Intervention de Samir Aita

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Samir Aita rédacteur en chef du monde diplomatique éditions arabes et membre du forum démocratique syrien sur la situation en syrie

Samir Aita :

Sur la question du soutien des Russes à la Syrie, il faut savoir qu'il ne s'explique pas par l'attrait des marchés d'armement. Les Syriens n'ont jamais payé les armes que les Russes leur ont fournies. Sur les seize milliards de dollars qui formaient le gros de la dette syrienne avant 2002, la quasi-totalité correspondait à des livraisons d'armes par l'Union Soviétique. Cette dette a été effacée par la Russie. La question n'est pas non plus à mon avis le port de Tartous qui n'est qu'une facilité de ravitaillement et non une base.

Deuxièmement, les Russes disent : « Bachar el-Assad n'est pas notre homme, c'est l'homme de Jacques Chirac » et il faut bien reconnaître qu'ils ont raison. M. Chirac était le seul chef d'Etat européen présent aux obsèques de Hafez Assad ; il parlait de Bachar Assad comme de son fils adoptif ; Bachar Assad a d'ailleurs fait quatre visites en France entre 2000 et 2004, avant qu'il ne fasse sa première visite en Russie, justement parce que sa relation avec M. Chirac s'était détériorée. Les deux se sont opposés à l'invasion américaine de l'Iraq. Puis, M. Chirac a normalisé ses rapports avec Georges W. Bush, à travers la question du retrait syrien du Liban ; alors que Bachar Assad était terrorisé par la présence de centaines de milliers de soldats américains à sa frontière, qui voulaient marcher sur Damas. Et je pense que l'assassinat de Mr. Rafic Hariri est en relation avec le revirement de M. Jacques Chirac vis-à-vis du Liban et de la Syrie.

Lors d'une rencontre du Forum Démocratique avec M. Lavrov, j'avais posé la question suivante sur Bachar Assad : « pourquoi voulez-vous le garder ? S'il tombe, vous perdrez tous vos intérêts. Vous ne pouvez pas fonder votre politique, uniquement sur des vetos que vous exercez au Conseil de sécurité des Nations unies. Et vous n'avez d'ailleurs lancé aucune initiative politique alternative crédible!»

Les Russes disent qu'il n'y a pas de compromis possible pour eux avec les fondamentalistes musulmans, à cause de la Tchétchénie. Ils le pensent vraiment. Ils disent également : « Nous n'avons pas toutes les cartes auprès du régime et de ses militaires». Le fait est que les Russes n'ont pas les moyens de faire changer Bachar Assad d'avis. Je pense aussi que les Russes sont motivés par deux aspects, sachant qu'eux aussi sont des alliés des Etats Unis, et ne sont plus l'Union Soviétique. Le premier est leur rivalité régionale avec la Turquie, qui dominerait toute l'Asie centrale si la Syrie tombe sous son influence, comme c'est déjà le cas pour le Nord du pays et Alep. Deuxièmement, les Russes voient les puissances se positionner dans le conflit sur des bases de qui va soutenir telle ou telle communauté ? La Turquie, le Qatar et l'Arabie Saoudite pour les sunnites ; la France aussi. Ils se positionnent eux alors comme protecteurs de minorités, et en particulier les Alaouites. Et si le conflit amène à la division du pays, ils protégeront le réduit de la côte. Après tout, c'est la France qui a longtemps joué ce rôle de « protecteur des minorités » pour asseoir sa politique dans la région. Les Russes peuvent se dire : « pourquoi pas nous ? ». On retourne à la vieille « Question d'Orient » de l'Empire Ottoman.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion