Intervention de Philippe Wahl

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 30 novembre 2011 : 3ème réunion
Audition de M. Philippe Wahl président du directoire de la banque postale et de M. Jean-Paul Bailly président du conseil de surveillance de la banque postale

Philippe Wahl, président du directoire de La Banque Postale :

A la fin de l'année 2011, La Banque Postale offrira à ses clients la totalité des produits d'une banque de détail. Que de chemin parcouru depuis sa création en 2006 ! La mue, que vous avez permise, se révèle largement positive. En 2006, nous avons été autorisés à distribuer du crédit immobilier sans épargne préalable : la production de prêts aux ménages atteindra cette année 10 milliards d'euros. En mars 2010, nous avons lancé le crédit à la consommation : cette année environ 1,8 milliard d'euros au total auront été prêtés, à 250 000 ménages. L'assurance IARD a été lancée cette année et nous devrions parvenir à 200 000 contrats fin décembre. Nous proposerons une assurance-santé grand public avant la fin de l'année. Nous avons aussi reçu le feu vert des autorités de régulation pour financer les personnes morales, associations, bailleurs sociaux et entreprises. Au mois de novembre, en finançant une grue sur camion pour une entreprise de maçonnerie en région lyonnaise, nous avons gagné notre premier client professionnel historique.

La Banque Postale a crû en maturité. Une augmentation de capital, à hauteur de 860 millions d'euros, a été réalisée en début d'année, 100 % des fonds ayant été versés par La Poste en septembre dernier. Les résultats d'activité sont solides mais affectés par les risques souverains : une provision de 158 millions d'euros a été passée sur la Grèce au premier semestre. Aujourd'hui il nous reste une exposition de 130 millions d'euros (nets de provision) à ce pays, un peu moins de 3 milliards à l'Italie, 400 millions à l'Espagne, 1,1 milliard au Portugal. La Banque Postale détient 13,4 milliards d'OAT de la République française, il est normal que la banque publique soit la plus investie sur ces titres. Elle a aussi en portefeuille plus de 4 milliards d'obligations émises par l'État fédéral allemand et les Régions allemandes et 200 millions d'euros de la République d'Autriche. Pourquoi cette exposition aux dettes souveraines ? Tout simplement parce que la banque, qui possède plus de dépôts qu'elle n'a d'encours de crédits, a eu l'obligation de placer ses liquidités en dette souveraine des pays de l'OCDE, aux termes du décret du 28 février 2000. Nous avons décidé de nous limiter plus précisément à la zone euro, écartant ainsi les placements en dollar et livre sterling.

Avec un coefficient d'exploitation perfectible (85 %), La Banque Postale fait moins bien que les autres banques, qui sont à 65 %, voire 55 % pour le Crédit agricole. Il nous faut donc progresser et contrôler mieux les coûts. Chaque client actif dégage pour nous 370 euros de produit net bancaire (PNB) par an, mais 750 euros au Crédit agricole et 1 350 à la BNP ou à la Société générale. Il y a donc un potentiel de développement.

Le nouveau plan stratégique pour 2011-2015 s'intitule « L'intérêt du client d'abord, prouvons la différence ». Sur cinq ans nous voulons équiper nos clients pour développer nos revenus et fortifier la banque. Ce plan s'organise autour de deux idées fortes : prouver la différence et accélérer le développement commercial. Nous sommes la seule banque de service public, la collectivité nationale nous a confié une mission d'intérêt général, assurer l'accès aux services bancaires et 95 % des 600 000 personnes les plus fragiles, dans une situation de forte précarité, sont clientes de La Banque Postale. C'est pour nous une fierté mais cela a forcément des conséquences sur notre fonctionnement. Nos tarifs sont les plus bas, comme le notent enquête après enquête Le Parisien, Le Monde, Soixante millions de consommateurs ou Que choisir, et comme le confirme la Confédération syndicale du cadre de vie. Voilà une preuve de notre différence ! Nos produits en offrent une autre : nous les voulons simples, accessibles, car nous sommes une banque de service public.

Accélérer le développement commercial constitue l'autre axe du plan stratégique. C'est aussi la priorité de tous les postiers et cela passe par une meilleure performance sur le coefficient d'exploitation et un renforcement des fonds propres.

