Dans la culture française, associer dans un même nom les mots « musée » et « sport » peut paraître insolite, voire relever de la provocation, tant la vision élitiste que nous avons de la culture en général et des musées en particulier s'accorde mal avec l'univers populaire du sport. Pourtant, il existe un musée national du sport (MNS), même si encore trop peu de nos concitoyens le savent.
Comme nous allons le voir, ce défaut de popularité vient, en partie, d'une histoire mouvementée, ponctuée par des déménagements. Il vient aussi d'une incapacité à présenter les riches collections qu'il possède dans des conditions optimales - du moins, jusqu'à présent.
Alors que le musée aborde une étape cruciale de son existence en déménageant à Nice, pour ce qui peut s'apparenter à une dernière chance de trouver son public, et dans des conditions financières dont nous reparlerons, il m'a paru nécessaire porter un regard d'ensemble sur cet établissement public.
L'idée que la France dispose d'un tel musée pluridisciplinaire date de 1963, à l'initiative de Maurice Herzog, alors secrétaire d'État à la jeunesse et aux sports. Cependant, la naissance du musée prendra du temps. De fait, pendant plus de deux décennies, le musée, à défaut d'être complètement virtuel - puisqu'il a acquis ses collections au cours de cette période - ne disposait pas de lieu d'exposition et n'était donc pas identifiable par le public.
Ce n'est qu'en 1988, soit vingt-cinq ans après le lancement du projet, qu'un espace a pu lui être consacré au sein du Parc des princes.
Néanmoins, dix ans plus tard, les travaux engagés pour l'organisation de la Coupe du monde de football de 1998 et les besoins propres du Paris Saint-Germain, club résident du Parc des princes, conduisent à la fermeture des galeries du MNS. Seules restent sur place l'administration et les réserves du musée, qui redevient en quelque sorte « virtuel ». La Cour des comptes, en 2011, n'a pas manqué de relever le paradoxe qui a voulu que ce soit au cours de cette période d'absence de musée physique que le MNS s'est vu accorder le label de « Musée de France » par le ministère de la culture. De même, c'est en 2006 qu'il a accédé au statut d'établissement public à caractère administratif (EPA).
Enfin, après avoir disposé à compter de 2008 d'un espace au rez-de-chaussée des locaux du ministère des sports, dans le treizième arrondissement de Paris, qui ne lui a pas permis de trouver son public, le ministère a fait le choix, en 2010, d'un déménagement à Nice qui vient tout juste de se concrétiser.
La Cour des comptes, qui a consacré au MNS une partie de son rapport public annuel de 2011, a effectué, à cette occasion, quelques constats cinglants.
Ses critiques portaient sur la tutelle du ministère des sports, qu'elle a qualifiée de « déficiente ». En effet, la tutelle était éclatée entre la direction des sports et la direction des ressources humaines du ministère, dans des conditions peu claires de partage des rôles. À titre d'illustration, le contrat de performance de l'établissement public n'a été signé qu'en 2010, quatre ans après sa création.
Au-delà de ces problèmes administratifs, c'est surtout l'échec du musée sur ses missions fondamentales qui était préoccupant. La « vitrine » parisienne au rez-de-chaussée du ministère n'attirait que moins de cinquante visiteurs par jour en moyenne. D'un point de vue scientifique et culturel, les constats n'étaient pas meilleurs, les quelque 1 200 m2 alors disponibles ne permettant d'exposer de manière permanente qu'environ 350 objets sur le site, c'est-à-dire une partie très restreinte des collections.
Les conditions de travail du personnel (une vingtaine d'emplois) étaient compliquées par l'éclatement des sites : administration au bois de Boulogne, réserves au Parc des princes, exposition dans le treizième arrondissement. Les témoignages que j'ai recueillis m'ont montré la situation très difficile à vivre d'un point de vue humain par les employés du musée face à cette situation d'échec très frustrante.
En 2010, comme l'a souligné la Cour des comptes, c'est donc bien l'existence même du musée national du sport qui était en question. Constat amer au vu, d'une part, de la réelle richesse des collections du MNS et, d'autre part, du succès que des lieux comme le musée du Comité international olympique à Lausanne ou le musée du Barça (lieu le plus visité de toute la Catalogne), qui montrent le grand potentiel de tels établissements.
Le ministère des sports a alors décidé un déménagement en province, dans une ville où le musée pourrait être davantage mis en valeur qu'à Paris et disposer de plus d'espace. Très vite, le choix s'est porté sur Nice, ville qui avait alors lancé son projet de nouveau stade « Allianz Riviera ».
Selon ce que m'ont dit mes différents interlocuteurs, cette candidature était la seule vraiment concrète - ce qui peut d'ailleurs sembler surprenant pour un équipement de ce type.
S'agissant des locaux, le musée dispose d'un espace total de 5 860 m2, dont 2 000 m2 pour le seul espace d'exposition. Celui-ci est donc sensiblement plus vaste qu'à Paris, ce qui permet de montrer davantage d'objets et de prévoir un espace réservé à des expositions temporaires. Le musée dispose également d'une boutique pour vendre des produits dérivés. De plus, l'établissement public dispose enfin d'un même lieu pour l'espace d'exposition, son personnel et ses réserves, ce qui est une réelle source d'optimalité.
