Concernant la cyberdéfense, comme vous le soulignez très bien dans votre rapport d'information, en dépit de certains progrès, l'Union européenne n'a pas encore pris toute la mesure de l'importance des enjeux. Ainsi, à la différence de l'OTAN, qui s'est dotée d'une stratégie et d'un concept en matière de cyberdéfense, l'Union européenne ne dispose pas encore de véritable stratégie dans ce domaine. Cela tient à plusieurs facteurs.
Tout d'abord, à la différence de l'OTAN, qui est une organisation militaire et où la cyberdéfense concerne uniquement la protection des systèmes et des réseaux informatiques propres à l'OTAN, les questions liées à la cybersécurité, qui sont par nature transversales, sont traitées par de nombreuses directions générales de la Commission européenne et au sein du service européen pour l'action extérieure. Elles ne font pas encore l'objet d'une approche coordonnée au niveau européen. Ainsi, il est difficile de traiter ensemble des aspects tels que la lutte contre la cybercriminalité, qui relève des aspects « justice et affaires intérieures », la protection des infrastructures d'importance vitale, qui dépend de la direction générale Société de l'information, les aspects industriels ou de concurrence, ou encore les aspects liés à la défense, qui relèvent du service européen pour l'action extérieure et de l'Agence européenne de défense. Toutefois, nous sommes parvenus à créer, au sein du Conseil, un groupe de travail transversal sur les questions de cybersécurité ce qui permettra d'avoir une vue globale de ces questions. Une stratégie européenne est en cours d'élaboration.
Mais, pour être franc, il faut aussi admettre que la prise de conscience de l'importance de la menace au niveau européen est assez récente et qu'elle n'est pas encore partagée par l'ensemble des vingt-sept Etats membres. D'ailleurs, même en France, nous avons pris conscience assez tardivement de l'importance des enjeux liés à la cyberdéfense, apparus lors du Livre blanc de 2008, et nous avons encore un certain retard par rapport à nos partenaires britanniques. Dans beaucoup d'autres Etats membres de l'Union européenne, on ne constate pas encore de prise de conscience de ces enjeux.
La Pologne présente la particularité d'être à la fois un nouvel Etat membre mais aussi un « grand » pays qui a des ambitions en matière de défense et de sécurité. En ce sens, ce pays se distingue de la plupart des pays d'Europe centrale et orientale. D'ailleurs, la Pologne est l'un des rares pays européens à avoir accru son budget de la défense, dans une période où la plupart de nos partenaires européens ont fortement baissé leurs dépenses de défense. Par ailleurs, il ne faut pas négliger l'impact de la déception de ce pays à l'égard des Etats-Unis, notamment avec la décision prise par le président Barack Obama de renoncer à l'installation d'éléments du système de défense anti-missiles en Pologne. La Pologne est donc aujourd'hui l'un des principaux promoteurs de l'Europe de la défense, et l'un de nos principaux partenaires, avec l'Allemagne, notamment dans le cadre du « triangle de Weimar ». L'engagement de la Pologne en faveur de l'Europe de la défense est sincère, à la différence de certains autres de nos partenaires.
La Commission européenne devrait être chargée par le Conseil européen de travailler à la fois sur l'approfondissement du marché européen de la défense et la consolidation de la base industrielle et technologique de défense. Elle devrait proposer, par exemple, des réflexions sur une meilleure utilisation des fonds du programme de recherche et développement pour le financement de la recherche duale. L'utilisation de fonds communautaires au profit de ce secteur sera bien entendu tributaire du résultat des négociations, difficiles, sur les prochaines perspectives financières. La Commission européenne devrait présenter une communication sur les marchés et les industries européennes de défense au premier semestre 2013.
Le rapport d'Hubert Védrine porte un constat lucide sur l'Europe de la défense mais propose aussi des pistes intéressantes, comme l'idée d'une européanisation de l'architecture de sécurité dans les Balkans où la recommandation d'éviter la duplication des interventions en matière de lutte contre la piraterie au large de la Somalie avec la mission Ocean shield.
J'ai été assez surpris concernant l'idée d'associer les Etats-Unis au comité politique et de sécurité de l'Union européenne, étant donné que jusqu'à présent une telle demande n'a pas été exprimée, ni du côté de l'Union européenne, ni des Etats-Unis, à la différence par exemple de la Russie, qui souhaiterait être associée à la prise de décision en matière de politique de sécurité et de défense commune, notamment dans le cas d'opérations, ce qui suscite toutefois de fortes réticences de la part de certains de nos partenaires. Par ailleurs, je rappelle qu'il existe déjà des réunions entre le COPS et des pays partenaires. Il serait donc délicat de prévoir un statut spécial pour les Etats-Unis sans l'étendre à d'autres partenaires de l'Union européenne. D'une manière générale, il est indispensable de préserver l'autonomie de décision de l'Union européenne ce qui suppose qu'une telle participation ne puisse pas avoir un caractère décisionnel.
- Présidence de M. Robert del Picchia, vice-président -