Mes chers collègues, le Sénat est saisi du projet de loi n° 205 (2013-2014) autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République du Pérou. Il ne manquera pas d'attirer votre attention car cet accord se substitue à un traité du 30 septembre 1874. Vous en conviendrez, il était temps d'actualiser ses stipulations afin de répondre aux défis posés par l'essor de la criminalité transnationale.
En effet, l'intensification de la mobilité des personnes et des capitaux favorisée par les nouvelles technologies s'accompagne d'une internationalisation de plus en plus marquée de la criminalité. Les frontières sont effacées. Les infractions évoluent sans cesse.
Or le traité de 1874 énumère limitativement les faits autorisant l'extradition. Des références telles que l'extradition pour avortement ou pour évasion d'un individu transporté en Guyane doivent être abrogées.
C'est pourquoi, le 21 février 2013, un nouveau traité d'extradition a été signé à Lima. Négocié en même temps qu'un traité d'entraide judiciaire, il témoigne de la volonté politique d'étendre et de moderniser le réseau conventionnel de la coopération judiciaire.
C'est ainsi que vous avez récemment approuvé le 12 mars 2013, le 29 mai 2013 et le 25 juin 2013 les traités d'extradition signés respectivement avec l'Argentine, la Chine et la Jordanie. Vous examinerez également prochainement les traités d'extradition conclus avec le Venezuela et avec le Costa Rica.
L'accord franco-péruvien, à l'instar de l'ensemble de ces accords, reprend les stipulations de la pratique conventionnelle française ainsi que celles de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957.
Ses 27 articles répondent à la nécessité de mettre en place un instrument moderne de coopération, efficace et soucieux de la protection des droits des personnes.
J'en donnerai deux exemples. La coopération entre les deux pays sera renforcée car le champ d'application du nouveau traité péruvien est désormais défini de manière générale. La liste énumérative a été supprimée.
Toute évolution ultérieure de la définition des infractions ne fera pas obstacle à l'application du traité. Le traité vise désormais les infractions punies d'une peine privative de liberté égale ou supérieure à un an ou d'une peine plus sévère.
Le nouvel accord est respectueux des droits de la personne remise. Je rappellerai que si le Pérou est un pays abolitionniste pour les crimes de droit commun, la Constitution péruvienne prévoit l'application de la peine de mort pour acte de trahison en temps de guerre et pour acte de terrorisme. Son application est toutefois subordonnée à l'adoption d'une loi la mettant en oeuvre.
Or, je constate :
- qu'il n'existe aucune disposition nationale prévoyant la peine de mort pour des crimes exceptionnels ;
- en outre, le Pérou est signataire de la convention interaméricaine sur les droits de l'homme qui interdit la peine de mort ;
- enfin, le traité impose à l'Etat requis de refuser l'extradition en cas d'application de la peine capitale. Cette interdiction ne pourrait être levée que si l'Etat recevait les garanties que cette peine ne serait ni requise, ni prononcée, ni exécutée.
Voilà bien l'intérêt d'un traité, celui de prévoir l'imprévisible... Pour une analyse juridique complète des stipulations du traité, je vous laisse consulter le rapport.
Paré de ces stipulations protectrices des droits de l'homme, le présent traité devrait permettre d'accroitre le flux des demandes d'extradition, qui jusqu'à présent a été plus que modeste. On dénombre six demandes formulées par la France ces treize dernières années et une seule émanant du Pérou.
Quant aux éléments contextuels liés aux relations que la France entretient avec le Pérou, je rappellerai brièvement qu'avec 65 filiales d'entreprises françaises, la France représente le 16ème investisseur au Pérou (1,5% du stock des investissements directs à l'étranger), l'Espagne étant le principal investisseur étranger avec un cinquième du stock péruvien.
Nos relations économiques sont encore insuffisantes, eu égard aux opportunités offertes par ce pays en forte croissance. Avec un PIB estimé à plus de 200 milliards de dollars en 2013 et un taux de croissance annuel moyen de 6% entre 2002 et 2012, le Pérou est considéré, selon le FMI, comme un « néo-émergent » dans la région. Or ce pays n'a représenté que 0,06% du commerce extérieur de la France en 2012 en se situant au 94ème rang de ses clients et au 76ème rang de ses fournisseurs.
Cette expansion de l'économie s'accompagne de défis sociaux comme a pu l'observer la délégation du groupe d'amitié France-Pays Andins, conduite par notre collègue Philippe Adnot, accompagné d'Alain Néri, de Simon Sutour, Jean-Claude Lenoir et Albéric de Montgolfier. Ils se sont rendus au Pérou du 7 au 14 juin 2013.
L'économie péruvienne se développe cependant dans un contexte politique difficile. Le président Ollanta Humala, élu en juin 2011, et son gouvernement sont confrontés aux problèmes liés à la pauvreté et aux fortes disparités sociales. Le mécontentement a provoqué une forte instabilité gouvernementale avec 7 remaniements depuis en juillet 2011.
Cette présidence a toutefois permis la signature du nouvel accord d'extradition soumis à votre examen. À titre de conclusion, je souhaite insister sur la nécessité de moderniser le lien conventionnel qui nous unit au Pérou en matière d'extradition depuis 1874.
C'est pourquoi, je vous propose d'adopter le projet de loi visant à le ratifier, et de prévoir son examen en séance publique en forme simplifiée, le 18 février à 15 heures.
A l'issue de la présentation du rapporteur, la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.
Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.