Intervention de Jean-Louis Carrère

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 27 novembre 2012 : 1ère réunion
Session annuelle de l'assemblée parlementaire de l'otan — Communication

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère, président :

Je souhaiterais maintenant aborder un sujet lié au précédent puisqu'il concerne l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.

Avec nos collègues MM. Daniel Reiner, Jacques Gautier, Xavier Pintat et Jean-Marie Bockel, nous nous sommes rendus à Prague, du 9 au 12 novembre dernier, pour participer à la session annuelle de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.

La délégation de l'Assemblée nationale, conduite par notre collègue député Gilbert Le Bris, était composée de 11 députés, dont Mme Patricia Adam, Mme Nicole Ameline, M. Guy-Michel Chauveau, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Francis Hillmeyer, M. Jean-Marie Le Guen, M. Pierre Lellouche, M. Jean-Luc Reitzer, M. Philippe Vitel et Mme Odile Saugues.

Compte tenu de l'intérêt de nos échanges, il m'a paru intéressant de vous présenter un compte rendu de cette session.

Outre une rencontre traditionnelle avec notre ambassadeur à Prague, Son Exc. M. Pierre Levy, qui nous a notamment parlé de la situation en République tchèque et de l'éviction d'AREVA de l'appel d'offres concernant l'extension de la centrale nucléaire de Temelin, éviction qui profiterait à la Russie, cette session aura, en effet, été marquée par l'élection d'un nouveau président et le renouvellement du bureau de l'Assemblée, l'adoption de nombreux rapports et résolutions, portant sur des sujets aussi variés que la transition en Afghanistan, la situation en Syrie, le programme nucléaire militaire de l'Iran, ou encore les conséquences de la réduction des budgets de la défense sur l'Alliance atlantique. Nous avons également entendu plusieurs communications de hauts responsables de l'OTAN ou d'experts.

Au cours de la séance plénière, sont notamment intervenus le Premier ministre tchèque, les présidents du Sénat et de la chambre des députés de la République tchèque, les dirigeants de la Bosnie-Herzégovine, de la Macédoine, du Monténégro, le président de la Géorgie, M. Mikheil Saakashvili, ainsi que le Secrétaire Général de l'OTAN, M. Anders Fogh Rasmussen.

Je me limiterai à mentionner quelques uns des thèmes abordés dans le cadre de la commission politique et lors la séance plénière, avant de laisser la parole à mes collègues pour qu'ils vous présentent les principaux sujets évoqués lors des débats au sein des autres commissions.

Mais avant cela, je pense utile de dire un mot sur le rôle de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN et sur la place et l'influence des parlementaires français au sein de cette instance.

Je rappelle que l'Assemblée parlementaire de l'OTAN regroupe des parlementaires des 28 pays membres de l'Alliance de l'Atlantique Nord (dont les Etats-Unis et le Canada), de 14 pays associés (dont la Russie), de 4 pays partenaires (comme l'Algérie) ainsi que de 7 pays observateurs (comme le Japon).

Organe consultatif, elle constitue un forum utile de discussion sur tous les sujets intéressant l'Alliance atlantique, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre du nouveau concept stratégique, de la réforme des structures de commandement, de la défense anti-missiles, des relations transatlantiques, des relations OTAN-Union européenne, ou encore des opérations de l'OTAN, comme en Afghanistan.

Elle comprend 257 membres, qui sont désignés par leurs parlements respectifs, auxquels s'ajoutent 66 sièges pour les pays associés.

Le Parlement français dispose de 18 sièges, répartis entre 11 députés et 7 sénateurs titulaires, chaque membre disposant d'un suppléant. La délégation française est présidée alternativement d'une année sur l'autre par un député puis un sénateur.

L'Assemblée se réunit en session plénière deux fois par an, à tour de rôle dans les différents pays membres. Elle comporte cinq commissions (politique, dimension civile de la sécurité, défense et sécurité, économie et sécurité, sciences et technologies), qui se réunissent lors de chaque session et effectuent des déplacements durant l'année.

Sur la base des rapports élaborés par ces commissions, elle adopte des recommandations et des résolutions, qui sont adressées au Secrétaire général de l'OTAN, ainsi qu'aux gouvernements des États membres.

La session de Prague a d'abord été marquée par l'élection du député britannique M. Hugh Bayley à la présidence de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, en remplacement de l'allemand M. Karl Lamers.

La présidence de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN change tous les deux ans et est occupée en alternance par un représentant du parti conservateur ou un représentant du parti socialiste, mais qui est traditionnellement issu d'un pays européen.

Étant donné que M. Karl Lamers arrivait au terme de son deuxième mandat, il devait donc être logiquement remplacé par un membre du groupe socialiste.

Deux candidatures avaient été présentées au sein du groupe socialiste, celle du portugais M. Julio Miranda Calha et celle du britannique M. Hugh Bayley.

