Intervention de Élisabeth Laurin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 16 avril 2013 : 1ère réunion
Situation en chine — Audition de Mme Elisabeth Laurin directrice asie-océanie au ministère des affaires étrangères

Élisabeth Laurin, directrice Asie-Océanie au ministère des affaires étrangères :

S'agissant des relations bilatérales, le ministre des affaires étrangères s'est rendu en Chine les 12 et 13 avril en vue de préparer la visite du Président de la République française en Chine. Le Président français sera le premier chef d'Etat d'un grand pays occidental reçu par le nouveau président chinois Xi Jinping. C'est un geste fort qui démontre l'attachement de nos deux pays à leur relation. La France a été la première grande puissance occidentale à avoir reconnu la Chine en 1964. Cette relation ancienne, au caractère pionnier, s'est depuis lors densifiée et renforcée dans de nombreux domaines :

- sur le plan politique, il existe une volonté conjointe d'approfondir, et d'accroître, le dialogue dans tous les domaines autour d'un dialogue stratégique dont nous n'excluons aucun sujet a priori, y compris les plus sensibles tels que la question des droits de l'homme. Nous souhaitons renforcer la concertation, non seulement sur les questions touchant à la paix et à la sécurité au sein du Conseil de sécurité de l'ONU et sur les enjeux globaux (climat, développement). Nous souhaitons aussi la renforcer sur les questions économiques et financières globales, tant au sein des forums multilatéraux (G20), qu'à titre bilatéral. La Chine a de plus en plus conscience que son statut de puissance économique lui confère des obligations et des devoirs. D'où son implication renforcée dans les opérations de lutte contre la piraterie ou de maintien de la paix. Si l'attitude traditionnelle chinoise reste réservée quant aux interventions à l'étranger, il y a une volonté de plus en plus grande d'assumer ses responsabilités dans les relations internationales. L'attitude constructive de la Chine sur le dossier du Mali a été remarquée.

La Chine a une vision multipolaire du monde, et aspire à maintenir une relation étroite avec la France et l'Union européenne, que la Chine veut forte.

- sur le plan économique : la France souhaite un rééquilibrage de ces échanges économiques et commerciaux par le haut, sur la base de la réciprocité. Notre déficit commercial avec la Chine s'élève à 26 milliards d'euros en 2012, soit près de 40 % de notre déficit global. Nous devons rééquilibrer par le haut nos échanges, en renforçant nos partenariats dans les secteurs structurants comme le nucléaire et l'aéronautique, mais également en développant de nouveaux champs de coopération tels que l'agroalimentaire, la santé, le secteur financier, le développement urbain durable, les investissements croisés. Les investissements français en Chine, en stock, s'élèvent à 13 milliards d'euros, en 2012, contre 1 milliard en sens inverse. Nous souhaitons que se mette en place un dialogue de haut niveau économique et financier.

- sur le plan des échanges humains : on dénombre 30 000 étudiants chinois en France et 1,1 million de touristes chinois. Nous souhaitons mettre l'accent sur l'attractivité de la France afin de renforcer ces échanges dans tous les domaines (tourisme, étudiants, hommes d'affaires).

2014 marquera le cinquantenaire des relations entre la France et la Chine. Les Chinois souhaitent en faire un temps fort et nous partageons ce souhait.

S'agissant de la situation économique en Chine :

La Chine est perçue comme se concentrant sur sa stabilité économique et sa croissance. Les prévisions actuelles font état d'un taux de 8,8 % pour 2013, selon le FMI, contre 7,8 % en 2012, l'inflation est de 2,6 % en 2012 et la dette s'élève à 15 % du PNB. La moindre croissance mondiale et la baisse des prix de l'immobilier font partie des aléas qui pourraient affecter cette croissance. Si l'économie chinoise est fondée sur les exportations, il y a désormais une volonté certaine du gouvernement de développer la demande intérieure.

Concernant la Corée du Nord, celle-ci a l'habitude de gérer sa relation avec la communauté internationale par des cycles alternant tensions, sanctions internationales, nouvelles provocations, phase de latence et reprise du dialogue. Cette fois-ci, des éléments nouveaux sont à noter : d'une part, des provocations très rapprochées, avec deux essais balistiques en 2012 et un troisième essai nucléaire le 12 février 2013 ; d'autre part, l'accession au pouvoir en décembre 2011 de Kim Jong-un, que l'on connaît mal, en particulier ses soutiens intérieurs. La situation du régime à Pyongyang reste largement inconnue.

De nombreux observateurs s'accordent pour interpréter la posture nord-coréenne actuelle à la fois comme un moyen pour le jeune dirigeant de donner des gages aux militaires, ou une façon de s'imposer, et comme une tentative pour faire monter les enchères dans la perspective de discussions, notamment avec les Américains. La Corée du Nord pourrait chercher ainsi à obtenir de nouvelles aides (humanitaire, alimentaire, énergétique...), ainsi que des assurances en matière de sécurité.

Tous les acteurs de la région souhaitent éviter que la situation dérape ou qu'un acte de provocation dégénère et appellent à l'apaisement. Des appels au dialogue ont été lancés. Le Secrétaire d'Etat américain, John Kerry, était dans la région et a indiqué que les Etats-Unis étaient prêts à reprendre le dialogue à condition que la Corée du Nord respecte ses engagements internationaux et présente des gages tangibles de dénucléarisation. Pour mémoire, en février 2012, les Nord-Coréens et les Américains avaient pris des engagements parallèles. Le tir effectué par la Corée du Nord quelques mois plus tard, en avril, avait invalidé ces accords. Les différentes parties rappellent donc à la Corée du Nord l'importance de respecter l'ensemble de ses engagements internationaux en matière de dénucléarisation et à reprendre le chemin du dialogue. Tout le monde souhaite que la reprise du dialogue puisse aboutir à des engagements concrets de mise en oeuvre du démantèlement du programme nucléaire et balistique. La France appelle la Corée du Nord à respecter pleinement ses obligations internationales, notamment celles résultant des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations unies.

Si la rhétorique est menaçante, l'ensemble des parties agit en faveur de l'apaisement. Dans ce contexte, la Chine, qui est le premier partenaire commercial de la Corée du Nord, est l'acteur qui dispose de la plus grande influence sur Pyongyang. Pékin appelle toutes les parties à la retenue en vue de la stabilité de la Péninsule coréenne et de la dénucléarisation. Dans l'hypothèse, que personne ne privilégie à ce stade, d'une dégradation forte de la situation, la Péninsule coréenne serait déstabilisée, ce qui aurait des répercussions dans la région. A plus long terme, cela pourrait avoir un impact sur les équilibres géostratégiques régionaux.

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