Intervention de Amiral Edouard Guillaud

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 12 octobre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission défense - Audition de l'amiral edouard guillaud chef d'état-major des armées

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des Armées :

Avant d'aborder le vif du sujet, à savoir le PLF 2012, je vous propose en guise de préambule :

- deux chiffres, une leçon tirée de l'année opérationnelle particulièrement chargée que nous venons de vivre et une observation sur notre histoire militaire.

Les deux chiffres sont extraits du SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute). Si, en tactique, un schéma vaut mieux qu'un long discours, en géopolitique, les chiffres valent sans doute mieux que de longs développements. Je sais qu'ils sont sujets à polémique ; ils sont néanmoins révélateurs de tendances.

1er chiffre : entre 2001 et 2010, l'augmentation des dépenses militaires mondiales est de + 50 % : + 80 % pour les Etats-Unis d'Amérique, mais je relève que le Canada a également accru ses dépenses, à 2 % de son PIB, + 70 % pour l'Asie de l'Est, principalement tirée par la Chine, mais seulement + 4 % pour l'Europe de l'Ouest.

2ème chiffre : sur la même période, la part des dépenses militaires de l'Europe de l'Ouest est passée en 2001 de 29 % des dépenses mondiales à 20 % en 2011.

L'Europe désarme, le monde réarme ! Ce n'est pas une nouveauté. Cette tendance, si elle devait se confirmer, serait lourde de conséquences pour l'avenir de l'Europe en termes de puissance globale, capable de peser dans les affaires du monde.

La leçon que je tire de cette année opérationnelle, particulièrement dense pour les armées, est que l'outil de défense ne peut pas se concevoir comme un potentiel en devenir. Il est ou il n'est pas. On peut l'engager ou non. Le maintien des capacités opérationnelles adaptées aux menaces est une exigence permanente.

Enfin, pour clore ce court préambule, une petite observation que nous enseigne l'Histoire: la guerre vient toujours trop tôt ! Elle surprend. Et lorsque l'on commence à connaître les contours essentiels de la guerre à venir, il est souvent trop tard. Il est trop tard pour reconstruire un outil adapté aux menaces.

Entre Sadowa (1866) et Sedan (1870) : 4 ans

Entre l'affaire de Tanger (1905) et la Marne (1914) : 9 ans

Entre la remilitarisation de la Rhénanie (1936) et l'invasion de la Pologne (1939) : 3 ans

Fournir à nos forces les hommes et les matériels les mieux adaptés aux engagements futurs tout en préservant l'outil de défense d'aujourd'hui est une nécessité. Il s'agit toujours de combiner la vision du long terme avec les exigences et la réactivité du court terme. Le temps d'un programme d'armement n'est pas le temps d'une annualité budgétaire ou même d'une LPM. Je l'ai déjà dit en ces lieux. Il s'écoule en moyenne 15 ans entre un projet et la réalisation du programme, destiné à durer lui-même une quarantaine d'années, avant une phase de démantèlement d'environ 5 ans. Cela devrait être une évidence, mais en ces temps de crises financières, la Nation doit prendre conscience que le maintien de l'effort de défense doit rester une priorité.

L'année 2010-2011 est à cet égard instructive. Au cours de cette année, les armées françaises ont été particulièrement sollicitées. Nous avons conduit plusieurs opérations majeures, simultanément et avec succès, que ce soit sur le territoire national, en Côte d'Ivoire, en Libye, au Liban, au Kosovo, dans l'océan Indien, dans le Sahel et toujours en Afghanistan ... autant de théâtres d'engagement où nos soldats portent la voix de la France et payent de leur sang notre engagement.

Sans revenir dans le détail sur l'ensemble de ces opérations - qui ne sont pas le sujet du jour - je souhaite néanmoins apporter un éclairage complémentaire et actualisé sur deux théâtres majeurs : l'Afghanistan et la Libye.

