartient aux Européens de s'organiser et de s'impliquer davantage dans cette politique de standardisation, car l'Europe, avec sa puissance normative, dispose d'un réel avantage dans ce domaine et a un rôle à jouer pour définir les meilleurs standards au juste prix. Car, aujourd'hui, la standardisation ou la normalisation ne concernent pas uniquement les équipements militaires mais touchent aussi d'autres domaines comme les systèmes d'information et de communication. Nous avons un vrai travail à mener au sein de l'OTAN.

Je partage votre sentiment sur l'idée d'un « pilier européen » au sein de l'OTAN.

Quelles leçons peut-on tirer de l'intervention en Libye ? Nos lacunes capacitaires, en matière de renseignement, de surveillance et de reconnaissance ou encore en matière de ravitaillement en vol, sont bien connues et les projets lancés dans le cadre de la « Smart Defence » visent précisément à combler ces lacunes. Ces lacunes correspondent à la manière dont nous souhaitons mener des opérations, en limitant au maximum les pertes et les dégâts collatéraux, grâce au renseignement le plus précis possible, ce qui suppose par exemple des drones, comme votre commission le sait très bien. Cela suppose aussi une formation particulière des militaires et il est intéressant de savoir que l'OTAN est la première organisation au monde en matière de formation à distance des personnels via Internet « e-learning », ce qui ne remplace évidemment pas l'entrainement sur le terrain.

La question des relations entre l'OTAN et la Russie est de nature très politique et revêt une sensibilité différente entre les différents pays membres de l'Alliance. C'est aussi un sujet sensible au sein de l'Alliance. Il existe un Conseil OTAN-Russie qui fonctionne de manière satisfaisante et il est dans notre intérêt que l'OTAN et la Russie renforcent leur coopération.

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