A mon sens, il n'y a jamais eu d'enchantement. Il faut rappeler que les vrais pères fondateurs de la construction européenne sont Joseph Staline, par la terreur, et Harry Truman, par le plan Marshall, qui a forcé la France et l'Allemagne à coopérer. La construction européenne ne s'est jamais accompagnée d'enthousiasme populaire, et le traité de Rome n'a été adopté qu'à une faible majorité. Je ne nie pas que l'Europe a connu une grande époque, qui a donné naissance à des mythes dans l'élite française : c'est celle de la coopération entre Helmut Kohl et François Mitterrand, avec Jacques Delors à la tête de la Commission européenne. C'est l'action de ces deux responsables politiques qui a donné de la force aux décisions européennes, et non pas l'action de la Commission. Vu de la France, cette apogée européenne a duré du Sommet de Rambouillet en 1984 à celui de Maastricht en 1992. Il faut cependant souligner que s'il existe un noyau dur d'eurosceptiques militants, qu'on peut évaluer de 10 à 15 % de la population dans certains pays, la majorité des Européens n'est pas du tout hostile à la construction européenne. Celle-ci peut regagner de la crédibilité si elle sait montrer que son but principal est de défendre et protéger les intérêts des peuples européens dans un monde en évolution. Quant à l'évolution vers une Europe fédérale, il faut rappeler que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, dans sa décision sur le traité de Lisbonne, a récusé tout abandon de souveraineté, et que la majorité des Allemands, quoique disent certains leaders, ne veut pas d'une évolution de l'Union européenne vers un plus grand fédéralisme. Il est, bien sûr, indispensable de trouver une solution au cas grec, en définissant une gouvernance démocratique de la zone euro, qui devrait revenir à M. Van Rompuy. Quant à la politique à mener pour rétablir l'équilibre économique dans les pays européens les plus fragiles, elle doit consister en une « policy mix » qui seule leur permettra de sortir de l'impasse.