L'Afghanistan : cette année a été éprouvante pour nos forces déployées. Les pertes ont été importantes, c'est vrai, et 23 de nos soldats ont donné leur vie pour notre pays depuis le début de cette année. Je souligne que ces hommes ne doivent pas être considérés comme des victimes, mais comme des soldats en mission. Je voudrais remettre en perspective notre engagement en Afghanistan et ne pas le réduire au seul décompte de nos pertes:

- 10 ans après le début de cet engagement, le temps est maintenant au transfert des responsabilités de sécurité aux Afghans. Il n'y a là rien de surprenant et rien de prématuré.

- depuis que l'OTAN a pris le commandement de cette opération, ses plans prévoient une phase 4 de transfert aux Afghans. C'est ce que nous allons commencer dès 2011.

La France a commencé à transférer, en août 2009, la responsabilité de la sécurité de Kaboul à l'Armée nationale afghane (ANA), avec de bons résultats.

Pour couper court à certains commentaires, je crois qu'il faut rappeler qu'il y a aujourd'hui plus de 300 000 soldats et policiers afghans alors qu'ils étaient 10 fois moins nombreux, il y a 5 ans. Ce qui est vrai pour l'Afghanistan est vrai pour la zone française en Kapisa : 600 soldats et policiers locaux en 2009, et plus de 3 300 aujourd'hui. Je rappelle à ce sujet qu'un millier de sous officiers sont formés par la France aux Emirats Arabes Unis (EAU) chaque année. A mon sens, ces chiffres illustrent la réalité et le succès, dans le domaine militaire, des opérations de l'OTAN. Il n'a jamais été question de battre les insurgés ni de transformer l'Afghanistan en havre de paix.

Nos objectifs ont toujours été :

- Ne pas laisser Al Qaeda planifier des opérations terroristes en toute impunité à partir de l'Afghanistan. Et c'est essentiellement le rôle des forces spéciales. On peut considérer que cet objectif est en passe d'être atteint avec la neutralisation de Ben Laden, de Zawirah et d'autres chefs liés à Al Qaeda.

- Former des forces de sécurité afghanes suffisantes en nombre, autonomes pour assurer seules la sécurité de l'Afghanistan.

- En même temps, contenir l'insurrection, la réduire à un niveau suffisant pour qu'elle puisse être prise en compte par l'armée et la police afghanes, d'abord avec notre appui, puis seules.

Nous avons rempli notre part de la feuille de route internationale, c'est maintenant aux Afghans de prendre le relais.

Aujourd'hui, notre intention est de placer davantage les Afghans en situation de responsabilité. L'ANA aura la charge de la planification et de la conduite des opérations, comme la semaine dernière dans la vallée de Surobi, avec un bataillon central afghan et des soutiens français. Ceci était impensable il y a seulement 10 mois.

Nous allons basculer progressivement des missions de contrôle de zone vers des missions d'appui et de soutien des forces afghanes. Cela nous permettra aussi de réduire notre vulnérabilité.

Dans ce contexte, et à l'instar du transfert réussi de la responsabilité de Kaboul en 2009 aux forces de sécurité afghanes, la transition doit commencer en Surobi. La choura tenue cette semaine dans cette vallée nous a permis de constater la confiance de la population envers l'ANA.

Aussi, et conformément aux récentes décisions politiques d'un retrait concerté avec la coalition, nous pouvons planifier aujourd'hui le désengagement d'un quart de notre contingent entre novembre 2011 et la fin de l'année 2012, qui passera de 4 000 hommes à 3 000. Cela commencera par une compagnie et ses appuis, 200 hommes, qui rentreront définitivement d'Afghanistan en octobre 2011. Nos effectifs seront réduits d'une nouvelle tranche de 200 hommes d'ici la fin de l'année, en concertation avec la coalition, puis encore en mars 2012. Le reste des départs s'échelonnera au cours du deuxième semestre 2012.

J'en viens à l'opération Harmattan en Libye. La France a été, avec le Royaume-Uni, le moteur politique et l'un des moteurs militaires de la coalition, sans oublier le soutien indispensable de nos partenaires américains qui ont fourni des capacités critiques. Notre implication politique conjuguée à notre engagement militaire nous a permis de peser sur la définition de la stratégie de l'opération « Unified Protector », et d'avoir un effet d'entraînement sur l'OTAN et sur les membres de la coalition autour d'une vision française.

