L'autonomie a mis les universités dans l'obligation d'assumer des choix stratégiques adaptés aux besoins socioprofessionnels de leur territoire, en tenant compte de la concurrence internationale. Il leur a fallu trouver l'équilibre optimal dans la définition de leurs orientations stratégiques entre, d'une part, la nécessité d'affirmer leur identité propre, de l'autre, leurs missions de service public. A cet égard, la réussite des universités doit s'apprécier au cas par cas.
Au niveau national, l'autonomie a probablement suscité un emballement des universités dans la définition de leur politique de formation. Préoccupées d'abord par le souci de se distinguer à tout prix des autres, par des libellés de diplômes soit novateurs, soit fantaisistes et confus, certaines universités ne se sont pas penchées sur la soutenabilité financière et la pertinence pour leur environnement économique de ces nouvelles formations, provoquant ainsi une inflation de l'offre de formation, dans un paysage devenu complexe, voire illisible pour les jeunes, leurs familles et les entreprises.
Mais nos déplacements nous ont montré que certaines universités avaient pris la juste mesure de l'enjeu stratégique de la définition de l'offre de formation. L'université d'Avignon, avec 7 000 étudiants, est une « petite » université qui a su utiliser son autonomie stratégique pour tirer son épingle du jeu. Elle a développé des niches de spécialisation, en rapport direct avec les atouts et traditions de son territoire, qui en font une « orchidée » universitaire dans les domaines du patrimoine, de la culture et de l'agroalimentaire. Elle a également maintenu une offre pluridisciplinaire au niveau licence, afin de garantir le libre accès des bacheliers de la région à l'enseignement supérieur.
L'université de Strasbourg, « grande » université de plus de 43 000 étudiants, a pu garantir une pluridisciplinarité à tous les niveaux, tout en développant des niches de spécialisation, comme les langues rares ou le droit, qui font son identité dans un territoire caractérisé par de fortes interactions transfrontalières. La dimension de ses structures de recherche lui permet également de mener une politique scientifique très offensive.
En revanche, le positionnement est plus compliqué pour les universités de rang intermédiaire, partagées entre les exigences immédiates d'un environnement socio-économique parfois défavorisé et une ambition de rayonnement national et international. L'université de Picardie, par exemple, dans une région marquée par un des plus faibles taux d'accès à l'enseignement supérieur, se révèle incontournable pour le développement du territoire et se doit de maintenir la pluridisciplinarité au niveau licence, en dépit de coûts fixes très élevés dus à des antennes délocalisées. De même, l'université de Caen a développé la transversalité et les passerelles entre formations pour prévenir, autant que possible, l'échec en premier cycle. Elle a aussi renforcé son offre de formation pour les ingénieurs, dont le besoin est patent en Basse-Normandie.
Grâce à la loi LRU, les exécutifs des universités ont pris conscience de la nécessité d'un positionnement stratégique en matière de formation et de recherche, aussi bien par rapport à leurs missions de service public que par rapport aux besoins socioprofessionnels de leur territoire. Elle a également favorisé l'ouverture des universités sur le monde économique. Les collaborations sont encore balbutiantes, mais certaines universités ont pris des initiatives prometteuses et souhaitent qu'on les accompagne dans ce sens.
En matière d'orientation et d'insertion professionnelle, les résultats sont encore limités. Si beaucoup d'universités ont fait des efforts considérables dans la professionnalisation de leurs licences, la connaissance des milieux professionnels et l'importance de l'orientation ont encore du mal à s'imposer chez les enseignants-chercheurs. Malgré la généralisation des bureaux d'aide à l'insertion professionnelle et le renforcement de la continuité du parcours d'orientation du début du lycée à la fin de la licence, l'aide à l'orientation est insuffisamment valorisée au sein du personnel enseignant, à tous les niveaux.
Certaines universités s'illustrent cependant. L'université de La Rochelle a ainsi créé une « Maison de la réussite », dispositif d'orientation intégré du secondaire au supérieur, qui offre aussi une plateforme des stages et des parcours de formation continue... Le taux d'insertion professionnelle de ses diplômés est de 95 %.