Intervention de Justin Vaïsse

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 5 février 2014 : 1ère réunion
Nouvelles orientations stratégiques des etats-unis — Audition de M. Justin Vaïsse directeur du centre d'analyse de prévision et de stratégie au ministère des affaires étrangères

Justin Vaïsse, directeur du centre d'analyse, de prévision et de stratégie du ministère des affaires étrangères :

Ce que je contestais, ce n'est pas l'importance de ce bouleversement économique, mais l'assertion selon laquelle il conduirait à rendre les États-Unis de plus en plus indépendants et à se désengager des affaires du Moyen-Orient, et donc l'impact sur leur posture stratégique. Les États-Unis restent la puissance dominante et se considèrent comme responsables en dernier ressort de l'ordre et de la stabilité du monde. À ce titre, ils ne peuvent donc se désintéresser de ce qui se passe sur le marché du pétrole et donc de la stabilité du Moyen-Orient. Cela étant, dire que cela n'a aucun impact n'est pas vrai non plus. Cela a un effet dans les relations des États-Unis avec les autres acteurs. Quand Obama parle avec Xi Jinping ou avec les leaders au Moyen-Orient, tous savent qu'ils disposent de marges de manoeuvre supplémentaires et en tiennent compte, c'est donc un jeu assez subtil.

L'incidence est très significative sur le plan économique. Il y a une petite désillusion parce que le rythme d'attrition des gisements est plus important que prévu, mais il y a la mise au point de nouvelles techniques et d'autre part le pétrole de schiste est en croissance. Il y a donc un impact direct en ressources directes et indirectes, avec des ressources fiscales, du développement économique, un renouveau des industries de la chimie, des changements dans la consommation énergique avec une substitution du gaz au nucléaire ce qui a profondément affecté la filière aux États-Unis, et enfin la transformation des terminaux qui d'importateurs deviennent des terminaux exportateurs. Les répercussions sont aussi indirectes, ainsi l'arrivée des gaz de schiste sur le marché a eu pour effet une baisse des prix du charbon et en conséquence une utilisation plus massive de cette énergie par l'Allemagne au moment où elle effectue sa sortie du nucléaire. Le prix du gaz est de plus en plus mondialisé, on se rapproche du marché du pétrole. Des pays, comme la Pologne, profitent de la mondialisation du marché pour réduire sa dépendance du gaz russe. L'impact est donc profond, y compris pour l'Europe qui bien que n'étant pas producteur, profite de la baisse des prix de l'énergie, que la production de gaz de schiste induit. Mais l'impact le plus marquant sera un renouveau de la puissance industrielle américaine qui bénéficie d'un avantage compétitif avec un prix très faible de l'énergie.

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