A l'issue d'un vote, M. Hugh Bayley l'a emporté au sein du groupe et a donc été désigné comme président de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.

Le bureau de l'Assemblée a également été profondément renouvelé.

La répartition des différents postes au sein de l'Assemblée répond à un subtil équilibre, avec le souci d'assurer une représentation équilibrée entre les différentes nationalités et les différents groupes politiques.

D'une manière générale, la session de Prague a été marquée par un renforcement de l'influence française au sein des différentes structures.

Notre collègue Mme Nicole Ameline a été élue à l'un des cinq postes de vice-présidents de l'Assemblée, aux côtés de M. Karl Lamers (Allemagne), Mme Cheryl Galland (Canada), M. Giorgio La Malfa (Italie) et M. Julio Miranda Calha (Portugal).

On peut également relever l'élection de notre collègue député M. Philippe Vitel à la présidence de la commission « sciences et technologies » ou encore l'élection de notre collègue M. Xavier Pintat comme rapporteur de la sous-commission sur l'avenir de la sécurité et des capacités de défense de la commission de la défense et de la sécurité.

Malgré ce renforcement, je considère toutefois que notre pays n'occupe pas encore la place qu'il mérite et qu'il reste encore d'importants progrès à accomplir pour renforcer notre influence, notamment par rapport à nos amis britanniques ou allemands.

Je rappelle, en effet, que notre pays, membre fondateur de l'OTAN, est le quatrième contributeur à l'Alliance atlantique, comme à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.

Je précise également que le français est, avec l'anglais, l'une des deux langues officielles de l'Alliance atlantique, même si on peut déplorer, année après année, un recul de l'usage de notre langue au profit de l'anglais, certains hauts responsables de l'OTAN, pourtant de nationalité française, préférant s'exprimer dans la langue de Shakespeare.

Je considère donc qu'il est important que nos représentants participent activement aux différentes activités de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, qui représente un lieu unique d'échanges et de débats sur les questions de défense et de sécurité.

Malgré les restrictions budgétaires auxquelles nous devons faire face, je pense aussi que nous devrions prendre des initiatives. Ainsi, en accord avec notre collègue député, M. Gilbert Le Bris, et sous réserve de l'accord des questeurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, nous avons ainsi proposé que la France accueille à Paris une réunion de la commission permanente de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN en 2016.

Pourquoi aussi ne pas organiser à nouveau un déjeuner pour les parlementaires francophones lors de chaque session, à l'image du déjeuner organisé pour les parlementaires germanophones par la délégation allemande ?

J'en viens maintenant aux principaux sujets qui ont été discutés lors de la session : L'avenir de l'Alliance atlantique et la situation en Syrie.

Dans un contexte marqué par le recentrage des Etats-Unis sur la zone Asie-Pacifique et la diminution sensible des budgets de la défense chez la plupart des pays européens, en raison de la crise économique et financière, la question de l'avenir de l'OTAN a été au centre des préoccupations.

Certes l'Alliance atlantique s'est dotée d'un nouveau concept stratégique, lors du Sommet de Lisbonne de 2010 et, lors du récent Sommet de Chicago, les chefs d'Etat et de gouvernement ont pris plusieurs décisions importantes, comme la mise en place d'un système de défense anti-missiles du territoire, qui soit un complément et non un substitut à la dissuasion nucléaire.

Mais, la réduction des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires européens suscite des interrogations sur l'avenir de l'Alliance.

Ainsi, le Secrétaire général de l'OTAN, M. Anders Fogh Rasmussen, a dressé un constat alarmant en précisant que, de 2001 à 2011, alors que les Etats-Unis continuent d'occuper le premier rang au monde en matière de dépenses de défense (avec 45 %), la part des pays européens membres de l'alliance est passée de 20 à 18 %.

Au cours de la même période, les dépenses de défense des pays émergents (BRIC - Brésil, Russie, Inde, Chine) ont augmenté, passant de 8 à 13,5 % des dépenses mondiales.

Aujourd'hui, avec 5,5 % des dépenses de défense mondiales, la Chine dépasse tous les pays alliés, à l'exception des Etats-Unis, tandis que les dépenses militaires du Japon sont au même niveau que celles de la France (3,6 %), et l'Arabie Saoudite (2,9 %) a dépassé l'Allemagne (2,7 %).

En 2015, le budget de défense de la Chine devrait dépasser le total cumulé des dépenses militaires des huit premiers pays européens !

Depuis 2001, alors qu'aux Etats-Unis les dépenses militaires se sont accrues de 3,2 à 4,8 % du PIB, les dépenses de défense des alliés européens, sont passés en moyenne de 1,9 à 1,5 % du PIB.