La coalition que nous avons entraînée avec les Britanniques - et avec le soutien américain- a permis d'abord de faire cesser les exactions des forces de Kadhafi contre les Libyens à Benghazi et à Misratah, ensuite et c'est encore le cas maintenant, de poursuivre la neutralisation de cet outil militaire jusqu'à sa reddition.

Des charniers, découverts en différents endroits, ont montré que les menaces proférées par Kadhafi étaient réelles.

Les armées ont participé à tous les volets de cette opération : de l'embargo, l'interdiction de survol du territoire libyen, à la protection des populations. La poche côtière de Syrte, tenue essentiellement par des mercenaires venus des pays du Sahel, devrait bientôt tomber.

De façon inédite et sans préavis, nous avons engagé toutes les composantes de nos armées : jusqu'à plus de 40 aéronefs, 20 hélicoptères et une dizaine de bâtiments de combat et de soutien, dont le Groupe aéronaval, et un bâtiment de projection et de commandement (BPC), avec un groupe aéromobile. Au total, 25 bâtiments se sont succédé pendant 7 mois pour assurer la permanence des opérations maritimes.

Les avions de l'armée de l'air et de la Marine ont réalisé environ 4 500 sorties, soit 21 000 heures de vol, représentant 25 % de toutes les sorties de la coalition, comprenant les vols de ravitailleurs, 35 % des missions offensives, 20 % des frappes avec plus de 750 objectifs détruits.

De son côté, le groupe aéromobile, armé par les hélicoptères de l'ALAT, a conduit une trentaine de raids et détruit 550 objectifs, soit 90 % des frappes de la coalition réalisées par les hélicoptères, français auxquels il faut ajouter les 5 hélicoptères de combat Apache britanniques. Nos bâtiments ont effectué de nombreux tirs contre terre en complément de l'action de nos avions ou de nos hélicoptères.

La réduction de Bani-Walid, l'autre abcès de fixation, sera sans doute plus longue, après la chute de Syrte. Mais, d'ores et déjà, nos forces ont réduits le nombre de leurs tirs, faute de cibles. Un début de réduction de notre dispositif a été décidé ce matin même par le Président de la République.

Sans excès d'autosatisfaction, je pense que peu de pays sont capables et ont la volonté de faire ce que nous avons fait simultanément : en Libye, en Côte d'Ivoire, au Japon -où nos avions ont évacué nos ressortissants vers la Corée- et sur le territoire national avec notamment la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, qui mobilise en moyenne 370 hommes par jour en permanence.

Sur ces engagements opérationnels, je ferai trois remarques :

1ère remarque : la réactivité de notre chaîne décisionnelle est un véritable atout dans la gestion de crise. Elle repose sur une forme d'équilibre que peu de démocraties, me semble-t-il, ont trouvé. Celui qui donne au Président de la République, chef des armées, une large capacité d'action face à la crise, tout en renforçant le contrôle parlementaire de nos engagements extérieurs, comme en témoigne le rythme de mes auditions par les commissions parlementaires.

Sans cet équilibre, sans la décision du chef des armées le 19 mars d'engager nos moyens aériens, les chars de Kadhafi seraient rentrés dans Benghazi. L'histoire se serait écrite de façon différente, peut-être comme en Syrie, où l'on déplore aujourd'hui plusieurs milliers de morts.

2ème remarque : aucune armée, air, terre ou marine, ne détient seule la capacité de régler une crise. C'est bien leur complémentarité, la combinaison de leurs moyens qui donne de l'efficacité à notre action militaire. C'est leur complémentarité mais également leur niveau de préparation et de réactivité qui nous permet de faire vite et de faire but. Les opérations en Côte d'Ivoire et en Libye en témoignent. C'est un satisfecit.

3ème remarque : je rappelle qu'une capacité ne se réduit pas à un système d'armes. Elle est adossée à une doctrine, une organisation, un soutien ; elle n'existe que parce des soldats sont recrutés, formés et entraînés pour servir ce système d'armes.

