Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 13 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « écologie développement et mobilité durables » compte d'affectation spéciale « aides à l'acquisition de véhicules propres » compte d'affectation spéciale « services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et budget annexe « contrôle et exploitation aériens » - examen des rapports spéciaux

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial :

Je vous présente les crédits des « transports » et plus précisément les programmes 203 « Infrastructures et services de transports » et 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission Ecologie, je suis donc co-rapporteur de cette mission avec Jean-François Husson et Vincent Capo-Canellas. Je rapporte également les crédits du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

Comme l'année dernière, ce budget est perturbé par la saga de l'écotaxe.

Vous le savez l'écotaxe devait être affectée à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France - l'AFITF - à hauteur de 800 millions d'euros par an.

Mi-octobre, la ministre de l'écologie a annoncé sa suspension sine die.

Le 29 octobre, nous avons auditionné Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, qui ne s'était pas prononcé sur le devenir de l'écotaxe.

Le 30 octobre, lors des questions d'actualité au Sénat, le même Alain Vidalies, en réponse à une de mes questions, annonçait la résiliation du contrat liant l'État à la société Ecomouv'.

Désormais faute de moyens pour la recouvrer, l'écotaxe est de facto abandonnée même si le Gouvernement n'a jamais officiellement assumé cette décision. En théorie, elle existe toujours dans le code des douanes. Elle n'a donc pas disparu de notre ordre juridique. En pratique, nous savons ce qu'il en est...

Or cette décision emporte deux conséquences.

La première, c'est le paiement d'une indemnité de résiliation à Ecomouv', qui pourrait s'élever à 830 millions d'euros.

Pour l'instant, le Gouvernement fait des circonvolutions, explique que le contrat n'est pas constitutionnel ; qu'il va négocier avec Ecomouv' ; qu'il n'exclut pas d'aller devant les tribunaux...

Cette méthode me paraît préjudiciable à l'image de l'État et de la France en général. Il n'est pas bon, dans un pays démocratique comme le nôtre, que l'État donne l'impression qu'il veut se soustraire à ses engagements contractuels pour des motifs fallacieux.

J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à de nombreuses reprises sur le sujet. Que le contrat soit ou ne soit pas constitutionnel est un faux problème car il ne concerne que l'État. Ecomouv' reste légitime à demander l'application stricte du contrat et donc le paiement de l'indemnité de résiliation. Si encore l'État avait mis en avant des reproches sur la technologie livrée par Ecomouv', il aurait pu apparaître crédible, mais, là, ce n'est pas sérieux.

En attendant, le Gouvernement tergiverse et refuse d'inscrire cette somme sur le budget 2015 et pas plus d'ailleurs sur le budget rectificatif pour 2014.

C'est pourquoi, j'estime que le budget des transports est frappé d'insincérité et c'est la raison pour laquelle je vous appellerai également à rejeter les crédits de la mission « Écologie ».

L'autre conséquence de l'abandon de l'écotaxe, c'est la nécessité de trouver des ressources de substitution pour l'AFITF. L'article 20 du projet de loi de finances pour 2015 lui affecte la hausse de 2 centimes des taxes sur le diesel pour les véhicules légers et la hausse de 4 centimes des mêmes taxes sur les poids lourds, pour un montant total de 1,2 milliard d'euros.

Ainsi, pour 2015, l'Agence est assurée de disposer d'un budget au moins égal à celui de 2014 - 1,9 milliard d'euros - et qui pourrait même atteindre 2,24 milliards d'euros si l'on en croit les propos de la ministre tenus hier devant l'Assemblée nationale.

Voilà pour 2015... Malheureusement, cette affectation est temporaire et laisse entière la question du financement de l'AFITF à partir de 2016. Raison pour laquelle, la commission des finances a adopté hier un amendement du rapporteur général demandant un rapport sur ce sujet.

Comme les années précédentes, je ne peux que constater la difficulté à lire ce budget. Environ 3,2 milliards d'euros de crédits sont inscrits sur le programme 203. Auxquels s'ajoutent environ 2 milliards d'euros de fonds de concours. Un fonds de concours est une technique budgétaire permettant à un tiers de verser des fonds pour concourir à une dépense du budget général.

Ainsi, sur ce budget, les 2 milliards d'euros de fonds de concours sont apportés par l'AFITF et les collectivités territoriales pour participer à certains projets d'infrastructures déterminés.

Enfin, l'AFITF peut financer des infrastructures sans passer par le programme 203, notamment dans le domaine ferroviaire.

Je ne vous cache pas que devant cette situation, je me suis interrogée sur l'utilité de l'AFITF. La Cour des comptes, qui plaide pour sa suppression, a bien démontré qu'il s'agit d'un opérateur transparent.

L'État lui affecte des taxes puis elle reverse 60 % de son budget à l'État, sous forme de fonds de concours.

