Mes chers collègues, le projet de loi soumis à notre examen demande l'approbation d'une convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme. Cette convention a été ouverte à la signature le 16 mai 2005 et signée par la France, le 23 mars 2011 à Strasbourg.
Elle vise à compléter la précédente convention du Conseil de l'Europe du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, sur le volet spécifique du financement du terrorisme.
Je souhaiterais compléter les éléments contenus dans l'exposé des motifs du projet de loi et l'étude d'impact annexée par quelques éléments d'information que j'ai obtenus auprès des services concernés. Ces éléments concernent essentiellement le dispositif actuel de lutte contre le blanchiment en matière de terrorisme.
Le dispositif national de lutte contre le financement du terrorisme s'appuie sur le dispositif préventif déjà prévu pour la lutte contre le blanchiment. Il est complété par un volet répressif plus spécifique.
Le dispositif préventif de lutte contre le financement du terrorisme était à l'origine limité au secteur bancaire. Il a été progressivement étendu à d'autres acteurs économiques et s'articule autour de deux grands types d'obligations : les obligations de vigilance et les obligations déclaratives.
Vous trouverez dans mon rapport écrit la liste des professions auxquelles s'appliquent les obligations de déclaration en vertu de l'article L 561-2 du code monétaire et financier. Retenez simplement que cette liste est très étendue et que sont concernés tous les intermédiaires susceptibles de concourir à la réalisation d'une transaction financière qu'elle qu'en soit la forme. Toutefois, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats, les avoués près les cours d'appel, les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs et mandataires judiciaires et les commissaires-priseurs judiciaires ne sont soumis aux obligations de déclaration que dans des cas précis et selon des modalités spécifiques.
Première série d'obligation : tous les professionnels concernés sont tenus, avant l'entrée en relation d'affaires ou avant d'assister leur client dans la préparation ou la réalisation d'une opération, de procéder à son identification sur la base de tout document écrit probant. A défaut d'obtention de ces données, le professionnel doit renoncer. C'est ce que l'on appelle les obligations de vigilance.
La vigilance doit rester constante tout au long de la relation d'affaires mais elle peut être modulée en fonction du risque attaché au client, au produit ou à l'opération. Certaines opérations doivent toutefois faire l'objet d'un examen renforcé lorsqu'il s'agit d'une opération complexe ou portant sur un montant inhabituellement élevé ou qui paraît dépourvue de justification économique ou d'objet licite.
Par ailleurs, le dispositif actuel prévoit des obligations déclaratives, qui sont de trois types distincts :
a) l'obligation déclarative aux douanes des sommes, titres et valeurs d'un montant égal ou supérieur à 10 000 euros transportés par une personne physique, vers ou en provenance d'un autre Etat ;
b) la déclaration de certitude au procureur de la République : qui s'applique à tous les professionnels - autres que ceux visés à l'article L 561-2 du CMF qui, dans l'exercice de leur profession, « réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux » ; ces professionnels sont tenus de déclarer au procureur de la République les sommes et les opérations s'y rapportant qu'ils savent participer au financement du terrorisme ;
c) la déclaration de soupçons à TRACFIN : les professionnels mentionnés sur la liste de l'article L 561-2 sont tenus de déclarer à la cellule de renseignement nationale TRACFIN les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme.
S'agissant du dispositif répressif spécifique au financement du terrorisme, je rappellerais que le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l'intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu'ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie en vue de commettre l'un quelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la survenance éventuelle d'un tel acte, est considéré comme un acte de terrorisme. Le financement du terrorisme est puni de dix ans d'emprisonnement et de 225 000 euros d'amende.
Les infractions dites « terroristes », dont le financement du terrorisme, obéissent à un régime procédural particulier concernant la garde à vue, les techniques spéciales d'enquêtes et la prescription allongée à 30 ans pour les crimes et à 20 ans pour les délits.
Troisièmement, pour ce qui est des moyens mis en oeuvre et des résultats obtenus, selon les indications qui m'ont été fournies, il ne serait pas possible de quantifier le nombre de personnes impliquées dans le dispositif préventif de lutte contre le financement du terrorisme, qu'il s'agisse des professionnels assujettis ou des membres des administrations concernées (Ministère des Finances, l'Autorité de contrôle prudentiel ou TRACFIN).
Du point de vue judiciaire, la section anti-terroriste du parquet de Paris, service à compétence nationale, compte actuellement sept magistrats du parquet, auxquels s'ajoutent cinq fonctionnaires de greffe. Par ailleurs, huit magistrats instructeurs spécialisés ont été nommés, assistés de leur greffier. Un juge d'application des peines est également spécialisé dans le terrorisme.
