Sur votre initiative, madame la ministre, l’article 3 tend à introduire une contribution à la charge des entreprises titulaires des droits d’exploitation des médicaments traitant l’hépatite C, contribution due lorsque la part du chiffre d’affaires de l’entreprise provenant de la vente de ce médicament dépasse certains seuils.
Je vous remercie de cette initiative intéressante et nécessaire. Je me suis en effet, ces dernières semaines, associée à l’inquiétude de nombreuses associations au sujet de l’accès équitable à ce traitement et à la crainte que cette situation n’entraîne une perte d’espérance de vie, la survenue de complications et d’incapacités liées à la maladie ou encore le recours à des traitements moins coûteux, mais aussi moins efficaces.
Cependant, comme j’avais eu l’occasion de le rappeler à Mme Rossignol lors de ma question orale à ce sujet le 21 octobre dernier, une solution est ici proposée pour le problème précis de l’accès au nouveau traitement onéreux de l’hépatite C, mais la question de l’effet du prix des médicaments sur l’accès aux soins reste entière.
Nous risquons en effet d’être de plus en plus souvent confrontés à ce genre de situation, pour d’autres pathologies et des traitements de pointe très coûteux, notamment en ce qui concerne les anti-cancéreux dont le prix a quasiment doublé en une décennie, passant en moyenne de 3 700 euros à 7 400 euros par mois. Les mesures proposées dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne nous disent pas quel système pérenne à long terme nous allons mettre en place pour éviter que les cas de ce genre ne se multiplient.
Par ailleurs, il me semble que la question de savoir si tous les malades de l’hépatite C, et pas seulement les plus affectés, auront accès à ce traitement, reste posée. Or cette condition doit être examinée de près.
En outre, il nous paraît souhaitable que les personnes malades et, plus globalement, les usagers du système de santé puissent être associés aux discussions et aux négociations, notamment au sein de la Haute Autorité de santé, à la commission de la transparence et au collège qui dirige cette instance, ainsi qu’au sein du Comité économique des produits de santé. C’est une revendication forte et légitime que je porterai en d’autres occasions, par exemple lors de l’examen de la future loi de santé publique.
Je voudrais également attirer votre attention sur un point important : la mécanique de fixation des prix demeurant opaque, les autres pathologies dont le coût des traitements met également en péril notre système de santé solidaire sont mises à l’écart.
Si l’on souhaite réellement juguler cette inflation des prix des médicaments nouveaux, il est en effet indispensable de se pencher sur les raisons qui nous ont amenés à cette situation de crise. Les prix actuellement proposés par l’industrie pharmaceutique pour ces traitements nouveaux sont sans relation avec les investissements qu’elle réalise dans la recherche. Pourtant, la situation de monopole dont cette industrie jouit dès lors qu’elle détient des brevets sur ces produits lui permet d’imposer des prix absolument déraisonnables.
Au nom de la santé publique et des principes d’équilibre sur lesquels a été bâti le système des brevets, il convient donc selon nous, premièrement, de s’assurer que les brevets accordés sont légitimes, c’est-à-dire qu’ils correspondent réellement à des inventions.
Il convient aussi, deuxièmement, de savoir utiliser les outils juridiques destinés à éviter les abus et protéger l’intérêt public, notamment lever la protection par les brevets lorsque cela s’impose.
Troisièmement, il faut imposer la transparence sur le financement de la recherche, notamment la part clef jouée par les financements publics dans la recherche fondamentale, sans laquelle aucun produit ne pourrait jamais être développé, mais aussi sur les coûts réels investis par l’industrie.
Enfin, et quatrièmement, il est important d’avoir conscience qu’il existe différentes façons de financer la recherche et que l’octroi de monopole n’en est qu’une. La recherche de nouveaux traitements ou vaccins doit s’appuyer sur la totalité des mécanismes disponibles, notamment sur les prix à l’innovation, particulièrement dans les cas d’enjeux majeurs de santé publique.
En définitive, madame la ministre, l’occasion historique d’enclencher une réforme structurelle des modalités de fixation des prix permettant de garantir l’accès aux soins pour tous doit être saisie. Soyez assurée que vous aurez l’entier soutien du groupe écologiste du Sénat si vous décidez de l’engager.