L'année 2014 sera la première année d'application de la nouvelle loi de programmation militaire, que nous avons adoptée lundi dernier. Nous sommes plutôt satisfaits d'avoir amendé ce texte pour sécuriser ce qui devait l'être. Nous sommes néanmoins préoccupés par la fin de l'exécution de 2013 : nous craignons un report de charge de 2 à 3 milliards d'euros. Les régulations budgétaires sont irritantes pour les parlementaires qui votent des budgets dont l'exécution laisse parfois à désirer. Nous allons nous employer à obtenir que les gels soient levés le plus tôt possible.
Nous connaissons aussi le caractère volontariste et tendu de certaines trajectoires financières, notamment les dépenses de fonctionnement et d'entraînement, c'est-à-dire le cadre de vie quotidien de nos militaires. Y aura-t-il suffisamment d'entraînement en 2014 pour entretenir le moral et les compétences ?
Le programme Scorpion a failli disparaître, le Livre blanc l'a sauvé in extremis. Son lancement est annoncé pour 2014. Sera-ce le cas ? Nous mesurons les efforts demandés aux hommes et aux femmes de la défense et nous savons que le « dépyramidage » envisagé pour l'armée de terre relève du casse-tête. Le ministre en a conscience. Votre cible de déflation d'effectifs est-elle réaliste ? Vous attendiez des arbitrages. Ont-ils été rendus ?
Général Bertrand Ract-Madoux, chef d'état-major de l'armée de terre. - Nous nous réjouissons de votre vote de lundi dernier. Vous avez démontré que vous vouliez garantir une exécution fidèle de cette programmation, en adoptant des amendements tendant à sécuriser les ressources, prévoir des clauses de revoyure ou de retour à meilleure fortune.
Le bon démarrage, en 2014, de la nouvelle programmation militaire est conditionné par le déblocage de la totalité de la ressource prévue pour 2013.
Le projet de loi de finances 2014 respecte la nouvelle programmation. Il relance la modernisation des forces terrestres. L'activité opérationnelle sera prioritaire : l'entraînement est maintenu à son niveau de 2013 et les crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels progressent. Toutefois, les contraintes seront fortes sur les dépenses de fonctionnement et de cohérence opérationnelle. Actuellement, 20% de la ressource 2013 du budget opérationnel de programme (BOP) Terre sont encore immobilisés : réserve de précaution, surgel et remboursement Opex, soit près de 260 millions. Il est indispensable de lever cette hypothèque sous peine de fragiliser l'entretien programmé du matériel. La levée de l'immobilisation des crédits d'équipements du programme 146 constitue un enjeu capital pour l'armée de terre.
Les opérations conduites par les forces terrestres ont confirmé le besoin de disposer de troupes au sol bien entraînées, équipées de matériels adaptés à la diversité des missions. En 2013, la contribution terrestre aux opérations extérieures aura été bien plus intense que prévu : jusqu'à 9 500 hommes projetés en mars 2013. Liban, Afghanistan, Mali mais également Tchad, Kosovo, Côte d'Ivoire et République de Centrafrique : les forces terrestres ont partout confirmé leur réactivité et leur capacité à assumer un contrat opérationnel proche de celui fixé par le Livre blanc de 2013. Le succès du désengagement de l'opération Pamir, la réussite de l'intervention Serval constituent bien sûr une grande fierté pour l'armée de terre. Le mérite en revient d'abord au courage et au dévouement de nos hommes, à qui je rends ici hommage. Depuis le début de l'année, le sacrifice de onze d'entre eux et les très nombreux blessés attestent de leur sens poussé du devoir et de leur abnégation. Engagés à terre, dans la durée, dans des conditions extrêmes, face à des adversaires implacables, nos hommes démontrent la détermination de notre pays à assumer ses responsabilités et ils renforcent notre légitimité à intervenir sur la scène internationale, notre capacité à parler d'une voix forte et autonome.
Cependant, l'intervention à l'extérieur ne constitue pas la seule fonction stratégique à laquelle l'armée de terre contribue. En complément de ses unités de sécurité civile, de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et de l'expertise nationale dans le domaine des armes nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC), elle a mobilisé l'équivalent d'une brigade interarmes sur le territoire national. Cette présence opérationnelle permanente couvre des missions aussi diverses que Vigipirate, Héphaïstos, Harpie et Titan en Guyane ou encore la participation au plan « grand froid ». En outre, l'armée de terre entretient des capacités de renseignement. Au total, près de 7 000 « terriens » apportent leurs compétences à la fonction connaissance-anticipation. Enfin, la permanence du dispositif déployé outre-mer et à l'étranger, fort d'environ 6 600 hommes, dont la majorité de personnel non permanent, renforce les moyens de prévention des crises.