C'est tout le sens du décret de 2009, qui donne au chef de l'Etat-major des armées le pouvoir de mettre en cohérence les différents piliers qui structurent une capacité, permise par son autorité sur les trois armées.

Nous devons la qualité de notre outil militaire et nos succès opérationnels à la cohérence des efforts que nous avons consentis dans la durée. Un programme d'armement dure 60 ans de sa conception jusqu'à son démantèlement. Relâcher ces efforts, c'est compromettre l'aptitude de nos forces à s'engager comme elles le font aujourd'hui. Ces succès sont le fruit des efforts consentis en faveur des équipements, en particulier depuis 5 ans.

Il ne s'agit pas seulement de l'entrée en service de matériels majeurs comme le Rafale, les VBCI, ou des hélicoptères Tigre, commandés en leur temps, ce sont aussi tous les équipements acquis en urgence opérationnelle. Ce sont aussi les efforts de préservation de l'activité de préparation opérationnelle, alors que la maîtrise des coûts d'entretien et des carburants reste délicate. Ce sont enfin les efforts de recrutement et de formation d'hommes et de femmes motivés qui possèdent les forces morales qui font toute leur valeur.

J'insiste sur ce point : je suis toujours frappé au cours de mes inspections par le courage, la ténacité et l'abnégation qui habitent nos soldats. Nous avons un devoir de reconnaissance à leur égard. C'est notamment l'enjeu du mémorial OPEX, ou encore de l'accompagnement des blessés et de leur famille. Plus de 600 soldats sont morts en OPEX depuis la fin de la guerre d'Algérie.

C'est un sujet qui me tient à coeur : il appelle une mobilisation du monde de la défense, certes ; il appelle aussi une mobilisation de la représentation nationale et un soutien des Français. Le patriotisme et l'esprit de défense doivent se traduire concrètement par des actes. Ils sont nécessaires à la pérennisation des forces morales que j'évoquais il y a un instant.

Après cet éclairage particulier sur les théâtres d'opérations qui ont connu une évolution majeure ces trois derniers mois, je voudrais vous livrer trois commentaires sur le PLF 2012.

1er commentaire : l'exécution de la LPM pour les années 2009, 2010, 2011 est conforme. Bien sûr, on pourra dire qu'elle l'est plus ou moins, mais elle l'est globalement.

Le bilan physico-financier de ces trois dernières années répond aux orientations stratégiques qui avaient été définies dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008. C'est la recapitalisation de notre outil de défense, avec l'effort attendu sur la protection du combattant : des progrès substantiels ont été réalisés pour le renouvellement de nos équipements les plus anciens, voire les plus antiques. Désormais, VBCI, CAESAR, TIGRE, RAFALE, frégates anti-aériennes, sont engagés en opérations avec une efficacité démontrée.

C'est l'effort sur la fonction « connaissance et anticipation » qui s'est concrétisé par l'augmentation des effectifs et des moyens dédiés. Je pense aux livraisons de nacelles de reconnaissance de nouvelle génération, qui ont réalisé près de la moitié des images prises au-dessus de la Libye, et d'un C 160 Gabriel rénové.

J'évoquerai enfin à titre d'exemple le double engagement opérationnel du drone Harfang sur les théâtres afghan et libyen.

C'est aussi le renforcement du segment « espace » avec le lancement d'HELIOS, l'acquisition des nouvelles stations sol SYRACUSE ou encore la création du commandement interarmées de l'espace.

2ème commentaire : avec 31,7 Md€ (dont 1,1 Md€ de ressources exceptionnelles), le budget 2012 préserve notre effort de défense et reste conforme à la PBT (planification budgétaire triennale) 2011-2013.

Dans le contexte économique que nous connaissons, cela mérite d'être souligné.

L'augmentation de 1,8 % par rapport à 2011, compense l'inflation et permet de poursuivre à la fois la transformation des armées et notre effort de recapitalisation.

La transformation d'abord : quelques chiffres méritent d'être rappelés : depuis 2009, 53 organismes majeurs ont été dissous et 25 organismes ont été transférés. Nous avons supprimé d'ores et déjà 30 000 postes sur les 54 000 réclamés à la Défense.

