Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 juin 2013 : 1ère réunion
Accord de sécurité sociale entre la france et l'organisation internationale pour l'énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre du projet iter — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet :

Nous sommes saisis d'un projet de ratification d'un accord par échange de lettres qui porte sur le régime d'assurance vieillesse des salariés français de l'organisme ITER.

Avant de vous présenter le contenu (assez modeste) de cette convention, il me paraît important de revenir sur l'historique et l'actualité d'ITER, un des projets scientifiques les plus ambitieux de notre époque. C'est Mikhaïl Gorbatchev qui a proposé en 1985 à Ronald Reagan, après en avoir parlé au président Mitterrand et à Margaret Thatcher, de lancer une initiative internationale pour développer l'énergie de fusion nucléaire à des fins pacifiques, dans le but de répondre au défi de l'épuisement des ressources en combustibles fossiles alors même que la consommation d'énergie ne cesse d'augmenter. Cette proposition a rassemblé les pays européens, le Japon, l'URSS et les Etats-Unis, rejoints en 2003 par la Chine et la Corée du sud, puis par l'Inde, en 2005, qui ont décidé de lancer, sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique, les études nécessaires à la conception d'un réacteur thermonucléaire expérimental. Le projet ITER est né de la volonté de démontrer la faisabilité scientifique et technologique de l'énergie de fusion, celle qui se déroule au sein du Soleil, par la réalisation d'un prototype préindustriel. L'énergie de fusion présente en effet plusieurs atouts par rapport à la scission nucléaire que nous maîtrisons déjà : celui d'utiliser un combustible pratiquement inépuisable, le deutérium notamment, extrait de l'eau de mer, d'offrir des conditions de sécurité telles que les risques d'un accident de grande ampleur sont exclus, et enfin d'être moins problématique quant à la gestion des déchets radioactifs.

C'est précisément en raison de cet intérêt, et des enjeux, que la communauté internationale s'est engagée sur des investissements importants. Un accord international est entré en vigueur en octobre 2007, aux termes duquel une organisation internationale a été créée, ITER Organization, qui assure la maîtrise d'ouvrage de la construction de la machine avant d'en être, d'ici à quelques années, l'exploitant nucléaire. Une agence nationale a été créée dans chacun des Etats membres pour assurer l'interface avec l'organisation, notamment en matière d'approvisionnement du projet pour la fourniture des éléments qui constitueront le « Tokamak », c'est-à-dire le réacteur au sein duquel la température atteindra 150 millions de degrés, 10 fois plus chaud qu'au centre du Soleil.

La France est dans une position privilégiée dans la mesure où elle a obtenu, avec le soutien de l'Union européenne, que le réacteur soit installé sur son sol, sur le site de Cadarache, dans les Bouches du Rhône, à côté d'un site du CEA. Le site français était en compétition avec trois autres sites candidats : un deuxième site européen en Espagne, un site au Japon et un site au Canada. Le processus de sélection a été long et difficile. Ce projet de 13 milliards d'euros sera financé par chacun des pays partenaires à hauteur de 9 % du total, et de 45% pour l'Union européenne. Outre les coûts d'aménagement d'infrastructures en tant que pays hôte (250 millions d'euros) La France déboursera 1,1 milliard d'euros soit le cinquième des couts de construction incombant à l'Europe. Le projet s'étale sur 20 ans.

Les retombées économiques ont déjà largement dépassé le montant investi : de 2007 à décembre 2012, 1,4 milliard d'euros de contrats de prestations d'études, de services et de travaux ont été attribués à des entreprises implantées en France, dont 927 millions d'euros pour la région PACA. Il s'agit des seules retombées directes, qui ne prennent pas en compte les marchés en sous-traitance, ni les bénéfices indirects pour la région PACA liés à l'implantation d'une grande infrastructure de recherche telle qu'ITER. On estime en général qu'un euro de bénéfice direct induit 2 à 3 euros de bénéfice indirect. L'agence européenne n'ayant encore engagé qu'environ 1,6 milliard d'euros sur ses 6,6 milliards d'euros de budget, et l'Organisation ITER passant annuellement environ 150 millions d'euros de contrats, on peut s'attendre à des retombées encore importantes. Pour mémoire, l'Inspection Générale des Finances évaluait à 1.8 milliards d'euros les perspectives de retombées directes pour la France pendant les 10 ans de la phase de construction, jusqu'à fin 2020.

Revenons maintenant à l'accord de sécurité sociale entre la France et l'organisation ITER, que nous examinons aujourd'hui. De manière très classique, l'accord de siège prévoit que l'Organisation, ses personnels et leurs ayants-droit sont exempts de l'ensemble des cotisations obligatoires du régime de sécurité sociale français en ce qui concerne leur revenu issu de leur activité auprès de l'Organisation et qu'en conséquence les intéressés ne bénéficient pas des prestations prévues par la législation française.

L'Organisation ITER a mis en place son propre système de retraite, qui est régi par l'article 27 du statut du personnel et, pendant la durée de leur contrat - de cinq ans, éventuellement renouvelables -, les personnels ITER cotisent à ce système par capitalisation, en lieu et place du système national auquel ils étaient affiliés.

S'agissant des salariés français, cette situation peut entraîner des préjudices futurs, dans la mesure où une décote sera appliquée au moment de la liquidation de leurs retraites, dès lors qu'ils ne pourront justifier de la durée requise pour prétendre à une pension à taux plein. Ce cas de figure a d'ailleurs été prévu puisque nous avons adopté en 2008 dans la loi de financement de sécurité sociale une disposition qui, pour la détermination de la durée d'assurance permettant le calcul de la pension vieillesse, admet la prise en compte des périodes durant lesquelles un intéressé a été affilié à un régime obligatoire de pension d'une institution européenne ou d'une organisation internationale, dès lors qu'il est affilié à ce seul régime obligatoire. Cela étant, le mode de calcul prévu par la loi n'atténue que partiellement l'effet de décote ; consécutivement, le personnel de l'Organisation préalablement affilié au système français verra le montant de sa pension de retraite française diminué. La conclusion de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement français et l'Organisation ITER répond précisément à cette situation et vise par conséquent à compenser l'effet de décote en permettant à ses membres qui le souhaitent d'adhérer au régime français d'assurance volontaire vieillesse dans l'année suivant leur entrée dans l'Organisation. Ils se voient également proposer, à la fin de leur engagement avec ITER, la possibilité de racheter des cotisations au régime de sécurité sociale français dans la limite de leur temps de service dans l'Organisation, s'ils n'ont pas adhéré en temps utile à l'assurance volontaire vieillesse.

Ce projet de loi porte sur un nombre restreint de bénéficiaires, environ 145 Français étant employés par ITER, mais dans la mesure où on peut considérer que ces dispositions peuvent contribuer à l'attractivité de l'organisation pour des candidats de nationalité française, je vous recommande bien sûr d'en autoriser la ratification, et je vous propose un examen en séance sous forme simplifiée.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.

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