Intervention de René Beaumont

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 juin 2014 : 1ère réunion
Approbation de l'accord entre la france et la serbie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de René BeaumontRené Beaumont, rapporteur :

Monsieur le Président, mes chers collègues, l'accord que je vous présente vise à donner un cadre juridique à la coopération franco-serbe dans le domaine de la défense pour les dix prochaines années. Il s'inscrit dans la droite ligne de l'accord de partenariat stratégique et de coopération signé le 8 avril 2011 par la France et la Serbie, qui visait à relancer les relations bilatérales entre nos deux pays.

A titre liminaire, je rappellerai que la Serbie est, avec une armée d'environ 25 000 hommes dont 22 000 dans l'armée de terre et un peu plus de 3 000 hommes dans l'armée de l'air, la première puissance militaire des Balkans. La France, sans être son premier partenaire pour la coopération en matière de défense, est pour la Serbie un partenaire qui compte, avec qui elle est désireuse d'entretenir une relation suivie. Plus généralement, la France est perçue en Serbie comme une alliée, un soutien - notamment dans sa démarche d'adhésion à l'Union européenne - qui fait un peu contrepoids au traditionnel soutien allemand à la Croatie.

Le contenu du présent accord est tout à fait classique. Il comprend, d'une part, des dispositions concernant les procédures de coopération, d'autre part, des dispositions relatives au statut des forces.

En ce qui concerne les dispositions relatives aux procédures, l'accord énumère les neuf domaines dans lesquels les actions de coopération peuvent intervenir : politique de défense et de sécurité (qui, côté français, intéresse la délégation aux Affaires stratégiques), l'organisation et le fonctionnement des forces armées, recherche et développement en matière d'armement et d'équipement militaire, missions de maintien de la paix et humanitaires, formation (avec notamment une place réservée pour la Serbie à l'Ecole de guerre), défense civile, topographie et cartographie militaires, droit militaire et médecine militaire.

L'accord précise également les formes que peut prendre la coopération : échanges, visites, actions de formation, participation à des exercices militaires... Il est à noter que si l'accord prévoit la possibilité d'envoyer des coopérants, comme cela a été le cas dans un passé récent (présence d'un officier français dans les structures de l'état-major serbe entre 2008 et 2012, présence d'un deuxième coopérant entre 2010 et 2012 pour assurer la formation à l'utilisation du simulateur de combat Janus), cette formule n'est désormais plus privilégiée pour des raisons budgétaires, la préférence étant donnée à des missions d'expertise courtes.

La définition de la politique de coopération incombera à une commission militaire mixte franco-serbe, qui sera coprésidée par un officier de chaque partie et comprendra notamment les attachés de défense. Cette commission, appelée à se réunir en tant que de besoin, établira pour chacun année un plan de coopération, dont elle examinera la réalisation une fois l'année écoulée.

L'accord définit par ailleurs les règles de partage des charges financières selon un schéma classique.

Enfin, point important, l'accord ne prévoit pas de clause d'assistance en cas de menace ou d'agression extérieure, ni de crise interne. Il spécifie, au contraire, que les membres du personnel de l'Etat d'origine ne peuvent être associés à des opérations de guerre ou de rétablissement de l'ordre de l'Etat d'accueil, ni à toute action qui a trait à l'exercice de la souveraineté nationale.

Le second type de dispositions vise à définir, comme je l'ai dit, un statut des forces, c'est-à-dire un ensemble de règles s'appliquant aux personnes d'un Etat présentes sur le territoire de l'autre Etat partie. Il s'agit, dans le cas présent, de dispositions transitoires, qui s'appliqueront jusqu'à ce que la Serbie ratifie la convention dite « SOFA PPP », qui définit le statut des forces des Etats membres de l'OTAN ou participant au Partenariat pour la Paix de l'OTAN.

Rappelons, à ce propos, que la Serbie n'est pas membre de l'OTAN et ne souhaite pour l'instant pas le devenir, étant encore fortement marquée par les bombardements qu'elle a subis lors de l'intervention armée de l'Alliance atlantique en 1999. Néanmoins, elle a rejoint le Partenariat pour la Paix en 2006 et a récemment signé la convention SOFA PPP, qui doit encore être ratifiée. Dans cette attente, les dispositions du présent accord fixent un statut équivalent en ce qui concerne, par exemple, les modalités d'entrée et de sortie du territoire, la procédure disciplinaire applicable, les soins médicaux, les constats de décès, les règles de compétence en cas de litiges...

