La France et le Luxembourg sont liés, en matière de sécurité sociale, par plusieurs textes. Tout d'abord, le règlement 883/2004/CE du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, ainsi que son règlement d'application en matière de coopération administrative dans le champ de la sécurité sociale. Ensuite, un accord bilatéral de sécurité sociale, depuis 2008, visant à compléter les dispositions communautaires, en particulier en matière de prestations et de recouvrement des cotisations et trop-versés. Néanmoins, les autorités des deux pays ont souhaité développer encore plus cette coopération, répondant ainsi à une faiblesse du dispositif qui nécessite une coopération renforcée et directe entre les organismes de sécurité sociale eux-mêmes des deux États.
Ainsi, la France et le Luxembourg ont conclu un accord par échange de lettres, en avril et juin 2011, visant à moderniser leur coopération bilatérale en matière de sécurité sociale. C'est cet accord qui est aujourd'hui soumis à l'approbation du Sénat.
Les relations franco-luxembourgeoises sont excellentes, et la coopération, en particulier transfrontalière, est très développée. En termes d'échanges humains, le nombre de ressortissants français au Luxembourg est en progression constante, pour s'établir à 35 200 en 2013. A l'inverse, on dénombre un millier de Luxembourgeois établis en France, et plus de 75 000 travailleurs frontaliers. Au total, ce sont plus de 100 000 Lorrains qui travaillent à l'étranger.
Les flux financiers qui découlent de ces échanges humains sont donc, eux aussi, à un niveau très élevé. Ainsi, en 2011, les remboursements français de soins de santé effectués au Luxembourg s'élevaient à 2 millions d'euros, et à 114 millions d'euros dans l'autre sens, pour payer les prestations réalisées en France.
L'objectif affiché de cet accord est de lutter efficacement contre les fraudes en matière de sécurité sociale en permettant une coopération accrue entre les autorités compétentes des deux pays. Cette coopération est encouragée par Bruxelles, qui invite les États membres à prendre les mesures et adopter les procédures nécessaires en vue d'améliorer la coopération dans les domaines visés grâce aux modalités pratiques de coopération et d'entraide administrative.
Ainsi, cet accord pose les principes de la coopération en matière de sécurité sociale dans 3 secteurs :
- Le premier est la coopération en matière de prestations : il s'agit de permettre à l'une des parties de vérifier auprès de l'autre, en cas d'incertitude, si une personne peut bénéficier de l'affiliation à un régime de protection sociale ou de l'octroi d'une prestation. Outre les conditions d'éligibilité et de résidence, cela peut prendre la forme d'une appréciation des ressources dont la personne est susceptible de bénéficier sur son territoire, notamment dans le cas d'une prestation soumise à condition de ressources. Également, une partie peut vérifier que la personne n'est pas bénéficiaire de prestations dont le cumul avec une autre prestation versée par la partie contractante serait interdit. En fonction des informations obtenues, une partie est en droit de refuser, suspendre ou supprimer une prestation.
- Le deuxième est la coopération en matière d'assujettissement, notamment en cas de détachement de travailleurs : est prévu le contrôle par les autorités compétentes des conditions de détachement, afin de pouvoir déterminer la législation applicable. Les conditions devant être respectées sont celles de l'affiliation à la législation du pays d'envoi préalablement au détachement, de la justification par l'entreprise d'envoi d'une activité réelle, et du maintien du lien de subordination. Si les autorités compétentes s'aperçoivent qu'une attestation de détachement a été établie à tort, elles doivent en informer leurs interlocuteurs dans l'autre État, qui doivent alors, dans un délai d'un mois, se prononcer sur le maintien ou le retrait de l'attestation en question. Les autorités compétentes en charge du recouvrement peuvent interroger celles de l'autre Partie afin de vérifier que les cotisations ou contributions sont effectivement dues. Enfin, est prévue une transmission annuelle des fichiers des statistiques de détachement sur le territoire de l'autre Partie.
- Le troisième est la coopération en matière de contrôles : le soutien aux actions de contrôle est érigé en principe. Afin de permettre au mieux la réalisation des contrôles, des agents peuvent être échangés afin d'appuyer des opérations sur le territoire de l'autre Partie. Dans ce cas, ils ont uniquement le statut d'observateur. Enfin, en cas d'arrêt de travail, une Partie contractante peut demander à l'autre Partie de procéder aux mesures de contrôles prévues par la législation. Ces mesures doivent être mises en oeuvre sans délai et le résultat transmis aux autorités à l'origine de la demande. De même, un médecin peut être mandaté afin d'effectuer une visite de contrôle au domicile du salarié.
Les fraudes aux prestations sociales sont un problème et il convient d'encourager toute mesure permettant de les résoudre. Toutes branches de la sécurité sociale confondues, le montant des fraudes détectées (hors assurance-chômage) en France est estimé à 457 millions en 2010, dont 156 millions pour l'assurance maladie.
Il est difficile d'apprécier le montant des erreurs ou fraudes aux prestations sociales entre la France et le Luxembourg, mais il est probablement assez marginal, il s'agit donc d'un accord de clarification et non de sanction qui s'inscrit dans le prolongement des dispositions communautaires en la matière, et de l'accord de sécurité sociale précédemment conclu avec le Luxembourg en les complétant.
La Chambre des députés du Grand-Duché de Luxembourg a adopté le 30 janvier 2013 le projet de loi, et la loi portant approbation de l'Accord a été promulguée le 26 février 2013. C'est pourquoi je vous recommande d'adopter cet accord qui pourrait faire l'objet d'un examen selon la forme simplifiée en séance publique le 29 mai.