Dans le même temps, nous avons créé 60 BdD dont 51 en métropole, 5 Etats-majors de soutien de défense, la Direction de la sécurité des aéronefs de l'Etat, 2 commandements interarmées consacrés à l'espace et aux hélicoptères, 5 directions de soutien, l'inspection des armées et la direction de l'enseignement militaire supérieur pour améliorer le rapport coût / efficacité de notre fonctionnement.

La dotation des bases de défense a été ajustée pour tenir compte de l'expérience de la gestion en cours, l'organisation cible a été atteinte avec 2 ans d'avance, avec un effort particulier consenti par l'armée de terre, qui a modifié son organisation séculaire.

Je ne crois pas que beaucoup d'institutions en France aient réussi un pareil tour de force en termes de restructuration et ceci, tout en engageant en permanence et en moyenne 12 000 hommes sur 9 théâtres distincts et exigeants, réduits à 7 aujourd'hui. La fin des déflations programmées sera sans doute plus difficile à réaliser.

Elle ne résulte en effet plus de dissolutions massives de structures mais de rationalisations dans de multiples métiers. C'est un vrai défi.

Par ailleurs, compte-tenu des modifications apportées depuis 2008 à la maquette initiale, notamment du fait de nouvelles décisions et de nouveaux besoins, l'objectif de 54 000 ne sera probablement pas atteint.

En dépit du coût d'accompagnement des restructurations et de l'évolution des dépenses sociales, les crédits de rémunération devraient diminuer de 1 % par rapport à 2011 sous l'effet des 7 462 suppressions de postes, qui représentent à elles seules un quart des réductions d'effectifs de l'Etat.

Corrélativement, environ 50 % des économies engendrées par ces déflations seront consacrées à la condition du personnel. Il s'agit d'une règle commune qui s'applique à tous les ministères depuis 2009et que la défense respecte pleinement.

Notre transformation avance et tient globalement ses objectifs. « Ministère de la Défense : vertu militaire ! » titrait un quotidien du soir, le 12 juillet dernier, en s'appuyant sur le rapport de gestion de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Je cite : « Le ministère de la défense est un bon élève de la classe gouvernementale ».

Concernant la recapitalisation de notre outil de défense entamée en 2008 : l'effort en faveur des équipements sera maintenu. Les ressources totales consacrées aux équipements s'élèveront à 16,5 Md€, soit un niveau toujours significativement supérieur à la moyenne de la LPM 2003-2008 qui était de 15 Md€. Ces crédits permettront de poursuivre la politique d'investissement au profit de la fonction Connaissance et Anticipation : ce sera notamment la mise en oeuvre, sans doute uniquement française, du programme de satellites MUSIS, successeur d' HELIOS.

Nous pourrons également améliorer les moyens de renseignement grâce aux livraisons d'un C 160 Gabriel rénové, de 7 nacelles de reconnaissance nouvelle génération, de stations sol SYRACUSE, et de commandes de drones SDTI « Sperwer ».

Nous sommes enfin sur la voie de l'acquisition d'un système de maintien de capacité MALE.

Ces crédits du PLF 2012 permettront aussi d'engager des commandes : ce sera la poursuite du renouvellement de la composante océanique de la dissuasion avec les missiles M51 et la rénovation des avions ravitailleurs de la composante aéroportée, jusqu'à l'arrivée des nouveaux ravitailleurs prévue pour 2017.

La protection des combattants restera une priorité avec les livraisons de véhicules de haute mobilité (VHM), de 100 VBCI, de 200 PVP, de 4 000 équipements FELIN, de missiles sol-air ASTER et MISTRAL anti-aérien rénovés.

En termes de mobilité des forces, la livraison du troisième BPC Dixmude - qui entraînera la vente du TCD « Foudre » - de 5 avions cargo CN 235, de 8 hélicoptères NH 90 et de 4 hélicoptères de manoeuvre COUGAR rénovés nous assurera le seuil minimum indispensable pour assurer nos contrats opérationnels.

