Intervention de René Beaumont

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 juin 2014 : 1ère réunion
Approbation du protocole entre la france et la serbie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de René BeaumontRené Beaumont, rapporteur :

La présente ratification s'inscrit dans une démarche globale de la France, visant à étendre son réseau conventionnel en matière de coopération entre Etats, pour lutter contre l'immigration clandestine. Ces accords sont nombreux.

Ainsi, point suivant de l'ordre du jour, un accord similaire à celui relatif à la Serbie, mais signé avec le Kosovo, sera soumis à votre approbation. C'est pourquoi, nous avons décidé, avec mon collègue rapporteur Christian Cambon, de procéder à l'examen des deux textes dans un seul rapport.

Le premier accord qui nous intéresse est donc le protocole d'application, d'un accord communautaire de réadmission, conclu avec la Serbie, le 18 septembre 2007 et entré en vigueur le 1er janvier 2008. Le Protocole franco-serbe a été signé le 18 novembre 2009.

A titre liminaire, je souhaite insister sur le caractère nécessaire de tels traités.

Ces accords constituent d'abord une nécessité juridique

Ces accords obligent les Etats signataires à réadmettre leurs ressortissants ainsi que ceux des pays tiers ou apatrides, ayant transité sur leur territoire, lorsque ces personnes sont interpellées en situation irrégulière, sur le territoire de l'autre Partie.

Si le principe selon lequel un Etat doit réadmettre ses propres nationaux résulte du droit international coutumier, la mise en oeuvre des mesures d'éloignement requiert la conclusion d'un accord spécifique afin de faciliter le retour de ces personnes.

Rappelons par ailleurs, que ce retour doit être organisé dans de très brefs délais car la durée maximale de la rétention administrative en France est de 45 jours. C'est peu en comparaison de ce qui se passe chez certains de nos voisins européens. Ce délai est de 6 mois en Autriche, de 8 mois en Belgique et de 18 mois en Allemagne. Au-delà de cette durée, l'étranger que l'administration n'a pas reconduit doit être remis en liberté.

En outre, un véritable contrôle migratoire conduit à envisager le retour non seulement des ressortissants des Etats Parties mais également ceux de pays tiers ainsi que des apatrides, lorsqu'ils sont en séjour irrégulier sur le territoire d'une des Parties contractantes.

Or l'élargissement du domaine de coopération à la réadmission des ressortissants autres que ceux des Parties contractantes, n'est pas prévu par le droit coutumier international. Il requiert donc la conclusion d'un accord.

Ces accords sont de deux types, communautaire ou bilatéral.

L'objectif de l'Union européenne de combattre l'immigration clandestine a été institué en 1999 lors du sommet de Tempere. En 2005, l'Union a adopté le principe général de la mise en place d'une « approche équilibrée, globale et cohérente », dans un souci de gestion efficace de l'immigration tant illégale que légale.

Puis le programme de Stockholm, adopté en 2009, a notamment identifié comme priorités, le contrôle des frontières extérieures de l'Union et l'encouragement au départ volontaire des non citoyens de l'Union en situation irrégulière sur son territoire. L'accord serbe illustre cette politique communautaire.

En revanche, l'accord Kosovar, que vous présentera dans un instant mon collègue rapporteur Christian Cambon, relève, en l'absence d'accord communautaire, de la politique bilatérale.

Ces accords constituent également une nécessité politique

En l'espèce, la Serbie constitue principalement un pays de transit pour les migrants clandestins originaires d'Asie centrale comme le Pakistan et l'Afghanistan. On a pu constater aussi des mouvements migratoires en provenance de Libye, de Somalie et de Palestine, à la frontière serbo-macédonienne.

L'itinéraire de ces immigrés les conduit dans un premier temps en Turquie puis en Grèce. Ils poursuivent ensuite leur voyage via la région balkanique, rejoignent la Serbie, par la voie terrestre, dans des caches aménagées à bord de poids lourds pour enfin rejoindre la France ou un autre pays européen.

Les Serbes, quant à eux, sont exemptés de visa lors de leur entrée dans l'espace Schengen, depuis le 19 décembre 2009. Ils peuvent donc y entrer, y séjourner jusqu'à 90 jours sur toute période de 180 jours, et en sortir librement sans visa. Au-delà, leur maintien sur le territoire les place en séjour irrégulier. Cette politique de libéralisation des visas dans l'espace Schengen a été suivie d'un afflux massif de ressortissants serbes, notamment vers l'Europe du Nord.

Cette pression migratoire tend à s'accroitre modérément à la frontière française. Le nombre de mesures de non admission visant des ressortissants serbes a progressé de plus 16% en 2012 par rapport à 2011.

Toutefois le nombre d'interpellations de Serbes en situation irrégulière a diminué depuis 2008, de manière significative. On a enregistré 1 116 interpellations en 2008 contre 534 en 2012.

Le protocole d'application constitue un complément indispensable à la mise en oeuvre de l'accord communautaire dans les relations franco-serbes

Il porte notamment sur la désignation des autorités compétentes, les points de passage frontaliers, les conditions de mise en oeuvre de la procédure accélérée et les modalités du rapatriement sous escorte.

Ce texte est conforme à la pratique conventionnelle française et internationale de la protection des droits fondamentaux, telle que définie par la Convention européenne des droits de l'Homme de 1950, la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, amendée en 1967, et les traités internationaux concernant l'extradition, le transit, la réadmission des ressortissants étrangers et l'asile.

A titre d'illustration, le transit peut être refusé:

a) si le ressortissant du pays tiers ou l'apatride court un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ou à la peine de mort dans l'État de destination,

b) si le ressortissant du pays tiers ou l'apatride doit faire l'objet de sanctions pénales dans l'État requis ou dans un autre État de transit.

En outre, les risques de retours en chaine des ressortissants de pays tiers sont évités grâce à la directive « retour » du 16 décembre 2008, transposée en France par la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration.

Avant de conclure, je souhaiterais évoquer brièvement l'état d'avancement des projets de renforcement de l'Etat de droit. Le nouveau plan d'action de 2012 des autorités serbes dans les domaines de la justice, de la sécurité et de protection des minorités n'a pas encore porté tous ses fruits.

La réforme judiciaire sur l'indépendance de la justice, la transparence du recrutement, l'efficacité des tribunaux, le combat contre la corruption et le traitement des détenus, a pris du retard en 2012.

S'agissant de la lutte contre la criminalité organisée, les progrès réalisés depuis 2012 n'ont pas encore pleinement permis de renforcer les capacités policières afin de mener à bien les enquêtes en matière de blanchiment et de criminalité financière.

Toutefois, la Serbie s'est engagée sur la voie du changement et affiche une volonté résolue de nouer des liens toujours plus étroits avec les pays membres de l'Union.

La conclusion du présent protocole constitue donc une nouvelle étape dans l'approfondissement de la coopération franco-serbe, en matière de lutte contre l'immigration illégale.

Il nous appartient donc d'achever le processus de ratification. C'est pourquoi, je vous propose d'adopter le projet de loi visant à ratifier l'accord, et de prévoir son examen en séance publique en forme simplifiée, le 24 juin après-midi.

À l'issue de la présentation du rapporteur, la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.

Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.

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