Vous trouverez dans mon rapport écrit des statistiques précises concernant les infractions punies depuis 2005.
Retenons simplement qu'en 2011 on relevait 165 infractions de blanchiment simple, 76 infractions de blanchiment aggravé, 20 infractions de blanchiment douanier, soit un total de 216 infractions pour blanchiment, auxquelles il faut ajouter 6 infractions de blanchiment liées au terrorisme.
J'en viens maintenant à la genèse de l'accord.
Dix ans après l'entrée en vigueur de la convention de 1990, la nécessité s'est fait sentir d'actualiser dans un texte le rôle et le fonctionnement des cellules de renseignement financier dans le domaine spécifique de la lutte contre le terrorisme afin de tirer profit de l'expérience acquise, afin de prendre en compte les modifications de l'environnement normatif.
C'est la raison pour laquelle la convention de 2005 fait référence dans son préambule à la convention des Nations unies pour la répression du financement du terrorisme signée le 9 décembre 1999 qui traite notamment des mesures d'inopposabilité du secret bancaire et encadre l'entraide judiciaire et l'extradition. Elle reprend neuf recommandations spéciales du Groupe d'Action Financière (GAFI) adoptées fin 2001 et en 2004 sur le financement du terrorisme, avec notamment, la déclaration des transactions financières suspectes pouvant être liées au terrorisme et la coopération internationale, au sens large, incluant aussi bien l'entraide judiciaire que l'échange de renseignements et l'assistance dans le cadre de procédures pénales, civiles ou administratives. Ainsi, elle traite de façon approfondie du volet préventif du financement du terrorisme en intégrant tout à la fois des mesures pour dépister, rechercher, identifier, geler, saisir et confisquer les biens d'origine licite ou illicite utilisés ou destinés à être utilisés de quelque façon que ce soit, en tout ou en partie, pour le financement du terrorisme, mais également les produits de cette infraction, et de la coopération à ces fins, de la manière la plus large possible, qu'elle soit judiciaire ou administrative.
La convention se réfère également à la résolution 1373 pour la prévention et la répression du financement des actes terroristes adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 28 septembre 2001 pour ce qui concerne, notamment, l'interdiction du financement du terrorisme et le gel des avoirs.
La convention tient compte également des nouvelles techniques d'investigation qui ont pu être adoptées dans d'autres enceintes internationales, telles que celles prévues dans le cadre du Protocole de l'Union européenne du 16 octobre 2001 à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale.
Elle répond au constat que la rapidité de l'accès aux renseignements financiers ou aux renseignements relatifs aux actifs détenus par les organisations criminelles, y compris les groupes terroristes, est essentielle au succès des mesures préventives et répressives et, en dernière analyse, vise à déstabiliser les activités de ces organisations. Elle prévoit, en outre, un mécanisme destiné à garantir une application correcte de ses dispositions par les Parties.
Ces précisions étant apportées, j'irai beaucoup plus vite concernant le dispositif proprement dit de la convention soumise à notre examen.
La ratification de la convention s'inscrit pleinement dans le processus logique d'intégration de ce texte dans le corpus juridique national, suite à la signature du texte par la France, le 23 mars 2011.
Je vous renvoie pour cette partie de l'analyse à mon rapport écrit dont il faut retenir simplement que la convention contient quelques spécificités comme par exemple en matière de déclaration de soupçons des avocats et avoués. L'article 13 de la convention étend l'obligation de déclaration de soupçons aux avocats et aux avoués et prévoit que les professionnels assujettis à cette obligation ne peuvent divulguer, en particulier à leur client, le fait qu'ils ont procédé à une déclaration de soupçons. Au demeurant notre droit national est déjà conforme sur ce point à la convention depuis la transposition d'une directive européenne de 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Enfin, s'agissant de l'état des signatures et des ratifications, notons qu'à ce jour trente-trois Etats membres du Conseil de l'Europe, sur l'ensemble des quarante-sept Etats parties et une organisation ont signé la convention. Vingt-deux Etats l'ont ratifiée. L'Union européenne a signé la convention le 2 avril 2009, mais ne l'a pas ratifiée. La France est le dernier des trente-trois Etats à avoir signé la convention, le 23 mars 2011.
En conclusion, je dirai que le projet de loi soumis à notre approbation oeuvre dans l'intérêt national et renforce la coopération européenne dans la lutte contre le financement du terrorisme. Je vous recommande donc de l'adopter et de procéder à son examen sous forme simplifiée en séance publique.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.