Enfin, nos forces recevront la première frégate multi-mission (FREMM) -l'Aquitaine-, 11 avions Rafale, 6 hélicoptères Tigre nouveau standard, des armements air sol modulaires (AASM), dont plus de 200 ont été tirés en Libye, des missiles air-air MICA. Nous lancerons l'acquisition de missiles sol-sol de moyenne portée MMP, développés par MBDA.

Cet effort d'équipement contribue naturellement à soutenir notre industrie de défense avec l'emploi qu'elle engendre, l'autonomie stratégique qu'elle nous assure et la promotion de nos expertises technologiques qu'elle nous garantit.

3ème commentaire : bien sûr, nous ne sommes pas dans un monde parfait et je me dois aussi de souligner quelques points de vigilance concernant l'exécution du PLF 2012 et de la LPM en général.

A ce titre, je rappellerais que depuis 2008 et les premiers travaux d'élaboration de la LPM, certaines hypothèses de construction initiale ont évolué. Il s'agit avant tout des recettes exceptionnelles, dont le retard a été jusqu'à présent partiellement compensé par l'autorisation de consommer les reports de crédits hérités de la précédente loi.

Les nouvelles sont encourageantes dans le domaine des fréquences : 936 millions d'euros sont prévus d'ici la fin de l'année 2011. J'espère que le mouvement engagé se poursuivra l'an prochain.

Il s'agit ensuite des besoins non programmés, car répondant à des nécessités opérationnelles nouvelles qu'il a fallu financer. Ce sont notamment nos achats en procédure d'urgence opérationnelles, ce sont nos engagements internationaux avec le renforcement de notre présence aux EAU, ce sont également les prises en compte des menaces cybernétiques avec la création de postes au profit de la lutte informatique. C'est une nécessité : souvenez-vous des attaques contre Bercy ou certaines de nos grandes entreprises. Les recrutements nécessaires se heurtent cependant à la pénurie actuelle d'ingénieurs informatiques.

Je pense aussi aux surcoûts de transition liés à la transformation des armées qu'il faut accompagner : dépenses d'aides à la mobilité et à la reconversion plus importantes que prévues, restructurations des infrastructures, bases de défense.

Je pense enfin et surtout à la contribution de la défense à l'effort de redressement des finances publiques définie par la loi de programmation des finances publiques (LPFP).

Cette nouvelle trajectoire financière, en retrait par rapport à celle prévue par la loi de programmation militaire, nous a imposé, dans un contexte de lourde restructuration, une réduction drastique de nos crédits de fonctionnement courant. Cette trajectoire nous a conduits à accentuer la préparation opérationnelle différenciée, en nous efforçant d'éviter l'écueil d'une armée à deux vitesses.

Nous avons de plus été amenés à décaler de nombreux programmes d'armement sans toutefois remettre en cause à court terme les principaux programmes en réalisation.

A l'ensemble de ces points de vigilance que je viens d'évoquer, s'ajoutent les enjeux de la fin de gestion 2011 :

- l'encaissement effectif des recettes exceptionnelles, dont des produits de cessions des fréquences.

- le financement de la taxation interministérielle relative à la condamnation de Thalès dans le cadre de la vente de frégates à Taïwan. Elle touche le ministère de la défense à hauteur de 230 M€, soit la moitié du total. 230 M€, ce sont quand même 1,3 % des crédits d'équipements.

- Je veux évoquer aussi la forte augmentation des cours du pétrole depuis le début de l'année. Elle a fait naître, hors OPEX, un déficit de l'ordre de 60 M€.

- Je veux encore rappeler, en dépit de mesures d'économie qui se prolongeront en 2012, un déficit de masse salariale, hors OPEX, qui pourrait atteindre 70 M€. 70 M€, cela peut paraître beaucoup, mais c'est deux fois moins que la contribution du ministère à la taxation précédemment citée pour Thalès, et ce n'est que 0,6 % des crédits de masse salariale de la mission défense.

Pour ces insuffisances, je demande l'activation des clauses de sauvegarde prévues par la LPM. Le PLF pour 2012 est basé sur le baril brut estimé à 100 dollars.

- Et je terminerai enfin par la question des surcoûts OPEX :

A activité comparable, c'est-à-dire hors Harmattan, on constate une stabilisation des surcoûts par rapport aux années antérieures, à 878 M€.

