Intervention de Roger Madec

Réunion du 29 mars 2006 à 21h30
Droit de préemption et protection des locataires en cas de vente d'un immeuble — Article 1er

Photo de Roger MadecRoger Madec :

En première lecture, la majorité sénatoriale a remplacé l'engagement de maintenir chaque logement sous statut locatif pour une durée de six ans par une prorogation du contrat de bail en cours, l'engagement ne valant plus qu'à l'égard du locataire en place lors de la vente. De ce fait, elle a créé un droit personnel attaché au seul locataire en place.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale n'est pas revenue sur cette modification.

Avec cet amendement, nous proposons de transformer ce droit personnel en un droit réel afin de favoriser non seulement le maintien du locataire en place, mais également celui du parc de logements locatifs.

Un engagement de maintien sous statut locatif est manifestement plus large qu'un engagement de maintien du locataire en place, car il exige de mettre à nouveau le logement en location. Se limiter à instituer un droit personnel reviendrait à restreindre la portée du dispositif.

On peut supposer, sans trop risquer se tromper, que l'incidence du caractère réel de l'engagement sur le parc locatif ne sera pas marginale.

En réduisant l'étendue du parc locatif privé, les ventes à la découpe accentuent la tension sur la demande de logements sociaux en augmentant la liste des demandeurs. On peut le constater à Paris, en dépit de l'effort très particulier qui est accompli depuis 2001, n'en déplaise à certains. Ces pratiques purement spéculatives menacent bel et bien l'équilibre de l'ensemble des marchés locatif et immobilier.

Les ventes à la découpe, par leur nouvelle ampleur, exacerbent les tendances à la ségrégation sociale dans les agglomérations. Elles chassent des quartiers les populations aux revenus les plus faibles par rapport au secteur considéré tout en renforçant la concentration d'une population aisée dans le centre des villes.

Les ghettos ne sont pas réservés aux pauvres : les riches, les presque riches, les moins riches et les moins pauvres ont aussi leurs ghettos. Nous assistons au développement de la société de l'« entre soi », lequel est une des causes importantes de l'échec des politiques de la ville depuis vingt ans, car la fracture n'est pas entre les inclus et les exclus, mais entre les strates sociales.

Dès lors, la voie à suivre est celle de la mixité sociale, de l'immersion, de l'éclatement des ghettos pour emprunter « la voie de l'égalité des destins », comme l'écrit Eric Maurin dans son ouvrage, le Ghetto français - Enquête sur le séparatisme social, édité au Seuil en octobre 2004.

Or, aujourd'hui, le parc locatif des investisseurs institutionnels est directement affecté par les ventes à la découpe bien qu'il s'agisse d'un parc locatif quasi social, souvent bâti avec des fonds provenant de la participation des employeurs à l'effort de construction. Les prix y sont en général inférieurs à ceux du marché. C'est donc un parc locatif qui permet le maintien dans le quartier concerné de classes aux revenus relativement plus modestes que les revenus moyens constatés dans ledit quartier.

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