Le porte-avions Charles de Gaulle est un magnifique bâtiment. Pour répondre à ceux qui ont pu critiquer son manque de disponibilité, je voudrais rappeler que cette année, le porte-avions Charles de Gaulle a d'abord participé à l'opération de soutien à l'intervention en Afghanistan dans l'océan Indien avant de rejoindre la Méditerranée pour participer à l'opération en Libye. Au total, il est resté 256 jours en mer.
Pour répondre à votre question sur la durée de la période d'entretien, nous avons mis en place un dispositif qui permettra de récupérer, le plus tôt possible, si le besoin s'en fait sentir, le porte-avions Charles-de-Gaulle. A partir de la fin novembre, le bâtiment sera placé sous un dispositif permettant sa disponibilité en 24 jours, ce qui signifie que nous pourrons le récupérer à partir de la mi-décembre avec un groupe aérien réduit. En effet, ma préoccupation aujourd'hui porte autant sur la disponibilité du groupe aérien que sur celle du bâtiment lui-même. Nous nous étions engagés dans une modernisation de notre flottille aéronautique, en passant du format Super-Etendard au format Rafale. Mais cette modernisation prend du temps car il faut former les pilotes. Cela ne signifie pas que le porte-avion Charles de Gaulle sera remis à la mer vers la mi décembre, mais qu'il sera disponible à partir de cette période, puisque nous avons regroupé tous les travaux lourds d'entretien pendant la première période pour le rendre disponible pendant la deuxième période d'entretien. Compte tenu du fait que le bâtiment est rentré le 12 août, la période d'indisponibilité est donc relativement courte. Sans vouloir prendre d'engagement ferme, car la formation des pilotes prime, je pense que nous serons en mesure de récupérer un bâtiment totalement disponible avec un groupe aérien complet à partir du printemps, début avril. J'ajoute que nous serons en mesure de constituer un groupe aérien complet en Rafale à partir de l'été 2012, puisque cette année 2011-2012 correspond aussi à la transformation d'une flottille de Super Etendard en flottille de Rafale.
En matière de recrutement, la situation est globalement satisfaisante et ma préoccupation porte davantage sur la « fidélisation » des officiers et marins de la marine nationale. Nous avons certes connu une baisse de 20 % des candidatures dans les centres de recrutement, mais la qualité du recrutement est plutôt bonne. En revanche, la « fidélisation » des officiers et des marins est pour moi un souci constant car il faut veiller à préserver certaines compétences très techniques et très spécialisées.
La déflation des effectifs est maîtrisée et ne suscite pas d'inquiétudes, même si elle est rendue plus compliquée par la réforme des retraites.
Nous restons vigilants en ce qui concerne l'absentéisme, qui touche les armées comme l'ensemble de la société, même si l'ampleur de ce phénomène reste limitée.
En ce qui concerne votre question sur la stratégie maritime de la France, je serais tenté de vous répondre qu'il vous appartient à vous, Parlementaires, en votre qualité de représentants de la Nation, de définir les ambitions et les axes de cette stratégie. La mondialisation s'accompagne d'une « maritimisation » du monde. Des questions telles que la liberté de circulation sur les mers et les océans, le passage des détroits, l'exploitation des ressources et la protection du milieu marin, l'ouverture de nouvelles routes maritimes, l'augmentation de la piraterie, se poseront avec de plus en plus d'acuité dans les prochaines années. La France, qui dispose du deuxième espace maritime du monde après les Etats-Unis et qui est présente sur tous les océans, grâce à ses territoires ultramarins, ne peut se désintéresser de ces phénomènes. Certes, plusieurs documents ont été publiés ces dernières années, comme le Livre bleu sur la stratégie nationale pour la mer et les océans. Mais, je regrette, à titre personnel, que le fait maritime ait été sous-estimé dans le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Concernant les avions de patrouille maritime, les avions ATL2 sont de remarquables appareils, aussi efficaces sur terre que sur mer avec une très bonne capacité d'observation. Un plan de rénovation de ces avions est en cours. Une enveloppe de 20 millions d'euros devrait être consacrée au maintien en condition opérationnelle de ces appareils d'ici à la fin de l'année. Faut-il remplacer ces avions par des drones ? La question mérite d'être posée. Pour autant, je ne suis pas persuadé que l'on pourra remplacer l'ensemble des avions par des drones car le principal avantage d'un avion, par rapport à un drone, est sa polyvalence. En revanche, le drone présente l'avantage de pouvoir être utilisé au plus près de l'action, dans un environnement incertain, même si tout dépend de l'endroit à partir duquel on est en mesure de le lancer. Je considère donc qu'il faudrait aller à l'avenir vers une complémentarité entre les avions et les drones. Vous avez mentionné les essais en cours de drone naval sur le patrouilleur hauturier l'Adroit, produit par DCNS et mis à la disposition de la marine nationale. C'est un exemple de partenariat réussi entre DCNS et la marine nationale.
L'opération Atalanta de lutte contre la piraterie maritime n'est pas une opération militairement compliquée, même si la zone d'action des pirates est très large, puisqu'elle s'étend du Golfe d'Aden et des côtes somaliennes à Madagascar et jusqu'à la côte indienne, soit une superficie de 3 à 4 fois la France, dans une zone où transitent environ 25 000 bâtiments par an et qui présente un intérêt stratégique pour l'approvisionnement de l'Europe. Actuellement, une dizaine de bâtiments sont aux mains de pirates. La semaine dernière, un ressortissant français a été tué lors du piratage d'un catamaran de plaisance français. Une opération de la marine espagnole a permis de libérer son épouse et sept pirates présumés ont été transférés en France pour y être jugés. Avec la loi sur la piraterie maritime, adoptée par le Parlement, notre pays dispose d'un cadre juridique efficace en matière de lutte contre la piraterie. Actuellement, sept bâtiments participent à l'opération Atalanta, auxquels on peut ajouter trois à quatre bâtiments qui participent à l'opération de l'OTAN de lutte contre le terrorisme dans l'océan Indien, et d'autres navires, notamment chinois, indiens ou russes. La coopération entre ces différents bâtiments est excellente.
Nous avons également mené un travail important de sensibilisation auprès des armateurs concernant les « bonnes pratiques » pour éviter ou déjouer les attaques de pirates, avec différentes techniques, comme l'utilisation des lances à incendies ou de « la citadelle ». Il n'en demeure pas moins que certains bâtiments, comme les chalutiers, les plaisanciers ou les câbliers, restent vulnérables, car ce sont des navires lents et bas.
La marine nationale a également accepté de déployer des équipes de protection embarquées composées de fusiliers marins pour protéger les thoniers et câbliers qui naviguent dans cette zone mais le coût est supporté par les armateurs.
Faut-il aller plus loin et envisager le recours aux sociétés militaires privées ? La question est complexe. Le Secrétaire général de la mer considère que l'usage de la force en mer doit demeurer une prérogative de la marine nationale. Si je partage son avis sur le fond, je n'ai cependant pas de réponse définitive, car on ne pourra pas protéger tout le monde. Le pragmatisme nous amènera peut-être à une solution intermédiaire.
Il faudrait aussi s'interroger sur les risques que représentent certaines régates ou les croisières organisées dans cette zone. Un travail pour dissuader les traversées non indispensables en Océan Indien est nécessaire, faute de quoi il faudra s'interroger sur les capacités de la marine à assurer ces missions.