Le financement des collectivités territoriales ne figurait pas dans notre plan stratégique. Mais la collectivité nationale nous a soumis ce sujet d'intérêt public et nous nous y sommes intéressés, puis nous avons « plongé » ! Nous nous sommes mis au travail avec fierté et enthousiasme, et espérons être prêts début 2012. Mais contrairement au marché de l'assurance de dommages, qui a exigé une simple création de filiale commune avec Groupama, le financement des collectivités territoriales fait intervenir Dexia, DexMa, la Caisse des dépôts, avec des imbrications et articulations nombreuses. La structure nouvelle à mettre en place est forcément plus complexe. Elle combine en effet trois réponses organisationnelles aux trois questions qui se posaient.

Le passé, Dexia Crédit local (DCL) en fait son affaire : Dexia va donc persister dans son être pour gérer les 55 milliards d'euros d'encours de financement auprès des collectivités et pour traiter les 8 à 10 milliards d'emprunts « sensibles ». Il y en a pour dix ans de travail. La Banque Postale ne s'occupera pas de la restructuration de ces crédits.

Le futur, c'est la coentreprise entre la Caisse des dépôts (35 %) et La Banque Postale (65 %). Le 31 mars 2012 nous espérons commencer à répondre à vos besoins - c'est l'époque des bouclages de budgets locaux. Mais nous ne possédons ni les équipes commerciales, ni les outils de contrôle des risques, ni les moyens informatiques. Il faut les acquérir en les séparant de DCL. Nous avons entrepris ce travail de désimbrication, pour découper et utiliser les moyens qui nous indispensables.

Quant aux financements, sachant que les collectivités territoriales ont besoin de 18 milliards d'euros par an et le secteur public local (sociétés d'économie mixte, hôpitaux et offices d'HLM) de 15 milliards environ, il faut trouver plus de 30 milliards d'euros par an. DexMa, société de crédit foncier, portera les crédits dans son bilan : ceci représente une économie en capital pour La Banque Postale et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Il faudra se procurer les ressources sur les marchés financiers, or DexMa est classée AAA et sera confortée par l'adossement à la CDC, son actionnaire à 65 %, Dexia en détenant 30 % et La Banque postale 5 %. Certes, on peut trouver le montage complexe, mais il est le fruit d'une histoire et nous partons de l'existant pour répondre à trois questions par trois institutions différentes.

La crise n'est pas seulement celle du leader, Dexia, mais aussi celle d'un modèle, qui a montré ses limites. Notre moyen de prouver notre différence, dans ce secteur, sera de distribuer des produits simples : nous pratiquerons à peine la moitié des 25 produits cités dans la charte Gissler. Taux fixe, taux variable, options pour passer de l'un à l'autre... Par des différés ou des ressauts de taux ou de montant, nous nous efforcerons de coller avec souplesse au rythme de vos projets, mais nous ne proposerons pas de prises de position spéculatives, l'indexation sur un taux de change, etc. Nous sommes en fin de cycle de baisse des taux : ceux-ci risquent de remonter et de tels produits ne sont plus envisageables, ils deviendraient vite extrêmement coûteux.

Nos produits seront totalement adossés en liquidités. Un financement à quinze ans sera d'emblée prévu à quinze ans, non à deux ans renouvelables, comme le pratiquait le marché. Notre prix sera celui de l'argent à quinze ans, avec une marge : car une caractéristique du nouveau modèle est que La Banque Postale devra pouvoir gagner de l'argent. Nous ne vous proposerons pas un taux inférieur à celui du marché, comme cela s'est vu dans le passé - taux inférieur en début de prêt seulement, avant restructuration rentable pour le prêteur...

Cette attitude est raisonnable et l'économie y gagnera en stabilité. Nous voulons ainsi contribuer à un développement durable et solide. A la fin du premier trimestre 2012, nous espérons être prêts, si les négociations avec Dexia progressent ; sinon, il faudra un peu plus de temps, mais former une structure ex nihilo nous prendrait deux ans ! Nous nous préparons à vous accompagner, comme partenaires naturels.

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