Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 12 novembre 2014 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Article 3

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Si nous approuvons la contribution des laboratoires au titre des médicaments destinés au traitement de l’hépatite C, nous souhaiterions mettre en avant une mesure portée par de nombreuses associations comme TRT-5, SOS hépatites, Médecins du monde et d’autres : la licence d’office.

En effet, la contribution ne modifie pas le prix facial du traitement. Ainsi, les prescripteurs pourraient exclure certaines populations de l’accès au traitement, se sentant obligés de procéder à des « arbitrages » compte tenu du prix de vente du médicament. D’ores et déjà, la Haute Autorité de santé a proposé de limiter le nombre de bénéficiaires du traitement par Sovaldi en le réservant aux patients ayant atteint un stade très avancé de la maladie.

Or il est évident que plus le nombre de malades bénéficiant d’un traitement efficace sera élevé, plus la contamination sera ralentie, et les transformations en cirrhose ou en cancer, limitées. L’ensemble de la collectivité en sortirait gagnante, tant sur le plan humain que sur le plan financier. Citons à titre d’exemple la population carcérale, qui présente un taux de prévalence de l’hépatite C supérieur à la moyenne nationale : si les détenus ne sont pas soignés, notamment parce que la maladie n’est pas à un stade suffisamment avancé, le virus se propagera au sein d’une population souvent discriminée et le coût global supporté par la collectivité s’en trouvera d’autant plus élevé.

Contre ces dérives, il faut davantage de transparence dans la fixation des prix des médicaments et, surtout, une affirmation du pouvoir de l’État face à des laboratoires dont l’activité est le plus souvent guidée par des logiques de rentabilité financière.

Nous sommes ainsi face à nos responsabilités : soit nous acceptons les prix proposés par les industriels et nous reportons à quinze ou vingt ans l’éradication de la maladie, en en faisant porter les coûts sociaux et financiers de ce report sur les Françaises et les Français, qui en assument déjà beaucoup ; soit nous ne plions pas face aux laboratoires et nous éradiquons la maladie rapidement, en proposant à toutes et à tous un traitement adapté.

La licence d’office, prévue dans le code de la propriété intellectuelle, apparaît comme un procédé intéressant. Elle permet, si la santé publique l’exige, de contourner un brevet pour produire un générique, ce qui aurait en outre l’avantage de créer des emplois en France. Ce procédé a déjà été utilisé en Italie, en Allemagne ou au Royaume-Uni. Parfois, la seule menace de son utilisation a permis aux États d’obtenir des prix décents de la part des laboratoires. Cette disposition a été employée avec des effets très positifs au Brésil, face au VIH.

Dans un contexte où de nouveaux médicaments très spécifiques pour le traitement des cancers sont en passe d’être découverts, l’utilisation d’un tel procédé constituerait un signal fort adressé aux laboratoires et répondrait à une nécessité pour nos finances publiques. En effet, si les traitements extrêmement coûteux concernaient auparavant un nombre limité de malades, il en va différemment aujourd’hui, dès lors que les médicaments s’adressent aux personnes atteintes d’une hépatite ou d’un cancer.

Enfin, cette licence d’office peut également constituer un point d’appui important pour le Gouvernement qui, parfois, dans ces dossiers, peut se sentir un peu seul…

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