Intervention de Philippe Nachbar

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 19 novembre 2014 : 3ème réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « culture » - crédits « patrimoines » « création et cinéma » et « transmission des savoirs et démocratisation de la culture » - examen des rapports pour avis

Photo de Philippe NachbarPhilippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme « Patrimoines » :

Les crédits du programme « Patrimoines » évoluent de la façon suivante en 2015 : -2 % en autorisations d'engagement (AE) avec 745,57 millions d'euros, et +0,6 % des crédits de paiement (CP) avec 751 millions d'euros. Si les crédits sont globalement stables, leur évolution varie fortement d'une action à l'autre.

En observant les subventions aux opérateurs du programme 175, on constate que les efforts qui leur sont demandés sont moins importants que les années précédentes. Deux baisses significatives de crédits sont à signaler : une diminution d'un million d'euros pour le Musée d'Orsay et de deux millions d'euros pour le Musée du Louvre. Ces établissements ont en effet mis en oeuvre des politiques audacieuses visant à assurer leur autofinancement, notamment par une démarche de « labellisation ».

Les arbitrages relatifs aux emplois de titre 2 n'ont pas encore été rendus, mais le ministère a indiqué que le maintien des effectifs placés au contact du public était une priorité d'ores et déjà acquise. En outre, dans le cadre de l'ouverture sept jours sur sept des établissements publics de Versailles, du Louvre et d'Orsay, les emplois nécessaires seront progressivement mis en place. J'observe que certains établissements souhaiteraient pouvoir bénéficier d'une marge de manoeuvre plus grande sur les emplois de titre 3 qu'ils auto-financent, car bien souvent, ils doivent faire face à des vacances de poste durables sur les emplois de titre 2. Cela serait également le gage d'une plus grande souplesse dans leur gestion. Espérons que les mesures catégorielles décidées en matière de ressources humaines pour 2015 permettront de revaloriser les postes en question et d'attirer de nouvelles candidatures.

Je souhaiterais dire un mot du Centre des monuments nationaux (CMN), qui jouit d'une situation financière excellente et de crédits constants, alors même que son périmètre a récemment été élargi. Après le domaine national de Rambouillet en 2009, le fort de Brégançon a rejoint le CMN. Ces élargissements ont été réalisés à budget constant, hormis pour le fort de Brégançon pour lequel un transfert de crédits de 175 000 euros est intervenu en provenance du ministère de la défense, qui assurait jusqu'ici l'entretien du monument.

Le CMN s'est surtout vu confier, cette année, une nouvelle mission par le Président de la République. En effet, il devra assurer la gestion de l'hôtel de la Marine que nous avions visité, il y a quelques années, alors qu'une polémique était née au sujet de sa reprise par une entreprise privée. Le CMN aura pour mission de rendre accessible au plus grand nombre les appartements historiques de l'hôtel et notamment les salons d'apparat. Le reste des espaces, soit 8 000 mètres carrés, seront composés de bureaux et locaux techniques loués à des opérateurs privés. Le coût du projet a été évalué à 59 millions et devrait faire l'objet d'un financement mobilisant des subventions versées par le ministère, le fonds de roulement du CMN et un emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignations. La subvention d'investissement du CMN passe cette année de 18 à 18,5 millions d'euros et la subvention de fonctionnement à 9 millions d'euros. L'organisation d'un tirage exceptionnel du Loto à son profit lors des journées du patrimoine, comme l'évoque l'article 50 bis du projet de loi de finances, permettrait de lui apporter une ressource supplémentaire et je vous proposerai donc d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article rattaché.

Concernant les monuments historiques, on constate la poursuite de la lente érosion des crédits qui s'établissent à 340 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une baisse de cinq millions d'euros, et 327 millions d'euros en crédits de paiement. Si les crédits d'entretiens sont préservés à hauteur de 48 millions d'euros, ceux destinés à la restauration diminuent de 9 millions. Les grands projets financés en 2015 sont principalement la poursuite du schéma directeur de Versailles et le schéma directeur de restauration et d'aménagement du Grand Palais.

