Intervention de Justin Vaïsse

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 5 février 2014 : 1ère réunion
Nouvelles orientations stratégiques des etats-unis — Audition de M. Justin Vaïsse directeur du centre d'analyse de prévision et de stratégie au ministère des affaires étrangères

Justin Vaïsse, directeur du centre d'analyse, de prévision et de stratégie du ministère des affaires étrangères :

Je vais probablement décevoir ceux qui sont attachés, comme moi, à la résolution du problème palestinien, mais la réalité est que ce conflit n'est pas au coeur des problèmes de la région. Ce qui structure la région, c'est l'antagonisme entre l'Iran et l'Arabie saoudite et si l'on veut résoudre les crises c'est d'abord un accord entre ces deux pays que l'on doit viser, ce qui pourrait débloquer le dossier du nucléaire iranien et celui de la guerre civile en Syrie. Sur ce dernier, je suis pessimiste car aucune des deux puissances qui soutiennent les forces en présence ne souhaitent perdre et chacune a aujourd'hui intérêt à équilibrer l'autre, sans que l'on ait de visibilité et de solution à court terme.

Pour progresser sur le dossier israélo-palestinien aussi, l'une des clefs c'est la question du Hezbollah, celle du Hamas et donc l'implication de l'Iran. La mère de toutes les crises est donc bien aujourd'hui l'antagonisme entre ces deux puissances régionales. C'est une réalité.

Grâce à nos liens étroits avec l'Arabie saoudite et les pays arabes du Golfe, nous pouvons encourager ce rapprochement, en espérant que l'accord définitif sur le nucléaire iranien s'accompagnera d'une baisse des tensions, mais on peut aussi craindre l'inverse, si les Saoudiens le considèrent comme un jeu de dupes.

S'agissant de l'Afrique, notre présence est justifiée par deux raisons. La première c'est que tant que nous conserverons des capacités militaires à y agir, nous, Français, y serons attirés. La seule façon de ne plus être impliqués au Mali ou en RCA serait de ne plus disposer de ces capacités. Comme les Américains, à partir du moment où nous disposons de ces moyens, nous sommes confrontés au dilemme classique de l'intervention, avec des critiques quel que soit le choix opéré : « damned if you do, damned if you don't ». Si l'on n'intervient pas, on est accusé de laisser faire, si l'on intervient de néo-colonialisme ou d'agir pour sauvegarder nos intérêts économiques. La seconde raison est que l'Afrique est un continent d'avenir au-delà des zones de conflits, il y a des pays qui se développent comme le Nigeria, l'Éthiopie, le Mozambique ou l'Angola... et que nous devons nous tourner vers ces pays qui nous sont moins familiers.

Les États-Unis portent assez peu d'attention à l'Afrique, hors la lutte contre le terrorisme. Les principaux acteurs ne sont pas la Russie, mais la Chine et aussi la Corée du sud, l'Inde et le Brésil qui a une véritable politique africaine.

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