… est pour nous source de révolte !
Quant aux perspectives pluriannuelles annoncées, elles ne nous rassurent pas davantage et confirment votre objectif d’imposer une cure d’austérité aux hôpitaux publics. Et tant pis si les personnels hospitaliers ne cessent de dénoncer leurs conditions de travail, leur manque d’équipement ; tant pis si les patients constatent des dysfonctionnements dans leurs prises en charge ! Quiconque se rend dans un établissement hospitalier ou discute avec des personnels sait que la situation est difficile, de plus en plus difficile.
Dans ce contexte, quelles seront les conséquences d’une réduction de 520 millions d’euros de leurs dépenses ? Vous le savez, madame la ministre, cela ne peut se faire qu’en remettant en cause la qualité des soins.
Et que dire des 370 millions d’euros d’économies réalisées grâce au développement des soins ambulatoires ? Comme l’a très justement souligné ma collègue députée Jacqueline Fraysse, « Avant de réaliser d’éventuelles économies, des dépenses seront nécessaires pour réorganiser les pratiques, former les praticiens et créer des lieux d’accueil pour les patients. Le développement de la chirurgie ambulatoire est, de toute évidence, une pratique appelée à se développer, mais c’est moins pour les économies qu’elle permettrait de réaliser à terme, et qui restent à évaluer plus finement, que pour les progrès qu’elle permet en termes de prise en charge des patients pour certains actes. Il faut donc rester prudent quant au montant des économies envisagées ».
Bien entendu, la volonté affichée de parvenir à une réduction de la durée d’hospitalisation est tout à fait louable, mais elle ne peut se faire que si elle est très sérieusement encadrée. Selon que vous serez puissant ou misérable, pour paraphraser Jean de la Fontaine, vos conditions de retour à la maison seront bien différentes…
Permettez-moi, au-delà de l’hôpital, de m’inquiéter du rôle de gendarme des ARS, les agences régionales de santé, qui jugeront de ce que vous appelez « la pertinence et le bon usage des soins ». Ce renforcement de leur rôle, sans aucun contre-pouvoir, met à mal la démocratie sanitaire et se situe dans le droit fil de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », que nous dénoncions ensemble il n’y a pas si longtemps et que, pour notre part, nous continuons de dénoncer !
Quant à la branche famille, elle aussi est particulièrement visée dans ce PLFSS. Je rappelle d’ailleurs que la politique familiale connaît son troisième plan d’économie en deux ans. L’UNAF, l'Union nationale des associations familiales, chiffre à trois milliards d’euros les économies déjà supportées par les familles. Toutefois, au-delà de ces réductions, c’est le fondement même de notre politique familiale qui est remis en cause. C’est ce qui a essentiellement motivé le dépôt de notre motion. En effet, comment aborder le budget de la sécurité sociale si l’on casse l’un de ses piliers ?
L’amendement sur la modulation des allocations familiales, adopté par dix-huit voix contre onze à l’Assemblée nationale, sur l’initiative des députés socialistes, est dangereux et inacceptable. Et nous ne sommes pas les seuls à le dénoncer, à l’intérieur de cet hémicycle comme à l’extérieur.
Certes, dans une période de crise profonde, cette modulation peut apparaître comme une mesure de justice et d’égalité. Qui pourrait trouver choquant, en effet, que des familles qualifiées d’« aisées » voient leurs allocations non pas supprimées, mais juste réduites ? D’ailleurs, à la commission des affaires sociales, un sénateur de votre sensibilité politique, madame la ministre, nous a avoué avoir toujours trouvé injuste de toucher des allocations familiales comme tout un chacun, compte tenu de ses revenus.
Pourtant, introduire des conditions de ressources marque bien la fin de l’universalité des allocations familiales. Quand, madame la ministre, vous opposez le terme d’« universalité » à celui d’« uniformité » pour faire taire celles et ceux qui s’opposent à la modulation des allocations familiales, vous ne répondez pas au problème de fond.
Les allocations familiales visent à compenser les charges familiales. Elles ne constituent ni une politique de redistribution des revenus ni une politique de redistribution entre les familles ; elles créent une solidarité horizontale entre ceux qui n’ont pas d’enfants et ceux qui en ont. C’est une politique d’aide à l’enfant. En ce sens, comment admettre qu’un enfant appartenant aux couches moyennes ou supérieures ait moins de besoins à satisfaire ? Le fait qu’une famille choisisse d’avoir un nouvel enfant ne doit pas être pénalisant !
Voilà les raisons majeures qui plaident en faveur de l’universalité de la politique pour les familles. Cette question de l’universalité affecte notre système de sécurité sociale, et elle est déterminante. La protection sociale n’a pas vocation à réduire les inégalités sociales ; il existe d’autres instruments pour cela, tels que le SMIC ou la fiscalité. En revanche, elle a vocation à compenser la maladie – pour l’assurance maladie –, le coût de l’enfant – pour les allocations familiales – ou l’arrêt du travail – avec la pension de retraite.
En modulant les allocations familiales, le risque est grand de voir se déliter ce qui reste du tissu de cohésion sociale du pays et d’accélérer le glissement vers une société clivée : il y aura ceux qui passeront leur temps à produire la preuve humiliante qu’ils gagnent peu, et les autres. Néanmoins, à partir du moment où les gens dits « plus aisés » ne percevront plus d’allocations à égalité avec les autres, pourquoi participeraient-ils à égalité au système de sécurité sociale ? Ils pourront avoir recours à des mutuelles et des assurances privées… Alors, qui alimentera les caisses ? C’est la mort annoncée de notre système de protection sociale !
Cette politique de rupture avec les principes fondamentaux de la protection sociale est-elle au service de la justice sociale, comme vous semblez le soutenir, madame la ministre ?
Même si les familles les plus aisées touchent moins, vous savez pertinemment que les familles modestes ne toucheront pas davantage. Le but réel de cette mesure est donc bien la réduction des dépenses publiques et sociales, qu’il est particulièrement scandaleux de faire supporter aux familles !