Le rapport de la Cour des comptes formule un certain nombre de recommandations qui font partie de notre programme de travail actuel. En revanche, l'analyse de la Cour des comptes sur certains points diffère de celle portée par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.
Comme l'a rappelé Jean-Philippe Vachia, la protection judiciaire de la jeunesse est une direction du ministère de la justice. Il lui revient, à ce titre, d'exécuter les mesures décidées par les magistrats. Mais la protection judiciaire de la jeunesse est également un acteur d'une politique publique en faveur de la jeunesse en difficulté. Elle exerce cette mission en liaison avec d'autres intervenants tels que les juridictions, les conseils généraux, les associations, ou encore les acteurs de l'éducation nationale, de l'insertion professionnelle, de la culture et de la santé.
Le rapport de la Cour des comptes prend acte du recentrage des activités de la protection judiciaire de la jeunesse sur l'application des mesures pénales. Je rappelle qu'elle est la seule à exercer cette mission. Les activités de la protection judiciaire de la jeunesse ont donc suivi les évolutions de la politique pénale, progressivement, dans un premier temps, puis plus brutalement, avec la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Cette évolution ne s'est pas faite sans difficultés s'agissant de la qualité de l'accompagnement des adolescents auteurs d'une infraction pénale que la protection judiciaire de la jeunesse doit désormais s'efforcer de pallier :
- en matière de qualification des professionnels, d'abord : la protection judiciaire de la jeunesse est une administration éducative, chargée de prévention, de protection et de sanctions. Accompagner des adolescents en difficulté, faire évoluer leurs comportements, suppose une connaissance des différentes étapes d'une personnalité en construction. Or la mise en oeuvre de ce recentrage sur le pénal s'est accompagnée d'une perte de savoir-faire qu'il faut compenser ;
- la perte de souplesse dans les réponses que la protection judiciaire de la jeunesse peut apporter. Je citerais comme exemple l'accompagnement des filles qui rencontrent les mêmes difficultés que les garçons, mais dont les comportements sont différents et se traduisent souvent par une prise de risque ou des actes d'autodestruction et non par des actes de délinquance. Or, actuellement, le ratio de filles faisant l'objet d'un accompagnement de la protection judiciaire de la jeunesse n'est que d'une fille pour onze garçons. Cela prive nos établissements d'une mixité qui est souvent source d'apaisement ;
- la question des jeunes majeurs : il s'agit d'une population particulièrement vulnérable, on le constate avec les événements que nous vivons actuellement. Les 18-21 ans requièrent donc une attention particulière dans la mesure où ils peuvent être soumis à des influences négatives et être impliqués dans des faits d'une extrême gravité.
La direction de la protection judiciaire de la jeunesse, qui dispose d'un savoir-faire, souhaite par conséquent pouvoir continuer à intervenir, à la marge, dans le champ de la protection de l'enfance, dans la continuité d'une mesure pénale. En effet, il existe un risque réel de rupture dans le suivi éducatif du jeune alors que, bien souvent, il est nécessaire de l'accompagner dans la durée. La majorité ne doit pas être un couperet.
Pour pallier ces difficultés, certaines dispositions ont pu être détournées. Les magistrats ont ainsi pu avoir recours à la pratique de ce que l'on appelait, dans les années 1950, le « délit-prétexte » afin de permettre la mise en oeuvre ou le maintien d'une mesure judiciaire éducative.
Il faut pouvoir adapter la réponse au parcours du jeune, à ses besoins qui sont évolutifs. En effet, les jeunes les plus en difficulté confiés à la protection judiciaire de la jeunesse sont souvent des adolescents en danger qui relèvent à la fois de la protection judiciaire de la jeunesse et de la protection de l'enfance.
C'est pourquoi, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse est défavorable aux deux propositions formulées par la Cour des comptes dans son rapport proposant l'abrogation des textes qui permettent la prise en charge des jeunes majeurs et la poursuite de l'action de la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre civil.
Pour conclure, je rappellerai que le recentrage sur l'exécution des mesures pénales de la protection judiciaire de la jeunesse s'est fait dans le cadre de la RGPP. Cette étape a provoqué des bouleversements importants. Elle s'est par exemple traduite par une diminution des emplois, de l'ordre de 600 emplois supprimés, dont 151 postes dans le champ de l'insertion. Elle s'est aussi traduite par une diminution des crédits dans le secteur associatif. Ces réformes ont pesé notamment sur les fonctions support. Cette réorganisation doit maintenant être accompagnée et consolidée.
La direction s'est dotée d'une note d'orientation nationale visant à réunir l'ensemble de l'institution autour d'un projet pour les adolescents confiés à la protection judiciaire de la jeunesse centré sur le parcours du jeune et de ses besoins, et non sur la structure dont il provient.