Aujourd'hui, seuls trois pays européens (le Royaume-Uni, la Turquie et la Grèce) atteignent l'objectif de 2 % du PIB consacré à la défense. 17 pays européens consacrent moins de 1,5 % du PIB à la défense, dont l'Allemagne (1,35 %). Dans de nombreux pays, comme l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas ou la République tchèque, les dépenses militaires ont connu des coupes drastiques ces dernières années. Quatre pays consacrent moins de 1 % de leur PIB à la défense. La part des dépenses militaires au sein de l'OTAN assurée par les Etats-Unis est, quant à elle, passée en dix ans de 66 à 77 %, creusant le fossé des deux côtés de l'Atlantique.

Face à cette situation, évoquant le discours de Robert Gates, et celui, plus diplomatique de son successeur, Léon Paneta, appelant les Européens à ne pas réduire leurs capacités de défense, le Secrétaire général de l'OTAN a, lors de la séance plénière, fait un vibrant plaidoyer en faveur du maintien de l'effort de défense et du développement des coopérations bilatérales et multilatérales. Car la réduction drastique des dépenses de défense chez la plupart des pays européens suscite de sérieux doutes outre-Atlantique.

Alors que les Etats-Unis sont eux-mêmes confrontés à des difficultés budgétaires et envisagent de réduire leurs dépenses militaires, les représentants américains au sein de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN ont ainsi appelé les pays européens à prendre davantage leurs responsabilités au sein de l'alliance.

Ils ont ainsi évoqué un projet de loi, adopté par la chambre des représentants, et actuellement en discussion au Sénat, prévoyant de retirer deux des quatre brigades de combat américaines stationnées en Europe et l'amendement présenté par un républicain visant à retirer toutes les troupes américaines stationnées en Europe, au grand dam des pays les plus « atlantistes », notamment les pays d'Europe centrale et orientale.

« Pourquoi les contribuables américains devraient-ils payer pour assurer la sécurité des Européens si ceux-ci ne sont pas disposés à prendre en charge leur sécurité ? », ont-ils fait valoir.

Alors que la position américaine n'a jamais été aussi ouverte à l'émergence d'un « pilier européen » au sein de l'Alliance atlantique, dont on a pu voir les prémices en Libye, c'est paradoxalement le manque de volonté politique et de moyens des pays européens qui en constitue aujourd'hui la principale limite.

Le Secrétaire général de l'OTAN a développé son concept de « Smart Defense » ou défense intelligente, qui consiste à encourager le partage et la mutualisation des capacités entre les pays membres de l'Alliance.

Notre collègue député M. Gilbert Le Bris a, quant à lui, insisté sur le renforcement de la coopération entre l'Alliance atlantique et l'Union européenne, toujours bloqué par la Turquie et Chypre, et plaidé pour la relance de l'Europe de la défense.

Pour ma part, j'ai insisté sur la nécessité de préserver la base industrielle et technologique de défense européenne, face au danger représenté par le recours accru au financement en commun, qui pourrait se traduire par un achat sur étagère d'équipements américains.

Lors de la séance plénière, nous avons également entendu un plaidoyer du président géorgien et de plusieurs pays des Balkans en faveur de la poursuite de l'élargissement de l'OTAN aux pays des Balkans et à la Géorgie.

Avec le soutien de nos collègues allemands, la délégation française a été l'une des seules à faire part de quelques interrogations sur l'élargissement de l'OTAN à la Géorgie, en s'abstenant lors du vote d'une résolution, compte tenu à la fois de la situation politique de ce pays, dont une partie du territoire a fait sécession, et de la nécessité de ne pas provoquer inutilement la Russie.

La situation en Syrie a constitué le deuxième grand sujet de cette session.

Malgré l'opposition résolue de la délégation russe, qui a présenté plusieurs amendements, l'Assemblée parlementaire de l'OTAN a adopté une résolution assez forte sur la Syrie

Je suis moi-même intervenu, en commission et en séance plénière, pour appeler la communauté internationale à prendre des mesures pour faire cesser les massacres et les crimes commis par le régime de Damas. Alors que la séance plénière s'est tenue au lendemain de la conférence de Doha, j'ai notamment salué cette étape majeure en vue de l'unification de l'opposition syrienne, qui ouvre la voie à la reconnaissance de cette coalition comme représentante légitime du peuple syrien.

Depuis lors, la France et le Royaume-Uni ont d'ailleurs reconnu la coalition nationale syrienne comme la seule représentante du peuple syrien.

D'autres rapports ou résolutions adoptés à Prague ont porté notamment sur la transition en Afghanistan, le printemps arabe, le programme nucléaire militaire de l'Iran, la démocratie à l'Est de l'Europe, etc.

L'ensemble de ces documents (rapports et résolutions) est disponible sur le site Internet de l'Assemblée mais notre secrétariat se tient à votre disposition si vous souhaitez les consulter.

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