L'efficacité de cet outil est conditionnée par le niveau des équipements. Le projet de loi de finances pour 2014 relance la dynamique de modernisation que la loi de programmation militaire 2009-2014 avait initiée. Le système Felin (fantassin à équipements et liaisons intégrés), livré depuis 2010, a accru l'efficacité du combattant débarqué. Le 21ème régiment d'infanterie de marine de Fréjus est le douzième à en être doté. Le plan d'équipement sera achevé en 2014. Mis en service opérationnel en avril 2012, le véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) a confirmé au Mali son extraordinaire plus-value tactique, déjà établie en Afghanistan et au Liban. Le 16ème bataillon de chasseurs de Bitche est le sixième régiment d'infanterie sur huit à être équipé. En 2014, 77 nouveaux VBCI seront livrés. Enfin, les performances de l'hélicoptère d'attaque Tigre ont été démontrées en Afghanistan, en Libye, en Somalie et au Mali. Les 40 hélicoptères appui-protection livrés à ce jour sont complétés depuis juin 2013 par les premiers hélicoptères appui-destruction (HAD). En 2014, quatre HAD supplémentaires - disposant de missiles - porteront à 48 le nombre de Tigre livrés, sur une cible ramenée à 60 appareils. Ces équipements renforcent notre capacité opérationnelle. Toutefois, la remise à niveau des moyens terrestres a été compromise en raison des contraintes financières. La baisse de 14% des investissements a interrompu le cycle de renouvellement. Le ralentissement des cadences de livraison place dorénavant l'armée de terre sur le « fil du rasoir » en matière de modernisation des matériels. Seule une application stricte de la nouvelle loi de programmation militaire évitera des réductions temporaires, voire définitives, de capacité.
Le lancement du programme Scorpion en 2014 doit être salué. Décalé de deux ans et avec un investissement réduit de moitié sur la période, ce programme est aujourd'hui indispensable pour renouveler les véhicules de combat médians. La livraison en 2018 des 24 premiers véhicules blindés multirôles (VBMR) et celle en 2020 des quatre premiers engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) obéit à un calendrier ambitieux - mais crucial pour moderniser les forces terrestres à l'horizon 2025, lorsque 50% du parc aura été livré. Tout report aggraverait les coûts liés au vieillissement des AMX 10 RC et des VAB, âgés de 40 ans et qui ont déjà subi de nombreuses rénovations. Enfin ce programme présente des atouts économiques indéniables : l'unicité des familles d'équipement assure des économies d'échelle, la standardisation des plateformes réduira les coûts de maintenance et de formation, la reconfiguration, grâce au concept de kits additionnels communs, permettra de différencier les véhicules en fonction du type d'engagement.
L'armée de terre emploie des drones tactiques depuis plus de 45 ans en opérations extérieures et en appui de missions de protection au-dessus du territoire national. Fort de cette expérience, nous participons, aux côtés de nos amis britanniques, à l'évaluation du système Watchkeeper. Sa fiabilité en vol vient d'être certifiée en Grande-Bretagne. La dimension européenne constitue un atout supplémentaire, pour mutualiser les opérations mais aussi la formation et l'entraînement. Deux équipes d'opérateurs, armés par des sous-officiers du 61ème régiment d'artillerie de Chaumont, ont participé aux premiers essais à Istres et sont à nouveau en Grande-Bretagne. Ces expérimentations éclaireront le choix du ministre de la défense.
Concernant les hélicoptères de manoeuvre, la commande passée le 29 mai 2013 pour la seconde tranche de 34 NH 90 est bienvenue. Les quatre premiers appareils seront mis en service à l'été. Cependant, la loi de programmation fixe à 68 le nombre de NH 90, limitant la capacité aéromobile des forces terrestres. Et l'étalement des livraisons nous contraint à conserver des Puma en limite d'obsolescence au-delà de 2025 - ils auront alors près d'un demi-siècle - ainsi que des Cougar et des Caracal au-delà de 2030.
