Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 juin 2014 : 1ère réunion
Approbation de l'accord entre la france et le kosovo relatif à la réadmission des personnes en séjour irrégulier et de son protocole d'application — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Christian CambonChristian Cambon, rapporteur :

Monsieur le Président, mes chers collègues, je prends le relai, après cette excellente présentation du protocole serbe par mon collègue René Beaumont, pour vous présenter le projet de loi n° 699 (2012-2013) autorisant l'approbation de l'accord franco-kosovar et son protocole d'application sur la réadmission des personnes en séjour irrégulier.

I. Les accords serbe et kosovar sont similaires. Le contexte qui a présidé à leur élaboration est néanmoins différent, en raison de la situation particulière du Kosovo.

En effet, mon collègue René Beaumont vous a présenté le cadre communautaire de la réadmission. En ce qui concerne l'accord kosovar, nous entrons dans la dimension purement bilatérale de cette politique.

En l'espèce, la conclusion d'un accord communautaire n'était pas envisageable, dans la mesure où cinq Etats membres de l'Union européenne, n'ont pas reconnu l'indépendance de ce pays, proclamée en février 2008. Il s'agit de l'Espagne, de la Roumanie, de la Slovaquie, de la Grèce et de Chypre.

Par ailleurs, la Serbie continue de revendiquer la souveraineté de ce territoire. Toutefois, elle a accepté d'ouvrir récemment un dialogue avec le Kosovo, sous l'égide de l'Union européenne, en 2011. Des accords techniques ont déjà été conclus, notamment sur la liberté de circulation et sur la gestion intégrée des frontières. Les deux pays ont également rétabli leurs échanges commerciaux.

95 États, dont la France, ont, en revanche, reconnu le Kosovo. Notre pays s'est par ailleurs impliqué activement dans la résolution des conflits le concernant, tout d'abord, en tant que membre du Groupe chargé de suivre la tutelle onusienne sur le Kosovo, puis, après 2004, lors des négociations sur son statut, menées par l'Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies.

Dans ce contexte, les autorités françaises ont donc accueilli favorablement l'initiative kosovare de conclure un accord bilatéral de réadmission, dès l'automne 2009.

La brièveté des négociations de l'Accord témoigne du fort engagement des deux parties de coopérer en matière d'immigration. Moins d'un mois s'est écoulé entre leur lancement et la signature. Aucun sujet de fond n'est venu entraver ces démarches.

Il m'a été précisé que « les autorités kosovares ont même fait preuve de flexibilité, en s'adaptant aux contraintes de la législation française et en acceptant de les intégrer dans l'accord, notamment en matière de délais de réponse aux demandes de réadmission ».

Quant au protocole d'application, il a été paraphé à Paris, le 18 février 2010.

II. Cet accord correspond à une double nécessité politique. Le Kosovo ne constitue pas seulement un pays de transit, comme la Serbie, pour l'immigration irrégulière, mais également un pays source.

Il apparaît qu'en dépit d'une certaine stabilisation de la situation dans ce pays depuis quelques années, une partie de la population kosovare continue à migrer, vers la France, pour échapper à un contexte politico-social difficile.

En effet, la proclamation de l'indépendance du Kosovo a conduit à réanimer les anciennes tensions envers les minorités, notamment rom et ashkalie. Ainsi, en 2011 et 2012, la nationalité kosovare a constitué la cinquième puis quatrième nationalité en termes de demandes d'asile.

Il apparaît que 80 % de ces demandeurs sont d'origine albanaise, les autres appartenant à des minorités, essentiellement de Roms puis, dans une moindre mesure, de Goranis.

Les Kosovars d'origine albanaise invoquent la crainte de persécutions de la part d'extrémistes qui les accusent de collaboration avec les Serbes, pendant de la guerre de 1999. Un certain nombre de demandes se réfèrent aussi à des motifs familiaux, tels que les violences conjugales et les mariages forcés.

Rappelons que les Kosovars sont, à ce jour, soumis à obligation de visa, afin d'entrer dans l'espace Schengen.

Le processus de libéralisation de la politique des visas est en cours d'élaboration depuis 2012. Il a atteint le stade des premières évaluations. Ces dernières concluent sur la nécessité pour le Kosovo de poursuivre ses efforts afin d'aligner sa législation sur l'acquis communautaire.

L'évaluation des impacts possibles d'une future libéralisation des visas en termes de migration et de sécurité est contrastée. Des progrès ont été réalisés en matière de gestion intégrée des frontières. En revanche, la capacité actuelle du Kosovo à lutter contre la criminalité organisée et la corruption s'avère limitée.

Une autre raison de coopérer avec le Kosovo en matière d'immigration est sa situation de carrefour des routes migratoires Est-Ouest et Sud-Nord. Les filières d'immigration clandestine ont désormais intégré le concept d'espace Schengen comme « zone globale » et non plus comme une juxtaposition d'Etats membres.

Comme la Serbie, ce pays représente donc une destination de transit pour les migrants, qu'ils soient originaires du Proche et du Moyen Orient, de l'Asie centrale (Afghans, Pakistanais, Iraniens, Irakiens, Syriens, Turcs, Palestiniens...), du continent asiatique (Bangladais) mais aussi d'Afrique subsaharienne et occidentale (Nigérians, Congolais ou Ivoiriens).

En termes statistiques, le bilan de l'immigration clandestine est contrasté. D'une part, le nombre d'obligations de quitter le territoire français a considérablement augmenté depuis 2008 même si peu d'entre elles sont exécutées : 294 obligations de quitter le territoire ont été conduites à leur terme sur les 2 154 prononcées, en 2013.

Autre indicateur, la pression migratoire kosovare semble avoir décru en 2012. Ainsi, le nombre de mesures de non admission visant des ressortissants kosovars a diminué de 15,4 %, cette année-là. Le nombre des interpellations de Kosovars en situation irrégulière a également régressé de 3 %.

Après ces observations, revenons au texte.

III. L'accord est non seulement conforme à la pratique conventionnelle française mais également à celle communautaire.

En effet, si on dénombre plus d'accords bilatéraux de réadmission que d'accords communautaires, les premiers sont similaires aux seconds.

Le contenu des accords tend à se standardiser, en raison de leur rédaction fortement inspirée du modèle d'accord bilatéral, adopté par le Conseil de l'Union, le 30 novembre 1994.

Outre les stipulations traditionnelles sur les modalités de preuve, les délais, les conditions du transit ou la procédure accélérée de réadmission, le texte contient des dispositions particulièrement protectrices des droits fondamentaux.

Tout d'abord, si un étranger, persécuté dans son pays d'origine, arrive en France par le biais du Kosovo, il ne sera pas réadmis, tant qu'il n'aura pas été statué sur sa demande d'asile ou de réfugié.

La mise en oeuvre de l'accord ne peut pas faire obstacle à l'application des dispositions de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ou de la Convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides.

Par ailleurs, l'Accord exige que la Partie requérante tienne compte de la volonté de l'intéressé d'être réadmis dans le pays de son choix, si ce dernier ne possède pas la nationalité kosovare.

En outre, en cas de « réadmission par erreur », le texte stipule que « la Partie requérante reprend en charge la personne réadmise par la Partie requise. »

L'accord de réadmission franco-kosovar et son protocole d'application constituent donc des instruments indispensables à la lutte contre l'immigration clandestine, dans le respect des droits fondamentaux des migrants.

C'est pourquoi, je vous propose d'adopter le projet de loi visant à ratifier l'accord, et de prévoir son examen en séance publique en forme simplifiée, le 24 juin après-midi.

À l'issue de la présentation du rapporteur, la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.

Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion