Intervention de Anne Paugam

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 juin 2014 : 1ère réunion
Proposition de contrat d'objectifs et de moyens entre l'etat et l'afd pour la période 2014-2016 — Audition de Mme Anne Paugam directrice générale de l'afd

Anne Paugam, directrice générale de l'AFD :

Le COM donne à l'AFD un cadre stable et clarifié pour les trois prochaines années : l'objectif global s'élève à 8,5 milliards d'euros d'engagements en 2016 et les fonds propres de l'Agence seront renforcés.

Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) de l'an dernier nous a engagés à contribuer à l'émergence de nouveaux équilibres dans la mondialisation. Cette vision du financement du développement au XXIe siècle se traduit par une stratégie : nous appuyer sur les trois dimensions du développement durable, à savoir l'économie, le social et l'environnemental. Le COM a fixé des objectifs de contribution à chacune d'entre elles, avec des indicateurs synthétiques qui appellent d'ailleurs un travail méthodologique. En outre, 50 % des financements octroyés par l'AFD devront avoir un cobénéfice climat positif, qu'ils concernent le développement urbain, les infrastructures ou l'agriculture. De même, nous aurons à déployer le « second avis développement durable » sur un périmètre plus étendu.

Cette stratégie se décline différemment selon les régions du monde afin de tenir compte des niveaux de développement et des relations que nous entretenons avec les pays concernés. Le COM réaffirme la concentration de la ressource publique en faveur du continent africain : 85 % de l'effort financier - subventions et bonification des prêts - devront être alloués à l'Afrique et à la Méditerranée. En outre, les deux tiers des dons ou subventions devront aller aux seize pays pauvres prioritaires et, pour 15 %, aux pays fragiles ou en sortie de crise, on trouve dans cette catégorie l'Afghanistan, Haïti et les territoires autonomes palestiniens.

Pour l'Asie et l'Amérique latine, notre mandat de croissance verte est axé autour de la notion d'intérêts réciproques. Le COM nous impose de contribuer à l'agenda environnement-climat avec plus de 50 % des financements ayant un cobénéfice climat. Il nous faut développer des partenariats économiques, notamment en matière de développement urbain, de transports collectifs, de gestion des déchets, d'eau et d'assainissement ou encore d'énergie. Nous intervenons dans ces pays avec des prêts peu ou pas bonifiés, c'est-à-dire sans peser sur les contribuables français.

Sur un budget de 7,8 milliards, l'AFD mobilise en 2013 1,5 milliard pour l'outre-mer français. Le COM favorise l'insertion de ces territoires et départements dans leur environnement régional, en fait la tête de pont de la projection de la France dans leur zone géographique en favorisant le développement durable.

Le COM prévoit un accroissement modéré de nos financements, qui passeraient globalement de 7,8 milliards en 2013 à 8,5 milliards en 2016, sans faire appel davantage au budget de l'Etat, l'essentiel de nos ressources étant levé sur les marchés. Le COM souhaite également accroître la part des financements non souverains, c'est-à-dire des financements accordés aux collectivités locales et aux entreprises publiques ou privées. Ces financements sont en effet plus vertueux qu'un prêt souverain rétrocédé, car verser directement les prêts à la structure qui réalise le projet implique de les accompagner en aval et en amont.

Parmi ces financements non souverains, ceux de Proparco s'élèvent à un milliard. Proparco, comme l'AFD d'ailleurs, respecte les lois et règlements, ne participe pas à des fonds d'investissement logés dans des pays figurant sur les listes noires établies par le code général des impôts et par le Forum de l'OCDE. Le groupe AFD s'interdit de financer des structures logées dans ces juridictions et n'y ayant pas d'activité réelle. En revanche, lorsque nous voulons aider des entreprises, en particulier des PME, en rassemblant des investisseurs d'horizon divers, nous pouvons participer à la création de structures d'intermédiation sous forme de fonds d'investissement, qui favorisent le financement du développement en Afrique. En France, les fonds d'investissement ou fonds communs de placement à risque (FCPR) sont fiscalement neutres ; à l'échelle internationale, où il n'existe pas de structures identiques, certains pays se sont dotés de législations permettant également d'éviter la double imposition. Au total, nous respectons scrupuleusement la loi. Rien de ce que vous avez pu lire ne contredit cela.

Le COM nous demande d'accroître ces activités, parce qu'elles constituent l'une des dimensions de la croissance. Nous voulons aider le secteur privé pour relancer l'économie et accroître les bases fiscales des Etats.

Le COM confirme que l'AFD doit proposer des financements en faveur du développement, mais aussi apporter de l'expertise et de la capacité de dialogue. Cela passe d'abord par l'innovation au service des partenariats. L'objectif 15 nous appelle à imaginer de nouvelles modalités d'intervention, comme l'entreprenariat social ou l'économie sociale et solidaire. Nous avons testé cette année le Fonds d'investissement pour les collectivités territoriales pour que nos collectivités puissent financer leurs homologues dans les pays en développement. Nous renforçons aussi nos partenariats avec les autres bailleurs de fonds : un fonds en faveur de la Centrafrique est en cours de création et la Commission européenne a repris ce projet à son compte, ce dont je me réjouis car il importe de construire une architecture européenne de l'aide.

Le COM nous impose de maintenir le haut niveau de notation RSO atteint en 2013 (A+ sur la grille GRI), et de renforcer le suivi des objectifs ainsi que la transparence. De nombreux indicateurs ont été prévus à cet effet. Ils figureront dans le document d'analyse stratégique qui sera présenté au conseil d'administration chaque année, avec les treize indicateurs ex post d'impact de développement validés lors du Cicid de juillet 2013.