Le programme de missile moyenne portée (MMP) est également d'une importance majeure. Il dotera nos unités de combat d'infanterie et de cavalerie des moyens indispensables pour appliquer des tirs ciblés contre tous types d'objectifs. Remplaçant trois armements par deux, il contribue à l'économie générale des moyens. Il faudra limiter l'ampleur de la réduction de capacités, inévitable à partir de 2016 du fait de l'obsolescence définitive du Milan et de son poste de tir. Le MMP arrivera en 2018.
Le cas du porteur polyvalent terrestre (PPT) illustre aussi les risques de rupture capacitaire. Les premières versions de ce camion logistique ont été livrées cette année, six ont été embarqués le 15 octobre pour le Mali ; 115 autres seront réceptionnés en 2014, et seulement 450 avant 2020, sur une cible de 1 600. Une rupture capacitaire pourrait donc intervenir à tout moment, en cas d'arrêt de la flotte actuelle, à bout de souffle. Ainsi, le VTL (véhicule de transport logistique) vient de faire l'objet de limitations d'emploi qui réduiront sa charge d'emport et sa vitesse, donc son rendement opérationnel.
L'efficacité des forces terrestres passe aussi par leur entraînement. En 2014, le niveau de 2013 est maintenu : il est sensiblement inférieur aux objectifs fixés en fin de loi de programmation militaire. La hausse de 7% des crédits d'entretien programmé des matériels terrestres et aéronautiques devrait satisfaire les besoins en entretien courant. Il y aura l'an prochain 83 journées de préparation opérationnelle par homme, avec un objectif affiché de 90. Les pilotes de l'aviation légère de l'armée de terre ne devraient effectuer que 156 heures de vol, sur les 180 prévues antérieurement en loi de programmation, ce qui reste inférieur aux 200 voire 220 heures dans l'armée de l'air et la marine. Je souscris pleinement à l'avis que vous aviez exprimé lors de l'examen du projet de loi de finances 2013 selon lequel les pilotes de l'armée de terre devaient également pouvoir effectuer 200 heures de vol d'entraînement.
L'expérience acquise en opérations compense en partie ce niveau d'entraînement contraint. Mais il s'agit d'un trompe-l'oeil : l'entraînement demeure crucial pour préparer nos hommes à la diversité et à la complexité des missions, tantôt au coeur de Paris, tantôt à partir de la mer et dans la nuit noire comme en Libye, tantôt dans l'Adrar des Ifoghas pour neutraliser les groupes djihadistes. L'expérience opérationnelle est un atout mais il serait dangereux d'en surestimer les vertus.
Les 720 millions programmés pour l'entretien des matériels ne seront pas suffisants pour financer la régénération des matériels rapatriés d'opérations extérieures. Pour les 1 400 engins terrestres rentrés d'Afghanistan et du Liban, dont près de 560 VAB, auxquels il faut ajouter aujourd'hui la remise à niveau des équipements rentrant de Serval, il faudrait 24 millions par an sur cinq ans. En l'absence de financement, cette remise à niveau ne pourra se faire que progressivement et dans l'intervalle, ces véhicules feront défaut pour l'utilisation en métropole. À plus long terme, l'armée de terre pourra contenir ses besoins en EPM terrestre et aéronautique jusqu'en 2020. Elle est donc soutenable dans la durée.
Pour maîtriser ses coûts, l'armée de terre a optimisé l'emploi de ses ressources, en appliquant le principe de différenciation. Les forces terrestres sont différenciées en trois composantes, par nature d'équipements : la composante blindée, bien adaptée au combat de haute intensité et à l'entrée en premier, équipée au strict nécessaire en VBCI et chars Leclerc ; la composante légère blindée, pour la gestion de crise ou de stabilisation, équipée d'engins de combats médians, comme l'AMX 10RC et le VAB ; enfin, les brigades légères, spécialisées dans l'engagement d'urgence et en zones difficiles.
Le regroupement de capacités homogènes dans des ensembles cohérents contribue à mettre sur pied des forces ciselées au plus juste selon les besoins, comme au Mali. De même la préparation opérationnelle est différenciée, selon la nature de l'engagement. Cette politique donne satisfaction : chacun de nos engagements opérationnels, notamment les plus exigeants, a été pleinement honoré. Nous avons fait évoluer ce concept en 2011 en développant la préparation opérationnelle décentralisée en garnison. Enfin, le principe de différenciation s'applique à la politique d'emploi et de gestion des parcs, différenciés par nature d'utilisation : alerte Guépard, entraînement en camps ou service permanent en garnison. Les objectifs de disponibilité technique opérationnelle sont également différenciés selon qu'ils s'appliquent aux théâtres d'opérations ou à la métropole.
