Intervention de Guy Fischer

Commission des affaires sociales — Réunion du 17 octobre 2012 : 3ème réunion
Journée nationale du souvenir du 19 mars — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Je souscris entièrement à ce qu'a dit Alain Néri et voudrais contribuer à notre réflexion par la lecture de deux lettres. J'ai, avec Nicole Borvo Cohen-Seat, envoyé la première au Président de la République le 18 juillet dernier :

« Nous avons à coeur de souligner la nécessité pour notre pays de s'engager dans la voie de la reconnaissance de son passé colonial et des tragiques conséquences qui découlèrent.

« Notre propos vaut bien sûr pour toutes les anciennes colonies françaises, mais en cette année du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie, il nous semblerait particulièrement symbolique que notre pays accepte enfin de regarder son passé en face, d'assumer pleinement ses responsabilités vis-à-vis du peuple algérien.

« Faisant suite à des décennies d'asservissement des populations, à des répressions massives à la moindre velléité de révolte, au pillage des richesses locales au profit des oligarchies financières qui contrôlaient toutes la vie politique et économique du pays, cette guerre longue et cruelle coûta la vie à cinq ou six cent mille Algériens, parmi lesquels un nombre considérable de femmes et d'enfants. Du côté français, près de 30 000 hommes sont tombés. A ces chiffres terribles, il convient d'ajouter un nombre incalculable de blessés et de victimes marqués psychologiquement parce qu'ils sont dans l'incapacité d'oublier, sans oublier le drame des Harkis et le désespoir des rapatriés.

« Certaines dates nous rappellent à quel point la violence et le crime d'Etat sont indissociables du colonialisme : la sauvage répression du 8 mai 1945 à Sétif, la « disparition » du mathématicien Maurice Audin en juin 1957, le massacre du 17 octobre 1961 à Paris et le massacre du 8 février 1962 au métro Charonne, sous les ordres du préfet de police Maurice Papon.

« Pour apaiser la douleur de toutes les victimes civiles et militaires, celle de leurs familles, pour redéfinir des relations saines avec le peuple et le gouvernement algériens, il est aujourd'hui aussi indispensable qu'urgent de définir les responsabilités, de les assumer.

« Des deux côtés de la Méditerranée, les populations jeunes ou moins jeunes, ayant connu la guerre ou non, manifestent une immense soif de vérité sur cette période sombre, estimant à juste raison que tant que perdureront secrets, non-dits et tentatives révisionnistes, France et Algérie ne pourront assurer la paix et la fraternité entre leurs peuples.

« Ce n'est que lorsque ce passé sera pris en compte qu'une coopération réciproquement avantageuse pourra se mettre en place entre la France et l'Algérie, tant sur le plan culturel qu'économique ou scientifique. Cette coopération devrait intégrer la question de la libre circulation des personnes qui ont très fréquemment des attaches familiales dans les deux pays.

« Un traité d'amitié pourrait concrétiser la nouvelle base de ces relations.

« De plus, au moment où les peuples du Maghreb et du Proche-Orient manifestent leurs aspirations à la démocratie, à de vrais changements politiques et sociaux dans leurs pays, la France s'honorerait de s'inscrire positivement dans l'écriture de ce renouveau démocratique, de contribuer à de nouveaux rapports entre tous les peuples du sud de la Méditerranée.

« La voix de la France dans le monde n'en serait que plus respectée et sa réputation de patrie des droits de l'Homme restaurée ».

Dans sa réponse, le Président Hollande constate que les mémoires collectives des deux côtés de la Méditerranée entretiennent une guerre larvée de rancoeurs qui perturbe les relations entre les deux pays. Et il poursuit : « L'année 1962 a mis fin aux atrocités de la guerre d'Algérie. Il avait fallu l'autorité du général de Gaulle pour s'inspirer enfin de la clairvoyance de Mendès France qui avait su, à son époque, mettre fin à la guerre d'Indochine. Cette guerre, responsable, de part et d'autre, de tant de morts et de tant de tragédies humaines, ne fut reconnue comme telle que par le gouvernement de Lionel Jospin, qui a ainsi ouvert la voie à une reconnaissance officielle de la France de sa responsabilité historique dans le drame colonial. Ce travail de mémoire doit se poursuivre, en France comme en Algérie ». Assurant vouloir travailler à une réconciliation qui pourrait se concrétiser, si l'Algérie y est disposée, par un grand traité d'amitié, il concluait : « Nous avons le devoir, à l'égard des générations présentes et futures, de développer les synergies évidentes entre la France et l'Algérie. »

La guerre d'Algérie, la lutte pour le cessez-le-feu ont été à la base de mon engagement politique. J'ai, en 1962, fêté l'indépendance de l'Algérie et, dans ma ville, à Vénissieux, aux Minguettes, l'impact de cette période historique a été fort. Avec mon groupe, qui avait pris des initiatives similaires, nous soutiendrons et nous voterons cette proposition de loi.

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