Le COM nous demande également de publier au standard international les données sur les seize pays pauvres prioritaires et de déployer la nouvelle politique d'évaluation adoptée à l'automne 2013 par le conseil d'administration.

L'Agence étant un opérateur bilatéral, il est légitime qu'elle porte les priorités de la France. Il est logique que nous promouvions les savoir-faire français, ce qui implique de dialoguer avec les entreprises. Ainsi, avec une centaine d'entre elles, nous avons animé un atelier sur la ville durable. Nous avons également développé des partenariats avec des partenaires institutionnels et bancaires français comme Ubifrance ou la BPI. Nous pouvons de la sorte mieux répondre à la « demande de France », en particulier en Asie ou en Amérique latine où nos interlocuteurs veulent diversifier leurs partenariats. Bien entendu, nous restons dans le cadre de notre mandat : nous ne sommes pas une banque du commerce extérieur.

L'an dernier, un fonds d'expertise technique (Fexte) a été créé afin de mettre en rapport les pays en voie de développement avec des porteurs d'expertise français, privés et publics, avec de organismes tels que l'Ademe, par exemple. Pour exercer une influence indirecte, nous accompagnons ainsi la production de normes afin d'anticiper sur les appels d'offres. Grâce aux 20 millions d'euros que le ministère des finances nous a confiés pour le Fexte, nous pouvons financer de l'expertise, mission qui se distingue clairement de celle de la nouvelle agence française d'expertise technique internationale (Afeti) qui sera l'opérateur de l'expertise publique française à l'international. Nous pourrons mobiliser l'Afeti mais le Fexte ne doit pas, à notre sens, être détaché de l'AFD.

Nous souhaitons aussi renforcer les clauses RSE (responsabilité sociale des entreprises) dans nos appels d'offres. En 2013, une dizaine de projets pilotes en ont bénéficié.

L'influence indirecte s'exprime également grâce à la production de connaissance et aux partenariats avec les instituts de recherche européens et internationaux, les think tanks.

La diplomatie écologique occupe une place majeure lors du financement de projets qui ont des cobénéfices climat positifs. En vue de la négociation de la COP 21 en 2015 à Paris, cet axe sera important. Les bailleurs de fonds pourront ainsi s'engager dans des projets positifs en matière climatique.

Le COM tient compte des spécificités de l'AFD, qui est à a fois un EPIC et un établissement de crédit spécialisé, dont le budget de fonctionnement et les charges sont entièrement financés par ses ressources propres, si bien qu'elle ne pèse pas sur le budget de l'Etat. Cet établissement est contrôlé par l'Autorité de contrôle prudentiel et sans doute bientôt par l'Autorité européenne, puisque son bilan devrait dépasser 30 milliards d'euros dans les prochaines années.

Le COM rappelle que la direction générale est responsable de la gestion et qu'elle doit atteindre des objectifs de résultats et de maîtrise les charges. Le coefficient d'exploitation, qui fixe le rapport entre le volume des charges et celui des recettes, devra s'améliorer.

Les fonds propres seront renforcés, conformément au modèle autoporté traditionnel (l'AFD générant par son résultat net mis en réserve la hausse des fonds propres nécessaire à la croissance de son activité de prêts) et retenu dans l'arbitrage de fin 2013 : l'AFD pourra ainsi poursuivre le développement de son activité. Le statut juridique des 840 millions d'euros de dettes de l'AFD à l'égard de l'Etat (ressource à condition spéciale du Trésor) sera modifié entre 2015 et 2017 ; leur passage du TIER 2 au TIER 1, à une dette très subordonnée, n'aura pas d'impact maastrichtien, mais, il est vrai, affectera la norme de dépenses de l'Etat.

L'Etat s'engage également à réduire la distribution du résultat et revient au principe de la mise en réserve de 80 % du résultat de l'Agence - entre 2014 et 2016 selon la lettre du ministre des finances, mais le bleu de Matignon ne fixe pas de limite dans le temps. Les besoins de mise en réserve, qui seront revus en 2016, devraient demeurer au même niveau. Grâce à ce modèle, nous atteindrons 8,5 milliards d'engagements en 2016, ce qui constitue un élément de confort important. L'AFD pourra reprendre son activité dans les pays comme le Maroc ou la Tunisie où elle était jusqu'à présent bloquée par le ratio de limite grands risques de 25 %. En 2013, nous avons ainsi connu une année blanche au Maroc. D'autres pays étaient menacés : le Viêt-Nam en souverain, l'Afrique du Sud en non souverain.

Pour les années à venir, les charges externes devront baisser de 1,5 %, alors que le nombre des projets augmentera de 15 % à 20 % par an. Nos équipes auront donc à réaliser un gros effort de productivité.

Contrairement au précédent COM, celui-ci ne comporte pas d'annexes chiffrées car nous ne disposons pas du triennum budgétaire. Nous faisons l'hypothèse de la stabilité des enveloppes de dons et du coût de la bonification des prêts.

Je voudrais terminer cette présentation par quelques rappels chiffrés permettant de mesurer concrètement nos actions. En 2013, 450 000 enfants supplémentaires ont été scolarisés grâce à nos financements, près de 900 000 exploitations agricoles familiales ont été accompagnées et 1,5 million de personnes ont accédé à l'eau potable.

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