Le niveau de ressources affectées au renouvellement des équipements et aux activités opérationnelles en 2014 me semble donc cohérent avec les priorités affichées dans le projet de loi de programmation militaire.
Toutefois, comme les années précédentes, des tensions apparaîtront sur les dépenses de fonctionnement et de cohérence opérationnelle. Ainsi, dans le domaine de l'entretien programmé du personnel, les mesures d'économie que l'armée de terre a été contrainte de prendre, lors de la précédente LPM, ont représenté 14% de la ressource initialement programmée, soit 118 M€2008, avec pour conséquence des réductions d'acquisitions en matière d'effets de protection balistique ou d'équipements du combattant. S'agissant des équipements d'accompagnement et de cohérence (EAC), ce sont 245 M€2008, soit 18% de l'enveloppe initiale qui ont été économisés avec pour effet, notamment, une diminution des commandes de munitions. Ces dépenses deviennent donc d'année en année de plus en plus rigides tandis que les marges d'économies restantes deviennent de plus en plus faibles. A titre d'exemple, afin de ne pas engager la sécurité de nos hommes, je devrais probablement choisir de financer à hauteur d'environ 10 M€ le renouvellement de nos moyens d'évacuation sanitaire et de retarder celui des chariots élévateurs, pourtant indispensables sur les théâtres d'opérations extérieures. Nous observons aussi une tension sur les dépenses liées à la mobilité du personnel, telles que les frais de déménagement. Structurellement sous-dotés, ces crédits subissent depuis 2011 une érosion significative. Il a fallu réduire la mobilité outre-mer et à l'étranger - en portant la durée des séjours à trois ans - et reporter les mutations en métropole. A cela s'ajoute le défaut préoccupant de financement des dépenses de mobilité directement liées aux restructurations à venir. Afin que nos soldats ne fassent pas les frais de cette réorganisation, je serais très probablement amené à reporter l'effort sur d'autres postes budgétaires, pourtant déjà dotés au minimum.
L'infrastructure, enfin, suscite des préoccupations. Entre 2009 et 2013, l'équivalent de deux annuités de programmation budgétaire n'a pas été réalisé. En dépit des efforts de rationalisation, le report des projets d'infrastructures se poursuit - pour 55 millions en 2014.
Ainsi, la fin du plan Vivien d'hébergement des militaires du rang, initialement prévue en 2013, a dû être repoussée à 2018. Par manque de moyens d'entretien, de nombreux casernements se dégradent, et sont parfois dans un état critique ; les conditions de vie et de travail en deviennent de plus en plus éprouvantes.
La clause de revoyure de la loi de programmation militaire sera une occasion à ne pas manquer, en particulier pour remettre à flot les crédits de fonctionnement et de cohérence. Les montants en jeu sont modestes - la réfection d'un bâtiment de troupe coûte trois millions - mais les conditions d'exercice du métier seraient sensiblement améliorées.
Le niveau de déflation des effectifs imposé en 2014, reste atteignable, mais associé aux objectifs de dépyramidage, il devient un défi d'ampleur. En 2013 les déflations se sont poursuivies au rythme imposé par la précédente programmation. Au titre du BOP-T, environ 2 260 postes militaires ont été supprimés ; sur l'ensemble de l'armée de terre, quelque 2 980 postes. En 2014, le BOP-T prévoit la suppression de 2 600 postes. Les dissolutions et les mesures de restructuration sont identifiées. Les annonces ont été faites et les dernières décisions seront rendues publiques à la fin du mois.
Notre modèle de ressources humaines a su s'adapter aux contraintes. Il n'est donc pas nécessaire, pour le moment, d'envisager de le revoir en profondeur. Devant l'ampleur des manoeuvres qui nous attendent, je crois préférable de ne pas précipiter les réformes, qui doivent rester supportables pour notre organisation et pour nos hommes. La crise de Louvois a montré les effets d'une ambition réformatrice trop rapide.
L'armée de terre reste attachée à son impératif de jeunesse, à la diversité de son recrutement, à l'équilibre entre statut contractuel et statut de carrière et à la promotion interne au mérite. Les deux-tiers des sous-officiers proviennent de la troupe et 70% des officiers du recrutement interne. L'armée de terre offre ainsi à ses hommes des perspectives de carrière attractives. Elle valorise l'expérience professionnelle et fait de l'escalier social une réalité. La gestion des flux s'en trouve dynamisée. En l'espace de dix ans, le recrutement direct d'officiers a ainsi diminué de 38%. Et si en 2006, 39 nouveaux généraux étaient nommés, le chiffre n'est plus que de 21 par an aujourd'hui.