Je précise que l'augmentation des dépenses liées aux opérations en Afghanistan, consacrées à la sauvegarde et la protection des forces déployées, est compensée par la baisse des dépenses d'autres théâtres comme le Kosovo, où notre contingent a été réduit au cours de cette année à 300 soldats, et Atalante.

S'agissant de l'opération Harmattan, les surcoûts sont estimés entre 330 et 350 M€ au 30 septembre. Dans l'hypothèse d'un maintien du dispositif actuel jusqu'à la fin de l'année, les surcoûts atteindraient 430 M€ environ

Ce qui porte l'estimation des surcoûts totaux entre 1,2 et 1,3 Md€ pour 2011 en fonction de la durée et de la nature de notre engagement d'ici la fin de l'année.

Conformément à la LPM, leur financement au-delà de la provision budgétaire devra bénéficier d'un abondement interministériel, à hauteur d'environ 600 M€.

Nous devrons aussi reconstituer certaines de nos capacités.

L'opération Harmattan nous conduira dès demain :

- à recompléter nos stocks de munitions : à titre d'illustration, début septembre, nos forces avaient tiré environ 1 000 bombes, 600 missiles, 1 500 roquettes sans compter des milliers d'obus. Contrairement à certaines rumeurs, la France n'en n'a pas manqué, elle en a même fourni à d'autres pays ;

- à avancer ou compléter des opérations de maintenance, dont celle du porte avions Charles de Gaulle, pour redonner du potentiel à nos matériels ;

- à rattraper des retards pris dans les qualifications des équipages les plus jeunes, notamment sur Rafale.

C'est la raison pour laquelle je serai particulièrement vigilant sur la préparation opérationnelle des forces en 2012.

La gestion 2012 s'annonce donc tendue. Trois conditions me paraissent alors essentielles pour tenir le cap financier :

- la poursuite de l'encaissement des recettes exceptionnelles « fréquences » prévues en 2011 et 2012, et « immobilières » prévues en particulier en 2013 ;

- le remboursement fin 2011 des dépenses engagées par la défense dans le cadre de l'accomplissement de ses missions OPEX ;

- la maîtrise de la masse salariale est devenue structurante dans le respect des contraintes liées à la manoeuvre « ressources humaines ». L'allongement des durées de service prévu par la réforme des retraites nécessitera une adaptation des dispositifs d'accompagnement.

Sur le plus long terme, vous le savez, l'atteinte des objectifs définis par le LBDSN est conditionnée par la trajectoire de ressources après 2013. Elle sera déterminée lors des prochains travaux de programmation prévus en 2012.

Dans le contexte financier que nous connaissons, c'est vrai, le budget 2012 manifeste la volonté politique de préserver notre effort de défense. Mais son exécution sera compliquée au regard des contraintes que je viens de développer.

Par ailleurs, même si encore une fois, comparaison n'est pas raison, je constate que la Grande-Bretagne consacre une part plus importante de sa richesse nationale produite à sa défense : + 0,7 % du PIB. En parité de pouvoir d'achat, leurs dépenses sont supérieures de plus d'un tiers aux nôtres.

A titre d'exemple, les dépenses liées à l'intervention en Afghanistan supportées par le Trésor britannique, hors budget du MOD, se sont élevées en 2010 à 4,5 milliards de livres, soit environ 5 milliards d'euros.

J'en retire deux enseignements :

- nos armées sont efficaces, et la gestion globale du MINDEF est vertueuse : nos armées offrent un rapport « qualité / prix » à la hauteur des investissements que la Nation consent. Encore une fois, l'engagement ces derniers mois de l'ensemble de nos capacités en témoigne ;

- notre effort de défense doit être soutenu dans le temps pour garantir la cohérence d'un outil qui détermine notre niveau d'ambition sur la scène internationale.

Je constate généralement un large consensus sur la nécessité de conserver un outil de défense cohérent et complet, flexible et réactif qui nous permet, aujourd'hui encore, de peser sur la scène internationale.

Il faut que les réponses de la Nation soient à la mesure de ce constat et de ce consensus.

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