Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 12 novembre 2014 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Article 3

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

L’examen de ce dispositif s’inscrit dans un contexte et une perspective assez difficiles, ceux des années 2014 et 2015.

Faut-il supprimer purement et simplement cet article ou bien examiner les autres amendements proposés ? Je l’ignore. Toujours est-il qu’un certain nombre de questions se posent.

M. Daudigny a affirmé que ce traitement bénéficierait à tous les malades. Or son prix actuel s’élève à 80 000 euros, et 600 millions d’euros ont d’ores et déjà été consacrés cette année à la lutte contre l’hépatite C. Même avec 800 millions d’euros de crédits, seuls 10 000 patients atteints de ce virus pourraient être pris en charge.

Mes chers collègues, on estime actuellement à 300 000 le nombre de porteurs de l’hépatite C en France. Pour la moitié d’entre eux, le virus est asymptomatique – je ne prétends pas qu’il faille traiter ces cas : les intéressés ne savent peut-être même pas qu’ils sont contaminés !

Restent tout de même un grand nombre de patients chez qui l’hépatite a atteint un stade avancé. Comment va-t-on choisir les 10 000 personnes à soigner en priorité ? La Haute Autorité de santé a-t-elle adressé une recommandation aux praticiens hospitaliers pour distinguer, par exemple, ceux dont la cirrhose est très prononcée et qui, partant, seraient prioritaires, et ceux dont l’état, moins préoccupant, inciterait à différer la prise en charge ? J’ai bien peur que nous n’aboutissions à une discrimination.

Le problème, c’est l’absence de coordination entre les services. Si vous interrogez les hépatologues de différents établissements, ils vous diront qu’ils traitent leurs patients en suivant les instructions de la Haute Autorité de santé, mais qu’ils ignorent tout de la dépense globalement engagée. Selon moi, une coordination serait nécessaire, qui permettrait de savoir quels malades on traite et quels malades on ne traite pas.

Ne prétendez pas que tous les malades sont traités, car cela ne concerne qu’une très petite minorité : 10 000 cette année, sur quelque 100 000 malades qui mériteraient de recevoir le traitement. Il est bien évident que celui qui est porteur de ce virus souhaite être pris en charge le plus rapidement possible. Quoi de plus naturel ?

Par ailleurs, madame la ministre, le médicament principal, le Sovaldi, qui est distribué aujourd’hui par un seul laboratoire, coûte plus de 50 000 euros. Mais l’administration de cette molécule suppose celle de deux, voire trois médicaments complémentaires, dont le coût global est de 30 000 euros. Comment allez-vous réguler tout cela, sachant que différents laboratoires sont impliqués ?

Et puis, pourquoi maintenir ces médicaments en RTU, en recommandation temporaire d’utilisation, plutôt que de les faire passer par une AMM, une autorisation de mise sur le marché ? Est-ce pour que la prescription, qui se fait en milieu hospitalier, soit reportée sur les dépenses de médecine de ville ? Nous reviendrons sur ce point lorsque nous aborderons la question des médicaments facturables en sus des prestations d’hospitalisation, cet artifice utilisé pour augmenter la possibilité de prescription hospitalière par rapport à la médecine de ville.

J’ajoute que d’autres produits sont sur la sellette. Une molécule un peu différente, mais comparable, dont il a été prouvé qu’elle était à peu près aussi efficace sans nécessiter de recourir à des médications adjuvantes, attend toujours son AMM. Pourquoi tarder ? Pourquoi bloquer l’avancement de ce dossier, qui me semble bouclé, dans lequel tous les essais cliniques ont été menés à bien ? Pourquoi ne pas susciter un peu de concurrence en mettant ce médicament sur le marché ? Aujourd’hui, un laboratoire est en situation de monopole : mettons-le en concurrence ! Peut-être le CEPS pourra-t-il alors discuter en position plus favorable.

Enfin, madame la ministre, vous étiez encouragée à faire porter cette solution transitoire sur 2014 et 2015. Or il apparaît à travers les textes qu’elle s’appliquera également en 2016. Il me semble très important que nous puissions, dans l’année qui vient, être fixés sur ce médicament, sans devoir reporter encore l’échéance à une date ultérieure, après un rapport rendu à la fin 2015. À défaut, nous devrions donc voter 700 ou 800 millions d’euros pour financer le taux W, sachant qu’ensuite, il restera le X, le Y et le Z ! Car on peut toujours trouver une formule ! §

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