Les préfets, surtout de région, ont dû s'adapter à cette nouvelle architecture. Leurs prérogatives budgétaires se sont étendues : le préfet de région identifie avec les directeurs régionaux les besoins des territoires et coordonne au niveau des budgets opérationnels de programme (les BOP) la ventilation des crédits entre les départements. Il apprécie les besoins en personnel dans les départements et arbitre les suppressions, les créations ou les redéploiements d'effectifs. Il lui revient d'optimiser l'allocation des moyens. Pour cela, il s'appuie de plus en plus sur un acteur relativement récent : le secrétaire général aux affaires régionales. Bien connu en région, et malheureusement moins en département, le SGAR coordonne l'action des services régionaux de l'État, s'assure de leur articulation avec les services départementaux, et met en oeuvre certaines politiques européennes. Les équipes de chargés de mission auprès des SGAR se sont rapidement étoffées. Veillons à ce qu'ils ne doublonnent pas les secrétaires généraux des préfectures départementales.
Les préfectures ont connu des évolutions technologiques majeures : passeport biométrique, nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV) et, depuis septembre 2013, nouveau permis de conduire (FAETON). Des difficultés d'organisation et des dysfonctionnements informatiques ont dû être surmontés. Ainsi, la mise en place du passeport biométrique a occasionné des files d'attente en mairie à l'été 2009. Saluons le sens du service public, l'engagement et la résistance des personnels des préfectures qui ont traversé des moments difficiles, aux guichets, face à des usagers parfois impatients. Sans leur abnégation, la modernisation des préfectures aurait pu tourner à l'échec.
Pari hasardeux, au lieu d'évaluer d'abord les gains de productivité qu'apporteraient les nouvelles technologies, les effectifs, ont été considérablement diminués dès 2008, d'où des tensions extrêmement fortes dans les préfectures. Voilà bien les effets pervers de la révision générale des politiques publiques (RGPP), dont le seul effet sensible aura été la réduction des emplois. Ainsi, la préfecture du Rhône a supprimé 50 emplois temps plein sur un total de 2 090 en 2014, en créant en contrepartie 54 de vacataires et de contractuels. Des emplois précaires prennent ainsi en charge des activités de guichet, alors que les personnels vacataires n'ont ni la formation professionnelle, ni l'expérience ou le sens du service public du personnel qu'ils remplacent.
Certaines réformes aideraient sans doute les préfets. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui a atteint ses limites, doit être améliorée. Pourquoi, pour certains travaux immobiliers, le préfet de la région Aquitaine doit-il faire avec trois ou quatre BOP et comptes d'affectation spéciale (CAS) ? Pourquoi ne pas créer un BOP commun « Support immobilier régional » ? La gestion des agents en préfecture et dans les DDI est un casse-tête en raison des différences de statut. Les commissions administratives paritaires (CAP) sont organisées par l'administration centrale à des dates différentes selon les ministères et les catégories. Déconcentrons la gestion des CAP pour les agents de catégorie B et C.
Quel est l'avenir des sous-préfectures ? Mieux aurait valu leur laisser l'activité de délivrance de titres plutôt que de confier les passeports aux mairies, sur la base d'un volontariat sujet à caution.
Comme tel n'a pas été le choix retenu, la question de la pérennité de certaines sous-préfectures doit être abordée dans la concertation et en tenant compte des spécificités des territoires, notamment ruraux ou de montagne. La fusion de plusieurs arrondissements et le regroupement des services de l'État dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle ont été annoncés le 4 juillet. D'ici 2016, le nombre d'arrondissements dans le Bas-Rhin passera ainsi de treize à huit. La sous-préfecture de Wissembourg sera absorbée par celle de Haguenau. Les anciens chefs-lieux d'arrondissement accueilleront des permanences de service public et les bâtiments des sous-préfectures supprimées pourront accueillir des centres d'action sociale (CAS) ou des structures de formation. Les agents des sous-préfectures qui disparaissent seront redéployés, pour une économie, modeste, de 50 000 à 65 000 euros par an et par sous-préfecture. Les salaires des sous-préfets économisés seront reversés au budget général de l'État.
Que voulons-nous faire de nos préfectures, quelles missions doivent incomber aux préfets ? Un effort de redéfinition des missions de l'État est nécessaire. Le malaise qu'éprouve le personnel des préfectures trouve aussi sa cause dans l'absence d'une ligne d'horizon claire. La réforme en cours de la carte de nos régions ajoute à la complexité de cette réflexion. Elle implique en effet une adaptation des structures de l'État déconcentré. Remettra-t-elle en question la place et le rôle des préfets de département ? Après le président de la République, le ministre de l'intérieur a récemment évoqué leur montée en gamme. L'accroissement de la taille des régions pourrait conduire à un renforcement de la présence de l'État à l'échelon départemental. Mais, comme l'a souligné Daniel Canepa, ancien préfet de la région Île-de-France, ce renforcement réclamera des moyens, y compris humains. Il en va de même des directions départementales : la direction de la cohésion sociale souffre depuis l'origine du départ des médecins vers les ARS.
Ainsi, la modernisation des préfectures est loin d'être achevée. Leur évolution est nécessaire pour garantir une présence forte et dynamique de l'État dans les territoires. Leurs moyens et leurs missions doivent donc demeurer l'objet des travaux de notre commission.