Comment, dans ce contexte où le service de santé des armées prendra une part de responsabilité croissante dans le système de santé publique, arriverez-vous à concilier cette mission avec les missions opérationnelles qui sont par nature imprévisibles ?
Général Jean Debonne - Vous posez la bonne question. Comment exister dans le civil tout en étant capable de déployer un soutien médical opérationnel un jour en Afghanistan, l'autre jour au Mali ? Ma conviction est que si nous maintenons le système en l'état, nous aurons des difficultés croissantes à assurer notre contrat opérationnel. Je prends un exemple : nous disposons de 40 équipes chirurgicales dont 30 sont projetables sur le terrain. Lorsque l'ensemble des forces prévues dans le cadre de l'opération SERVAL sera déployé, un tiers de ces chirurgiens va être positionné au Mali. Qu'est-ce que cela signifie pour les hôpitaux militaires qui les emploient ? Cela veut dire que ces hôpitaux devront annuler certaines opérations chirurgicales, réduire leur activité. Cette diminution créera nécessairement une modification du flux des patients vers le secteur civil et mécaniquement une diminution des recettes des hôpitaux militaires. Dans un environnement de plus en plus concurrentiel, cette situation nous affaiblira obligatoirement. Continuer ainsi ne sera pas soutenable très longtemps et c'est pourquoi il faut élargir la base de nos équipes, constituer des équipes mixtes civilo-militaires de façon à ce que la projection sur les théâtres d'opération n'entraîne pas une interruption du fonctionnement normal des services sur le territoire national.
S'agissant de notre hôpital à Kaboul, cet établissement est destiné aux militaires qui sont en nombre décroissant du fait du désengagement des forces françaises en Afghanistan, aux forces afghanes, qui dans le cadre de la transition sont aujourd'hui dirigées vers des structures afghanes et enfin à la population locale. Le service de santé des armées françaises est un des seuls services de santé militaire à disposer d'une tradition de soins aux populations civiles. Cette pratique marque la volonté de la France de ne pas ignorer la misère et les difficultés que rencontrent la population afghane. Cette action est menée dans le respect de la priorité accordée à l'assistance médicale à nos forces sur le terrain dont les effectifs devraient être de 500 à partir de juillet prochain.