La masse salariale est maîtrisée, signe que l'armée de terre contrôle ses effectifs. Hors Louvois, elle devrait afficher, en 2013, un solde budgétaire en léger excédent. Les années 2011 et 2012 ont été à l'équilibre, hors mesures exogènes. L'armée de terre, je puis l'affirmer, est un bon gestionnaire. Le titre II du BOP-Terre a d'ailleurs globalement suivi la pente de la déflation des effectifs, diminuant de 10 % entre 2010 et 2012. S'agissant du repyramidage, le volume d'officiers au sein du ministère a, entre 2008 et 2013, été réduit de quelque 5%, tandis que celui du personnel civil de catégorie A augmentait d'environ 25%. Enfin, notre taux d'encadrement, d'environ 12 %, mais 8 % seulement pour les forces terrestres, reste très inférieur à celui que l'on observe chez nos partenaires européens. Il est resté stable en dépit de la réduction du format depuis 2008. C'est pourquoi l'armée de terre éprouve quelque difficulté à se reconnaître dans l'objectif de ramener le taux d'encadrement « officier » du ministère à 16 %. Cela supposerait une déflation considérable sur cette catégorie, qui a pu me sembler déraisonnable et déstructurante. Nous attendons la confirmation d'un nouvel arbitrage plus accessible en la matière.
Les objectifs de suppression de postes hors forces opérationnelles, essentiellement dans leur environnement et leur soutien, constituent un autre défi. Eu égard aux réductions déjà opérées depuis 2008, cette évolution pourrait être préjudiciable à nos capacités opérationnelles et au moral de nos soldats. Ainsi, la réorganisation de l'administration générale et du soutien commun, qui pourrait représenter 40 % de l'effort, aura de lourdes conséquences sur la vie courante de nos unités. Il est donc capital d'identifier avec précision où faire porter l'effort, afin de préserver nos forces opérationnelles, au risque de mettre en cause notre modèle à 66 000 hommes projetables, le minimum nécessaire pour assurer le nouveau contrat opérationnel de l'armée de terre.
En ce qui concerne la modernisation du ministère, clarification et simplification s'imposent. Les dysfonctionnements du projet Louvois ont montré les limites d'une approche trop fonctionnelle des organisations et d'un partage trop diffus des responsabilités. Dispersant les leviers de commandes entre de trop nombreuses mains, selon une logique mal comprise de « recentrage sur le coeur de métier » et de spécialisation des fonctions dites « en tuyau d'orgue », ce type d'organisation présente le risque de diluer finalement les responsabilités.
Donner la primauté à l'opérationnel est un principe bien compréhensible dans un ministère comme le nôtre. Cela exige une politique de ressources humaines en conséquence. Les chefs d'état-major d'armée doivent rester les garants de la cohérence capacitaire et opérationnelle des forces dont ils portent la responsabilité devant le chef d'état-major des armées, le ministre de la défense et les commissions parlementaires. Etant moralement responsables de ce qui touche à leurs soldats, il est légitime qu'ils disposent des leviers indispensables à la bonne préparation opérationnelle et au moral de leurs hommes.
C'est avec franchise et transparence que je vous ai livré mon analyse. Le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2014 recherchent le meilleur équilibre entre l'effort de redressement des comptes publics et l'ambition stratégique rénovée de la France. Notre pays devra, pour l'atteindre, faire preuve de volontarisme dans la durée.
Les hommes et les femmes de l'armée de terre font preuve, sur les théâtres d'opérations, d'un sens de l'engagement et d'un dévouement qui forcent mon admiration. Ils ont mis en oeuvre avec constance, depuis plusieurs années, de nombreuses restructurations et sauront, une fois encore, participer à l'effort national de redressement. Il est donc juste de veiller à leur moral en leur assurant des conditions normales de vie et de travail.
La bonne exécution de la loi de programmation militaire repose sur l'équilibre de sa première année, qui exige et une fin de gestion 2103 équilibrée, et un niveau de ressources suffisant pour 2014.
Nous vous avions demandé la franchise, vous en avez fait preuve, en nous dressant un panorama en demi-teinte.