Je tiens à souligner la grande mobilisation du personnel, très motivé et désireux de faire de cette expérience un succès. On relèvera toutefois que neuf agents, soit environ la moitié d'entre eux, n'ont pas souhaité suivre le musée à Nice. Selon les éléments qui m'ont été transmis, le coût total des mesures de reclassement s'est élevé à 110 000 euros.
Le financement du déménagement mérite un développement particulier - d'autant qu'il a évolué au fil du temps. Outre la préparation du déménagement des précédents locaux du Parc des princes, qui a coûté un peu plus d'un million d'euros répartis sur 2010 et 2011, l'opération a entraîné le versement par l'État au musée d'une subvention d'investissement de 143 000 euros en 2012 pour préparer le déménagement à Nice, puis d'une subvention de 1,256 million d'euros en 2013 qui tient compte des dépenses consécutives à la libération des locaux parisiens - pour l'essentiel, la remise en état de la vitrine.
En revanche, en 2012, la question du financement de l'emménagement à Nice, avec la conception et l'aménagement des nouveaux locaux, restait pendante et n'avait pas été réglée par le gouvernement sortant. Or, à l'échelle du musée - et même du programme « Sport », il ne s'agissait pas d'un montant négligeable, l'effort exceptionnel à réaliser s'élevant à 4,5 millions d'euros pour l'année 2013.
Des négociations menées entre la précédente ministre, Valérie Fourneyron, et le maire de Nice, Christian Estrosi, ont abouti, du fait de la commune volonté des parties de clore le dossier, à un accord en mars 2013. Ainsi, c'est la Ville de Nice qui a avancé la somme nécessaire en 2013 sous forme d'une subvention forfaitaire. En contrepartie, le musée versera, pour solde de tout compte à la ville, une redevance d'occupation de 537 221 euros hors taxes par an pendant dix ans - ce qui couvrira l'emprunt municipal et les intérêts. Au terme de cette période, le musée occupera ses locaux à titre gracieux. On relèvera enfin que le fonds de roulement du musée a fait l'objet de deux ponctions, de 600 000 euros en 2013 puis de 430 000 euros en 2014.
Compte tenu de ce qui précède, on constate que l'évolution de la subvention de l'État au musée hors charges de personnel reste maîtrisée au vu de l'ampleur de l'opération en cours.
Après une exécution 2013 élevée en crédits de paiement (CP) du fait de la remise en état des locaux parisiens, on note que l'année 2014 intègre le premier versement de redevance de 537 221 euros à la mairie de Nice. Ensuite, la subvention 2015 devrait augmenter à nouveau pour tenir compte des besoins dans ces nouveaux locaux plus vastes. Puis, à compter de 2016, la subvention devrait baisser en tenant compte de l'augmentation des recettes propres du musée. Bien entendu, après 2023, il n'y aura plus à financer la redevance annuelle à la Ville de Nice.
S'agissant du personnel, après le creux logiquement enregistré à la suite des départs des agents ne souhaitant pas aller à Nice, le niveau normal de 19 emplois en équivalent temps plein (ETP) devrait être de nouveau atteint dès la fin de l'année. Il a vocation à rester stable au fil des ans.
Au total, un peu moins de quatre semaines après l'ouverture du musée au public, seul l'avenir dira si le pari de la délocalisation est réussi. Je voudrais dire, cependant, qu'à mes yeux, cette opération « de la dernière chance » méritait d'être tentée. En premier lieu parce que le MNS propose une expérience culturelle originale, qui méritait un écrin plus valorisant que ses anciens locaux parisiens. En deuxième lieu parce que ce musée possède de riches collections, susceptibles d'attirer aussi bien les amateurs de musées traditionnels qu'un public nouveau pour ce genre d'endroits. Et en troisième lieu parce que l'opération a un coût finalement raisonnable, qui sera bien absorbée par le budget du programme « Sport » grâce à la négociation menée entre Valérie Fourneyron et la ville de Nice.
Les facteurs de succès existent. Ils existeront d'autant mieux à l'avenir si le quartier de l'Allianz Riviera, aujourd'hui relativement mal desservi par les transports en commun, se développe dans les années à venir comme le prévoit la mairie.
Une fois formulés ces constats, au stade où nous en sommes (déménagement réalisé, ouverture effectuée), mes préconisations seront nécessairement limitées. Elles concerneront l'État et le musée lui-même.
L'État devra exercer une tutelle efficace sur l'établissement, en particulier en fixant des objectifs clairs à la direction. Ceux-ci devront notamment concerner la fréquentation du musée, qu'il s'agisse de la fréquentation globale ou du niveau d'entrées de certains publics cibles. Ils devront également inclure des objectifs financiers comme le développement des recettes propres (billetterie, boutique, etc.). Même s'il est probablement illusoire de prévoir un autofinancement à brève échéance, on pourrait imaginer qu'à terme, le musée ne coûte pas plus cher à l'État qu'au temps de sa « vitrine » parisienne.
Quant au musée, il lui reviendra de se faire connaître dans son nouvel environnement - mieux qu'à Paris. Cela passera sans doute, dans un premier temps, par de classiques opérations de communication, notamment lors des pics de la saison touristique. Mais il faudra surtout, à terme, donner envie au public local de revenir. Cela passera par l'organisation d'expositions temporaires. Et, loin de Nice, des prêts et des échanges avec des lieux d'exposition plus classiques pourraient aussi permettre à ce musée trop méconnu de rayonner auprès d'un public plus habitué des musées. Le contrat d'objectifs ou la lettre de mission gagneraient donc également à aborder ces thématiques.