Intervention de Catherine Vautrin

Réunion du 29 mars 2006 à 15h00
Droit de préemption et protection des locataires en cas de vente d'un immeuble — Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes saisis, en deuxième lecture, de la proposition de loi présentée par Mme Martine Aurillac et plusieurs de ses collègues, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale en juin 2005 et par le Sénat le 13 octobre.

L'Assemblée nationale l'a examinée en deuxième lecture le 15 décembre dernier. Elle a approuvé la plupart des enrichissements, nombreux, apportés à ce texte de loi en première lecture.

Je voudrais rendre hommage aux travaux menés par le Sénat. Permettez-moi aussi de souligner la qualité du rapport en deuxième lecture de votre rapporteur, qui nous conduira à donner sa pleine effectivité aux mesures de protection des locataires prévues par cette proposition de loi.

Je sais que chacun, sur ces travées, partage le constat des difficultés entraînées par les ventes à la découpe. Pour autant, les solutions proposées pour y remédier sont encore divergentes.

Le phénomène des ventes par lots est l'enfant de la crise du logement. La vague actuelle que nous connaissons a incontestablement une nature spéculative et nous savons tous que la spéculation est l'enfant de la rareté. Ainsi, les ventes à la découpe ne sont au fond qu'une expression supplémentaire des problèmes nombreux soulevés par la crise du logement. Cette crise traduit avant tout la faiblesse de la construction de logements sur la période 1997-2002.

La détente de la spéculation viendra de l'augmentation de l'offre nouvelle de logements, et je dois à cet égard souligner les résultats obtenus par le Gouvernement. Les faits sont précis, les derniers chiffres, communiqués ce matin, sont riches d'enseignement : 414 000 mises en chantier dans les douze derniers mois ; c'est la performance la plus élevée des vingt-cinq dernières années !

Les perspectives pour 2006 se situent au-dessus de 420 000 mises en chantier. De 42 000 logements locatifs sociaux seulement financés en 2000, l'offre nouvelle vient de dépasser, sur les douze derniers mois, 80 000 logements sociaux, toujours hors plan national pour la rénovation urbaine.

L'année 2006 verra la réalisation de 100 000 logements locatifs sociaux, conformément à l'objectif du plan de cohésion sociale.

Si nous apportons des réponses nombreuses pour bloquer structurellement la spéculation, nous devons aussi agir de manière immédiate pour enrayer le phénomène des ventes par lots qui déstabilise les locataires, lesquels en sont les premières victimes.

Il faut d'abord utiliser la voie de l'accord contractuel pour endiguer la vague spéculative des ventes à la découpe et protéger efficacement les locataires en place. Le Gouvernement continue à privilégier cette voie, mais, face à la gravité des conséquences sociales et économiques de ce phénomène, il est urgent d'agir.

Il faut recourir à la loi, au-delà des protections des accords collectifs, pour enrayer le nouveau phénomène et protéger efficacement les locataires en place, sans pour autant remettre en cause ni le droit de propriété ni le délicat équilibre des rapports entre les bailleurs et les locataires.

C'est bien ce souci d'une juste régulation, la volonté de respecter le droit de propriété, de protéger les locataires victimes des ventes par lots, qui ont conduit Mme Aurillac à déposer devant l'Assemblée nationale cette proposition de loi.

Le texte qui nous revient aujourd'hui est conforme à la proposition votée par le Sénat, et je m'en félicite. Il permet l'extension des accords protecteurs et offre aux locataires comme aux propriétaires un réel droit d'opposition à l'extension par décret de ces accords nationaux.

Appliqué au sujet particulier des ventes par lots, qui concerne les secteurs de location II et III, où cinq organisations représentatives de bailleurs côtoient les cinq grandes associations nationales de locataires, il faudra réunir au moins cinq opposants, sur les dix intéressés, pour interdire la généralisation d'un accord collectif.

Ce sont donc en quelque sorte les « mauvais accords » qui se heurteront à une telle majorité frontale, et c'est bien le but que nous recherchons. Le Sénat, suivi par l'Assemblée nationale, a mis au point une solution tout à fait équilibrée qui, sans être paralysante, respecte nos principes de démocratie sociale.

Le Parlement s'est également soucié de la force légale des obligations résultant des accords collectifs de location, quand ils sont généralisés par décret. Il a notamment posé le principe de l'annulation des congés-vente abusifs.

À l'initiative du Gouvernement, qui a entendu renforcer la protection des locataires en place, le Sénat, suivi par l'Assemblée nationale, a adopté un amendement qui prévoit la nullité de droit, et non plus laissée à l'appréciation du juge, des congés pour vente qui ne respectent pas l'une des obligations inscrites dans un accord collectif par hypothèse étendu.

Il s'agit d'une garantie extrêmement solide donnée aux locataires victimes de ventes par lots : les protections de l'accord du 18 mars 2005 joueront dans toute leur plénitude en cas de congé-vente.

La mesure phare de cette proposition de loi, que le Sénat et l'Assemblée nationale ont votée, est la création d'un dispositif de préemption pour les locataires dès le stade de la première vente en bloc.

Son objectif est de mettre fin aux reventes successives d'immeubles entiers qui alimentent la spéculation, en offrant aux locataires en place la possibilité d'acheter leur logement au « prix de gros » lors de la « vente au détail ».

Le Sénat a apporté, en première lecture, plusieurs améliorations pertinentes à ce dispositif, qui ont été confirmées lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

Concernant l'engagement minimal de six ans de maintien sous statut locatif, il a prévu la transmission obligatoire aux occupants du règlement de copropriété et d'un diagnostic de l'état général de l'immeuble avant sa vente en bloc déclenchant le nouveau droit de préemption.

Il a enfin élargi le nouveau droit de préemption aux cessions de parts de société civile immobilière - SCI - pour éviter que ce droit ne soit contourné par les propriétaires bailleurs les moins scrupuleux.

Il reste la question importante de la taille des immeubles soumis à ce nouveau droit de préemption. L'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a baissé le seuil de dix à cinq logements.

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