Intervention de Marcel-Pierre Cléach

Réunion du 29 mars 2006 à 15h00
Droit de préemption et protection des locataires en cas de vente d'un immeuble — Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Marcel-Pierre CléachMarcel-Pierre Cléach :

Attendez, je me rapproche de 2005 !

La vente par lots, pour sa part, a fait l'objet d'une étude de la chambre des notaires d'Île-de-France sur la période allant de 1992 à 2004. Il ressort de cette étude publiée en 2005 que la proportion de vente par lots dans les ventes totales d'appartements à Paris a été de 12, 7 % en moyenne sur la période 1992-2004.

En outre, un tiers des appartements vendus par lots reste occupé par leurs locataires. L'essentiel des appartements vendus par ce biais et non loués est acheté par des particuliers pour leur usage propre. Les lots vendus dans ce cadre sont acquis à plus de 85 % par des personnes physiques dont l'âge moyen est inférieur à quarante-cinq ans et dont les catégories socioprofessionnelles ne se différencient pas de celles des acheteurs de l'ensemble des transactions parisiennes. Le prix au mètre carré des appartements vendus à la découpe est inférieur d'environ 8 % aux prix classiques. L'étude réalisée par la chambre des notaires d'où sont issus ces éléments chiffrés porte jusqu'à la fin de 2004.

Les effets réels de la vente à la découpe ne sont aucunement ceux qui sont mis en avant pour justifier cette proposition de loi.

Phénomène économique limité, la vente par lots permet de renforcer une offre faible, trop faible de logements, à un prix en deçà de la moyenne et qui, par conséquent, fait baisser le prix d'équilibre du marché, ne serait-ce que marginalement.

En réalité, son effet social est bénéfique puisqu'elle permet d'augmenter le taux de résidents propriétaires à Paris, qui est nettement inférieur à celui de la moyenne nationale.

Évidemment, ce que retient le grand public, c'est la différence entre le prix de vente en bloc d'un immeuble et le prix d'une vente par lots des appartements de cet immeuble. Cet écart de prix se justifie économiquement par le risque pris par l'opérateur, car le marché peut se retourner, par les capitaux investis et immobilisés, les frais engendrés par la mise en copropriété de l'immeuble, qui représente environ 10 % des surfaces achetées du fait de la création de parties communes, de loges de concierges, des frais de mises aux normes de l'immeuble, des frais de plans, de géométrie, de notaire, etc.

Malheureusement, ces considérations, très largement relayées par les médias, se sont imposées et aboutissent aujourd'hui au vote de cette proposition de loi, faussement d'assistance, si ce n'est pour quelques personnes de qualité, certaines d'entre elles étant membres du monde culturel, du cénacle des médias, voire de nos assemblées, en tout cas de la haute administration, ces personnes bénéficiant de logements de standing dans les beaux quartiers parisiens à des prix très souvent inférieurs à ceux du marché.

Comme je l'ai souligné lors de la première lecture de ce texte, j'aurais compris, et admis, que l'on adopte des solutions encore plus protectrices que celles qui sont déjà en vigueur, pour des locataires se trouvant dans des situations de fragilité, la nécessité sociale d'un texte pouvant justifier certains sacrifices à l'égard des grands principes et droits fondamentaux. C'est d'ailleurs l'objet de l'accord de mars 2005.

En revanche, je ne peux comprendre ni admettre que le législateur adopte des lois de circonstance, faussement compassionnelles, immanquablement source de contentieux importants et surtout, mes chers collègues, dont les effets iront à l'encontre de l'objectif affiché, car ce texte qui ne vise et ne protège qu'une infime minorité des locataires va se retourner contre la plupart d'entre eux.

Cette proposition de loi concerne aussi, certes, des locataires de situation moins privilégiée - je pense que ces locataires sont ceux qu'évoquait Mme Borvo Cohen-Seat -, qui d'ailleurs souhaitent souvent - et le mot « souvent » est faible - devenir propriétaires mais n'ont pas les moyens de réaliser leur souhait. Ceux-là ne retrouveront plus l'occasion qui leur est donnée aujourd'hui, à savoir des prix décotés du fait même qu'ils occupent les logements et des taux d'intérêt d'emprunts exceptionnellement faibles. Je suis certain que beaucoup le regretteront.

Quant à ceux qui souhaitent rester locataires, une élémentaire bonne foi oblige à reconnaître que les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et le décret du 22 juillet 1999 leur accordent déjà une protection importante - qui est d'ailleurs exorbitante par rapport aux législations de nos grands voisins, et c'est tant mieux -, en tout cas, suffisante.

Cette proposition de loi, qui, je n'en doute pas, sera adoptée, va ainsi rigidifier un marché qui, jusqu'alors, au contraire, favorisait l'accès des locataires à la propriété à des conditions assez avantageuses.

Nous allons donc légiférer pour une poignée - certes bruyante et talentueuse, mais minoritaire - de locataires qui ont jusqu'à présent bénéficié de conditions de logement beaucoup plus favorables que celles auxquelles se trouvent confrontés la plupart de nos concitoyens et qui réclament aujourd'hui une loi d'assistance catégorielle à leur seul profit.

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