Intervention de Gérard Larcher

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 16 avril 2013 : 1ère réunion
Autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées au mali — Communication

Photo de Gérard LarcherGérard Larcher, co-président :

Il me revient d'entamer le duo - harmonieux ! - que je forme avec beaucoup de plaisir avec Jean-Pierre Chevènement, pour un rapport d'étape, que nous avons jugé utile de vous présenter, en vue du vote, lundi prochain, de l'autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées au Mali au-delà de 4 mois, en application de l'article 35 de la Constitution, en vigueur depuis 2008.

Lorsque le Bureau de notre commission a décidé, en novembre dernier, sur la proposition de notre président Jean-Louis Carrère, de constituer un groupe de travail sur le Sahel, il a vu juste : il a su déceler la montée de la menace et mettre en place un dispositif cohérent, puisque ce sujet est au confluent des trois grandes réflexions structurantes menées par notre commission : l'Afrique, la Méditerranée, l'Europe de la défense.

Nos analyses convergent et s'articulent autour de 5 idées :

- L'intervention au Mali, justifiée, a confirmé la capacité des forces françaises et a révélé les faiblesses de l'Europe de la défense ;

- Les Maliens doivent désormais écrire leur avenir, incertain ;

- Le désengagement français, souhaitable, se heurte à trois obstacles ;

- C'est à l'échelle du Sahel que des solutions globales (développement, sécurité) permettront de « gagner la paix »,

- Enfin, nous devrons tirer des conséquences de Serval sur notre posture de sécurité en Afrique.

Tout d'abord, même si toute guerre est par nature haïssable, l'intervention au Mali était justifiée. Les 7 critères « OPEX » du Livre blanc de 2008 étaient remplis, et les intérêts non seulement français, mais aussi européens, africains, et de légalité internationale, étaient évidents. Nous avons 6 000 ressortissants au Mali, 35 000 dans la bande sahélo-saharienne, 80 000 en Afrique de l'ouest. Près de 100 000 Maliens résident en France. Un pays de 15 millions d'habitants, avec 7 frontières, aux voisins fragiles, allait être livré aux preneurs d'otages et devenir leur immense sanctuaire. Sans parler de nos approvisionnements énergétiques dans la zone, comment se désintéresser du sort d'une région qui est depuis toujours notre profondeur stratégique, sur un continent qui sera demain plus peuplé que la Chine ou l'Inde et qui amorce son décollage économique ?

Le consensus autour de l'intervention française ne s'est d'ailleurs fissuré ni au plan national, ni au plan international, depuis l'« Événement à haut niveau sur le Sahel » le 26 septembre dernier, à l'initiative de la France, qui a créé les conditions d'un large accord : Union européenne, Union africaine, Conseil de sécurité, y compris Russes et Chinois, avec le vote de 3, bientôt 4 résolutions, ce qui n'est pas si fréquent.

L'action des forces françaises a été remarquable pour remplir les 3 objectifs fixés par le Président de la République, chef des armées, le 11 janvier : arrêter l'avancée terroriste, progressivement sécuriser le pays, rétablir son intégrité territoriale. Il est un 4ème objectif dont nous choisissons délibérément de ne pas parler, mais que nos forces ont perpétuellement à l'esprit, c'est celui de la libération de nos otages.

Les ministres nous ayant largement informés du déroulement des opérations, je me limiterai à une première série d'enseignements :

- En positif : la réactivité des forces, sur le terrain presque « au coup de sifflet », soit 5 heures après la décision présidentielle, grâce à nos points d'appui dans la région ; l'agilité de l'armée de terre dans les immenses élongations sahariennes, la parfaite intégration des unités (aviation - troupes au sol), la qualité du soutien, aussi, compte tenu du défi logistique (3 000 hommes et 12 000 tonnes de matériel transportés en 1 mois). Renseignement et Forces spéciales sont confirmés comme deux atouts maîtres dans notre jeu ;

- En moins positif : nos lacunes capacitaires : 3/4 des affrètements aériens et 1/3 du ravitaillement en vol ont été fournis par nos alliés, sans parler du renseignement, dont l'exceptionnelle granularité a résulté de l'aide fournie par Américains et Européens, en complément de nos moyens. Des tensions apparaissent aussi dans le domaine de la mobilité (en particulier les hélicoptères lourds) et ce malgré le retrait d'Afghanistan.

Serval a révélé les faiblesses de l'action européenne en matière de défense, alors que le Sahel est identifié depuis 2011 comme une zone prioritaire pour l'Union européenne. Contrairement au cas Libyen, l'Europe n'a pas « rien » fait face à la crise malienne, puisque les autres Etats membres ont apporté : un soutien politique, une action de formation de l'armée malienne, une accélération de l'aide au développement, et, pour certains d'entre eux, un soutien d'ailleurs bilatéral pour le transport de troupes (britanniques, belges, danois, allemands...). La génération de forces des 500 formateurs d'EUTM-Mali est éloquente : la France fournit (et paie, donc) presque la moitié du contingent, et faute d'obtenir de nos partenaires qu'ils assurent la tâche (simple) de protéger le camp de Koulikoro, il nous a encore fallu servir de « variable d'ajustement ». Les États-Unis restent, politiquement, financièrement, et en termes opérationnels, avec le Canada d'ailleurs, notre meilleur soutien au Mali.

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