Quels sont les enjeux de cet accord?

De manière générale, tout d'abord, il permet de renforcer les liens militaires entre la France et la Serbie qui sont anciens. Puisant leurs racines dans l'histoire (les Serbes se plaisent à évoquer la fraternisation de nos troupes sur le front d'Orient pendant la première Guerre Mondiale), ces relations s'étaient développées à la faveur de la « normalisation » de la Serbie après les guerres des Balkans des années 90, à compter de la signature d'un premier plan de coopération en 2004 : actions de formation, échange de coopérants et, récemment, travail en commun dans le cadre de la mission européenne ATALANTE de lutte contre la piraterie maritime. De ces diverses expériences, il ressort que la compétence militaire de la France est très respectée en Serbie. Plus largement, ce renforcement de nos relations bilatérales participe de la réintégration de la Serbie dans la communauté internationale et contribue donc à la stabilisation à long terme de cette région sensible que sont les Balkans.

Au-delà de cet enjeu d'ordre général, je mentionnerai trois enjeux plus spécifiques.

Le premier est que cet accord, en définissant un cadre juridique d'ensemble, va permettre d'alléger considérablement les procédures contractuelles entre nos deux pays, avec, à la clef, des gains de temps et d'efficacité. Actuellement, en effet, chaque action de coopération (soit une vingtaine d'actions par an en moyenne) donne lieu à un accord qui implique des validations à tous les niveaux, ce qui allonge considérablement les délais ; une fois le présent accord international ratifié, beaucoup de sujets pourront être traités par des arrangements au niveau local.

Le deuxième enjeu spécifique est que cet accord facilitera la coopération dans le champ opérationnel et donc les missions communes. Il s'agit d'un enjeu important car la Serbie dispose de compétences techniques et de savoir-faire appréciés dans de nombreux domaines (déminage, forces spéciales, médecine militaire...). En outre, elle se montre très volontaire pour participer à des opérations extérieures, comme en témoigne l'effectif qu'elle met actuellement à disposition : de l'ordre de 200, dont une très grande partie dans le cadre de l'ONU. Il faut également souligner l'investissement qu'a représenté pour ce pays sa participation, très appréciée, à l'opération ATALANTE, pour laquelle elle a financé au début de cette année 2014 le déploiement d'une équipe autonome de protection des navires, soit 12 personnes, avec l'appui de la France. Il y a là de vraies perspectives de travail en commun que l'accord favorisera et dont la France ne peut que bénéficier dans le cadre de ses interventions sur des théâtres extérieurs.

Le troisième enjeu est la coopération en matière d'armement, qui se traduit déjà par des rencontres entre la direction générale pour l'Armement et son homologue serbe, la participation à des salons, la réalisation de prestations de conseils... Ce volet est l'occasion pour les entreprises françaises d'armement d'entretenir des relations avec la Serbie, par exemple pour la fourniture de pièces pour hélicoptères, la maintenance des équipements ou encore en matière de communications. Les besoins de rénovation et de remplacement des matériels sont importantes, la Serbie disposant d'un parc pléthorique, disparate et vieillissant, hérité de l'ex-Yougoslavie. Or, il faut rappeler la modestie du budget d'investissement : 40 millions d'euros par an, sur un total de 523 millions d'euros consacrés à la défense. Et la Serbie connaît actuellement des difficultés budgétaires, récemment aggravées par les récentes inondations.

En conclusion, j'indiquerai qu'il est largement temps de ratifier cet accord, signé le 7 avril 2011 et ratifié par la Serbie dès décembre 2011. En ce qui concerne la France, sa ratification a été votée par l'Assemblée nationale le 27 juin 2013.

Je vous propose donc d'adopter le projet de loi de ratification du présent accord. Il sera examiné par le Sénat en séance publique le mardi 24 juin 2014 à 14 h 30, selon la procédure simplifiée.

À l'issue de la présentation du rapporteur, la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.

Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.

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