Nous sommes particulièrement heureux, Madame la Directrice, de poursuivre avec vous notre cycle d'auditions sur l'Asie, tant l'actualité de cette région du monde est dense et, pour tout dire, inquiétante. Les sujets ne manquent pas dans une région récemment marquée par les provocations nord-coréennes, par la montée en puissance des appareils militaires, par un repositionnement américain dans la zone et par une intensification des disputes territoriales. C'est, surtout, l'affirmation diplomatique de la Chine qui met la région « sous tension ».
C'est d'ailleurs la Chine sur laquelle nous voudrions nous pencher avec vous. Le Président de la République s'y rend bientôt, nous fêterons en janvier 50 ans de relations diplomatiques. Avec le 18e congrès et la récente session parlementaire, le nouveau pouvoir chinois nous semble encore en transition. Xi Jinping est-il le dirigeant moderniste dont la Chine a besoin ? Sur le plan de la politique extérieure, la recherche de gains économiques et l'approvisionnement en ressources énergétiques et naturelles déterminent largement la politique étrangère chinoise et motivent sa présence croissante, en Afrique notamment. En sera-t-il toujours ainsi ? L'application du traditionnel principe de non-ingérence semble continuer d'être le fil directeur des prises de positions chinoises, comme on le voit par exemple sur le dossier syrien. Vous nous direz à cet égard si l'appui chinois au sein du Conseil de sécurité sur la question du Mali pourrait marquer une réelle inflexion ? À quand une intervention chinoise sur la scène internationale en accord avec son rang économique ?
J'ai rencontré l'Ambassadeur de Chine en octobre dernier, lors d'un déplacement à New-York. Nous avons parlé du Mali et il ne cachait pas son soutien. Néanmoins sa position vis-à-vis de la Syrie, bien que moins tranchée que celle de la Russie, nous laissait comprendre qu'il se sentait abusé par ce qu'il s'était passé en Libye, et donc qu'il serait très attentif aux positions à prendre si une initiative devait être lancée.
La Chine, qui se conçoit avant tout comme une puissance régionale en Asie, a durci ses positions, en particulier face au Japon, dans le contexte de la montée des nationalismes, voire des populismes, et d'une militarisation croissante de la région. Comment vont finir les différends frontaliers en mer de Chine, avec la dispute sino-japonaise potentiellement dévastatrice autour des îles Senkaku/Diaoyu, ou encore avec la fameuse « langue de boeuf » en mer de Chine méridionale, où giseraient des millions de barils de pétrole ? Plus globalement, comment évolue la Chine dans son environnement régional ?
Que faut-il penser du retour du Parti libéral-démocrate d'Abe Shinzo au pouvoir au Japon ? La montée en puissance des conservateurs de l'Association pour la restauration du Japon semble indiquer un soutien public important à un programme politique nationaliste. Que signifie le projet de révision de l'article 9 de la Constitution japonaise, qui incarnait jusqu'à présent son pacifisme ?
Vous nous direz aussi quel est le regard de la Chine sur la transition Birmane, transition « octroyée » par le régime, ce qui est un fait unique dans l'histoire... Que doit-on penser aujourd'hui des promesses du printemps birman, alors que les massacres communautaires révèlent les fragilités intrinsèques de la société ?
Enfin, la péninsule coréenne est sous tension, et on peut se demander aujourd'hui où va le régime nord-coréen et quelle est la capacité de la Chine à peser aujourd'hui sur son évolution ?