Au total, l'année prochaine, l'action stratégique « dissuasion » bénéficiera de près de 3,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 3,4 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), dont plus des trois quarts inscrits sur le programme 146. Du reste, comme vous le savez, la variation des crédits alloués à la dissuasion, d'une année sur l'autre, est à interpréter avec prudence, dans la mesure où les investissements dont il s'agit relèvent d'une programmation pluriannuelle sur un temps long.
Lors de l'élaboration de la LPM pour les années 2014 à 2019, nous avons marqué notre satisfaction de la décision du Président de la République de maintenir les deux composantes de la dissuasion - la composante aéroportée et la composante océanique -, et de les moderniser le moment venu. Néanmoins, nous avons aussi pris la mesure des conséquences de cette décision : dans une enveloppe budgétaire globale contrainte pour la défense, le simple maintien à niveau des crédits de la dissuasion exerce, en cas de difficulté, un effet d'éviction sur les autres programmes, en particulier sur la partie conventionnelle de l'équipement des forces et sur le soutien.
C'est l'un des enjeux qui apparaît, aujourd'hui, avec l'incertitude qui pèse, pour l'année prochaine voire au-delà, sur les REX attendues, officiellement, de la cession des fréquences hertziennes. Et je m'associe aux propos de mes collègues Jacques Gautier et Daniel Reiner sur la circonspection qu'appellent les solutions dites « innovantes », annoncées par le Gouvernement, pour pallier le retard d'encaissement de ces REX « hertziennes ».
Pour le reste, sur ce chapitre, je signale un évènement important, intervenu en 2014 : la mise en service du laser mégajoule, destiné à l'étude du domaine thermonucléaire et qui permet de reproduire, à très petite échelle, les phénomènes caractéristiques du fonctionnement d'une arme nucléaire. Ce programme de simulation, mis en oeuvre par le CEA, a permis de garantir, sans nouvel essai nucléaire, la tête nucléaire aéroportée du missile ASMPA (air-sol moyenne portée amélioré). Il doit permettre de garantir la tête nucléaire océanique du missile M51.
Deuxième point : sur l'espace militaire.
Les crédits en faveur du spatial militaire sont maintenus à un niveau satisfaisant. Ces crédits, du reste, connaissent de fortes variations, d'une année sur l'autre, qui sont liées en grande partie au lancement des programmes. Pour l'année prochaine, 152 millions d'euros sont prévus ; les trois quarts de ce budget bénéficieront au programme MUSIS, qui vise la réalisation du futur système européen d'observation spatiale militaire.
Je rappelle les priorités de nos armées en matière spatiale. Il s'agit, d'une part, des télécommunications ; la première capacité de COMSAT NG (communications par satellite de nouvelle génération) sera commandée l'année prochaine, en vue de remplacer les satellites Syracuse III en 2021 et 2022. Il s'agit, d'autre part, du renseignement ; cela concerne les domaines de l'imagerie optique et radar (où s'inscrit le programme MUSIS), l'écoute électromagnétique (avec notamment le programme CERES) et - même si le calendrier tend à se distendre sur ce dernier point, à la suite de l'achèvement du programme Spirale - l'alerte avancée pour la défense antimissile.
De manière générale, le secteur spatial est soutenu, depuis plus de cinquante ans, parce qu'il est considéré comme un enjeu de souveraineté et, à la fois, un enjeu scientifique, technologique et industriel essentiel. Le développement des technologies spatiales constitue en effet un véritable laboratoire d'innovations - pour la propulsion, la cryogénie, les moteurs, la connectique, les systèmes intelligents embarqués, etc. La France représente le deuxième investisseur mondial du secteur, derrière - certes, assez loin derrière - les États-Unis.
La période devrait inciter aux coopérations internationales. Les initiatives, d'ailleurs, sont nombreuses ; mais elles sont parfois difficiles à mettre en oeuvre.
Troisième et dernier point : sur les drones.
Quelques mots, d'abord, sur les drones MALE. Je rappelle que le ministre de la défense a finalement choisi d'acquérir des drones du type Reaper, fabriqué par General Atomics, nous nous en sommes réjouis. L'acquisition d'un premier système a été lancée à l'été 2013, pour un coût de 120 millions d'euros, y compris le coût de maintien en condition opérationnelle pour les deux premières années. La LPM 2014-2019 prévoit, sur la durée de la programmation, la livraison de quatre systèmes complets, comprenant chacun trois vecteurs.
Les deux premiers vecteurs du premier système ont été livrés et se trouvent actuellement utilisés au Mali, où ils ont fait franchir une marche significative dans la capacité opérationnelle de nos forces. La livraison du troisième vecteur est attendue pour la fin de l'année en cours, et celle d'un deuxième système complet pour l'année prochaine.
Les études se poursuivent pour les drones aériens futurs, à l'horizon 2020 et au-delà ; leur conception devrait être le produit d'une coopération européenne, à partir du démonstrateur technologique Neuron puis du programme Demon.
L'enjeu est fondamental, à la fois en termes capacitaire et sous l'aspect industriel. Les armées, aujourd'hui, ne peuvent plus se passer des drones MALE ; les opérations en Afghanistan et au Mali, avec les drones Harfang puis les Reaper, ont attesté que leur rôle est décisif. La France dispose en ce domaine de capacités industrielles, mais il lui est difficile de résister à la concurrence américaine ; ni l'expérience du drone Hunter ni celle de son successeur Harfang - l'un et l'autre une « francisation » de drones d'Israel Aerospace Industry, qu'ont menée, respectivement, Sagem et Airbus -, n'ont permis l'émergence d'une filière nationale en la matière.
Je finirai en évoquant les drones tactiques. Comme vous le savez, à l'horizon 2017, le système de drones tactiques dits « intérimaires » (SDTI), actuellement en service dans l'armée de terre, doit être remplacé par un système de drones tactiques (SDT) pérenne. La LPM 2014-2019 prévoit la livraison de 14 vecteurs de ce nouveau système sur la durée de la programmation. Afin de maîtriser les coûts, l'objectif est d'identifier une solution disponible « sur étagère », adaptée a minima.
L'élaboration du SDT a été lancée en août dernier, avec l'ouverture d'une compétition, sans publicité, pilotée par la DGA. Cette procédure d'appels d'offres répond au voeu que nous avions exprimé en vue de préserver les intérêts financiers de l'État et de fournir à l'armée de terre le matériel répondant au mieux à ses besoins opérationnels. Le lancement de la réalisation du SDT est prévu pour la fin 2015.
Dans le cadre du traité de Lancaster House, une évaluation du drone tactique Watchkeeper, qui est une « britannisation » par Thales UK d'un drone de la société israélienne Elbit, a été menée en France en 2012-2013, cette expérimentation permettant à l'armée de terre de tester des scénarios. Un autre compétiteur pour le marché est le Patroller de la société Sagem et, d'après les informations dont nous disposons, d'autres industriels sont également à l'origine d'une proposition à la DGA.
Malgré l'intérêt de l'armée de terre pour le projet, on peut s'interroger sur la réelle plus-value du SDT, dont les performances paraissent assez proches des systèmes de drones MALE. Cela dit, la filière mise en place par Sagem avec les drones Sperwer et Patroller est la seule filière industrielle de drones française - et même européenne - qui produit et crée des emplois.
Comme Jacques Gautier, je n'émets pas une appréciation négative sur les crédits inscrits dans le PLF 2015 pour le programme 146.