J'ai auditionné ce matin le groupement des entreprises de restauration de monuments historiques et du patrimoine (GMH), dont les représentants m'ont fait part de leur grande inquiétude quant à la situation financière de ces entreprises. En effet, depuis le 1er janvier 2014, six entreprises de restauration ont été placées en liquidation judiciaire, ce qui représente la destruction de deux cents emplois de métiers d'art. Les recrutements d'apprentis sont au point mort. La fragilisation de la situation de ces entreprises, qui est directement liée à la baisse des financements pour la restauration du patrimoine, mène à la perte d'un savoir-faire que nous ne retrouverons plus jamais. Il s'agit là d'un véritable cri d'alarme. Des solutions existent et doivent être mises en oeuvre. Je suis favorable à ce qu'une partie des produits du jeu et de la loterie soient partiellement affectés à la restauration du patrimoine.

La politique muséale est confortée cette année après des baisses importantes de crédits en 2013 et 2014. Les crédits de paiement de l'action 3 se stabilisent à hauteur de 339 millions d'euros. Les dépenses d'intervention en crédits déconcentrés sont fixées à 17 millions d'euros en crédits de paiement pour financer la poursuite du plan « Musées en région ». Parmi les exemples de projets financés par ce plan, on trouve le musée Unterlinden de Colmar ou la cité de la tapisserie d'Aubusson.

Les crédits de l'action 8, relative aux acquisitions des collections publiques, sont maintenus cette année à 8,35 millions d'euros, mais je rappelle qu'ils avaient diminué de 48 % en 2013. Les travaux du récolement décennal sont toujours en cours, avec un taux de réalisation de 63 %. Compte tenu de l'affaiblissement de la capacité d'acquisition des musées ces dernières années, le ministère de la culture encourage désormais la circulation des oeuvres et lance une nouvelle initiative intitulée « l'entreprise à l'oeuvre » : cinq entreprises ont été retenues pour cette expérimentation qui consiste à exposer des oeuvres des collections nationales pendant une semaine sur des lieux de travail. Ainsi, une exposition des oeuvres de Fernand Léger a lieu dans les locaux de l'usine Renault de Flins. J'ajoute, pour conclure sur la politique muséale, que nous devrions très prochainement être destinataires du premier bilan de la commission scientifique nationale des collections, qui doit présenter une stratégie en matière de déclassement ou de cession de biens culturels appartenant aux collections publiques.

Un mot sur les archives, dont les crédits s'élèvent à 24 millions d'euros, pour dire que la politique de numérisation de poursuit et que le projet VITAM (valeurs immatérielles transmises aux archives pour mémoire) bénéficie cette année de 2,3 millions d'euros en AE et 1,7 million d'euros en CP.

Je terminerai ma présentation en évoquant le cas difficile de l'archéologie préventive qui devait être réglé par la réforme de la redevance d'archéologie préventive (RAP). Je vous rappelle que nous avions en effet adopté un nouveau dispositif pour la collecte au sein de la filière urbanisme dans le cadre de la loi de finances rectificative du 28 décembre 2011 afin d'adosser la RAP à la taxe d'aménagement. Nous avions également fixé son rendement à 122 millions d'euros.

Or les acteurs de l'archéologie préventive ont été confrontés à une situation extrêmement préoccupante en 2013 et 2014 puisque la collecte de la filière urbanisme a été empêchée en raison d'un dysfonctionnement grave du logiciel Chorus au sein du ministère du logement. De l'aveu même du ministère de la culture, cette situation a mis en péril l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), établissement public national, mais aussi le Fonds d'aides, le Fonds national pour l'archéologie préventive (FNAP), et les vingt services territoriaux d'archéologie préventive qui perçoivent directement la RAP pour financer leurs activités. 49 millions d'euros, prélevés sur d'autres chapitres, ont dû être versés à l'INRAP pour éviter les défauts de paiement. La ministre nous a expliqué que les choses allaient rentrer dans l'ordre dès la fin de l'année, mais aucune information ne nous a été transmise sur le plafonnement de la RAP, dont le seuil a été abaissé cet été de 4 millions pour servir de « gage » au relèvement du plafond de la taxe sur les spectacles alimentant le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV).

Une grande incertitude pèse donc sur ce secteur déjà fragilisé économiquement, au sein duquel un certain nombre d'opérateurs ont d'ores et déjà disparu.

Compte tenu de ces observations, je propose à la commission un avis de sagesse pour l'adoption des crédits du programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion