Notre commission suit bien évidemment avec une très grande attention l'évolution de la situation en Syrie. Nous avons procédé aux auditions d'experts, du ministre des affaires étrangères et nous avons également rencontré les représentants de la coalition nationale syrienne.
Vous êtes membres du Forum démocratique syrien et rédacteur en chef du monde diplomatique éditions arabes et nous souhaitons recueillir vos analyses sur la situation et son évolution.
Pour ma part j'observe une aggravation générale du blocage entre un régime apparemment sûr de son bon droit, comme en témoigne la prestation télévisuelle de Bachar el Assad qui réaffirme sa totale détermination ; un régime qui continue d'être soutenu par la Russie, par l'Iran, par l'Irak et par le Hezbollah ; un régime qui menace à mots à peine couverts d'étendre le conflit à la région, à la Jordanie et au Liban en particulier ; un régime sur lequel pèsent des présomptions sérieuses d'emploi d'armes chimiques, qui continue à assassiner et à torturer et, en face, une opposition qui peine à se structurer, traversée de courants et au sein de laquelle les extrémistes d'Al Nosra occupent une place très inquiétante. L'évolution des « printemps arabes » en Tunisie, en Egypte, en Libye où notre ambassade vient de faire l'objet d'un attentat, ne nous rend pas optimistes.
Cette opposition que je qualifierai d'incertaine n'encourage pas les Etats européens à lui apporter une aide notamment en armes en levant l'embargo à son profit. Son manque d'unité n'est certes pas la seule raison des hésitations de certains pays européens. Le récent Conseil des affaires étrangères du 22 avril à Bruxelles le montre à l'évidence.
La quadrature du cercle syrien tient dans cette contradiction que si nous sommes tous persuadés que seule une solution politique, entre Syriens mais avec l'appui de la communauté internationale, permettrait de stopper le cycle des violences, nous sommes également persuadés qu'il n'y aura pas de solution politique sans donner un signal fort au pouvoir, c'est-à-dire en contribuant à rétablir un certain équilibre des forces en présence pour l'amener à la négociation. Mais ce signal la communauté internationale hésite à le donner, craignant une fuite en avant du régime avec l'emploi d'armes chimiques et une contagion du conflit dans la région.
Nous avons pris bonne note de la distanciation effectuée par la Coalition, très récemment à Istanbul, vis-à-vis d'Al Nosra mais la crainte demeure que si des armes étaient données elles se retrouvent dans les mains de ce groupe et servent à sa mainmise sur la Syrie de demain. Mais ce faisant nous savons bien aussi que le pourrissement de la situation favorise la montée des extrêmes. Autre contradiction dont il ressort un autre blocage.
Pendant le temps de l'inaction le massacre continue et la situation humanitaire devient de jour en jour plus dramatique et plus insoutenable.
La situation paraît réellement bloquée mais peut être vos analyses vont-elles nous permettre un petit peu d'optimisme. Je vous passe la parole.