En outre, lors de l'examen du projet de loi de finances, nous ne disposons pas de son budget initial. D'une part, les montants inscrits en fonds de concours sont évaluatifs ; d'autre part, je ne sais pas quels projets elle compte financer en 2015 sur la partie qui ne transite pas par le budget de l'État.

L'AFITF ne serait-elle pas une fiction d'un point de vue budgétaire, dont le principal mérite serait de permettre une sanctuarisation des crédits ? Cet opérateur présente en effet bien des inconvénients d'un point de vue budgétaire.

Mais je n'oublie pas que le Sénat est à l'origine de sa création et qu'il présente l'intérêt de mettre autour de la table des personnes d'horizons divers qui sont, de mon point de vue, plus à même de prendre des décisions éclairées sur les priorités en matière d'infrastructures.

La contrepartie, c'est une forme de débudgétisation et donc une portée amoindrie de l'autorisation parlementaire lors du vote du projet de loi de finances.

Par ailleurs, les comptes de l'AFITF connaissent un déséquilibre inquiétant. Depuis sa création, elle a engagé 34 milliards d'euros. À ce jour, elle doit encore mandater 15,83 milliards d'euros.

Le Président de l'Agence nous a dit qu'elle commençait à ne plus être capable de faire face aux rythmes des paiements. Elle a ainsi constitué une dette de plus de 700 millions d'euros vis-à-vis de RFF, qu'elle compte résorber en trois ans.

Dans un contexte où nous ne savons pas quelles seront ses ressources, je ne peux donc appeler qu'à la prudence en matière d'engagements nouveaux, en particulier les plus lourds d'entre eux.

En outre, deux projets énormes pourraient bientôt devoir être financés. Il s'agit du canal Seine-Nord Europe et du tunnel ferroviaire Lyon-Turin. La France compte en effet participer à l'appel à projets européens pour obtenir des subventions de l'Union européenne à hauteur de 40 %. Si ce pourcentage est très élevé, le reste à charge est de 60 %, c'est-à-dire plusieurs milliards d'euros pour chacun des projets, dont les plans de financement sont encore loin d'être arrêtés.

S'agissant du programme 203 proprement dit, les crédits sont stables, malgré une apparente diminution en 2015 compte tenu d'effets de périmètre.

Sur les 3,2 milliards d'euros, l'essentiel de la dépense est constitué par la subvention versée à RFF, d'un montant de 2,5 milliards d'euros.

Sur la période du prochain triennal, il est prévu que les crédits du programme restent stables.

J'en viens maintenant au programme 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture ».

Son enveloppe s'élève à 191 millions d'euros, principalement afin de financer des dépenses d'intervention, soit 125 millions d'euros.

Depuis plusieurs années et cette tendance devrait se poursuivre lors du prochain triennal, la dotation de ce programme est régulièrement diminuée. Entre 2014 et 2017, elle baisse de 6 millions d'euros.

Pour 2015, le programme connaît une légère baisse, mais, comme le reconnaît le ministère lui-même, la mise en réserve de 7 % des crédits en début d'exercice le conduira à faire des choix. Pour l'instant, la direction des affaires maritimes entend faire prévaloir les missions régaliennes et de sécurité assurées par l'État en mer.

J'en viens enfin au compte d'affectation spéciale au nom improbable « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ». Ce compte porte les crédits destinés à financer les trains d'équilibre du territoire, c'est-à-dire une quarantaine de lignes structurellement déficitaires dont l'exploitation est assurée par la SNCF sous l'autorité de l'État.

Historiquement, la SNCF assurait une péréquation interne entre ses TGV, excédentaires, et ses trains Corail, déficitaires.

Depuis 2010, un règlement européen a conduit l'État à « externaliser » cette péréquation. Concrètement, l'État prélève des taxes sur les sociétés opérant des trains de voyageurs, qui permettent de financer les trains d'équilibre du territoire. À terme, cette organisation a été mise en place en vue de l'ouverture à la concurrence des trains de voyageurs. Pour l'instant, il s'agit surtout de prélever de l'argent à la SNCF pour le lui reverser.

Au total, les trains d'équilibre du territoire représentent un budget de 309 millions d'euros, dont 118 millions d'euros au titre du matériel roulant. Constatant l'état de vétusté de ce matériel, le Gouvernement a annoncé une première tranche de renouvellement pour un montant de 510 millions d'euros.

Pour conclure, comme je vous le disais, la politique de l'autruche que pratique le Gouvernement au sujet de l'écotaxe justifie ma décision de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission Écologie.

Tant que le Gouvernement n'aura pas proposé de supprimer clairement l'écotaxe, d'une part, et tant qu'il n'aura pas inscrit dans le budget une ligne de 830 millions d'euros pour financer la résiliation du contrat Ecomouv', d'autre part, il ne me sera pas possible de considérer que ce budget est sincère.

Si le ministre s'est engagé à ce que l'AFITF ne paye pas les 830 millions d'euros, où sont-ils alors inscrits ?

S'agissant du compte d'affectation spéciale, je propose que nous adoptions les crédits.

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