Conformément à notre habitude, et comme l'a indiqué notre collègue André Trillard, je me concentrerai quant à moi sur les crédits du renseignement, qui figurent dans l'action 3 du programme 144, et qui en représentent 20% du total, soit 268 millions d'euros de crédits de paiement. Au sein du programme 144 figurent les crédits de la DGSE et de la DPSD. La DGSE emploie environ 6 000 personnes. Elle est chargée de la sécurité extérieure ; par rapport à ses homologues internationaux, le service a pour particularité d'être intégré : il réunit le renseignement humain, technique et des moyens opérationnels. Ses missions sont connues : renseignement géopolitique, capacités de contre-espionnage, lutte contre la prolifération. Nous l'avons vu lors de la crise des attaques chimiques du régime syrien en août 2013 : c'est par exemple sur renseignement de la DGSE que la France a pu disposer de moyens d'appréciation autonomes et particulièrement étayés, que le ministre de la défense était d'ailleurs venu présenter à notre commission. Enfin, la lutte contre le terrorisme, qui est la grande priorité du moment, cela va de soi, et sur laquelle la DGSE travaille en lien extrêmement étroit avec la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
La malédiction bien connue de ce service est qu'on ne parle que de ses échecs ! Or cette année, des sources de presse apparemment bien informées, qui n'ont pas été démenties, ont indiqué que c'est sur un renseignement de la DGSE qu'a pu être éliminé -par une frappe américaine- le chef des Shebabs somaliens, Ahmed Abdi GODANE, le 1er septembre dernier. Les Shebabs étaient responsables de la mort de l'otage Denis ALEX et de ses camarades venus le délivrer dans une opération tragique que nous avons déjà évoquée. Je profite de cette occasion pour rendre un hommage très appuyé aux agents de la DGSE, qui prennent des risques pour notre pays, qui savent ne pas devoir attendre de reconnaissance publique, et dont personne ne peut douter de l'augmentation de la charge de travail, les moyens augmentant sans aucun doute moins vite que les crises...
Pour revenir aux chiffres, la loi de programmation a prévu que les services de renseignement relevant du ministère de la défense devraient bénéficier de la création d'environ 300 postes sur la période. Ce sera une cinquantaine en 2015 pour la DGSE. On aura créé 616 emplois en 5 ans, et ce sont encore 284 postes qui sont attendus d'ici 2019, conformément à la priorité donnée à la fonction « connaissance et anticipation ». On ne peut donc que s'en féliciter dans le contexte actuel que connait le ministère de la défense. Les services de renseignement croissent et « repyramident », au rebours de tous les autres du ministère de la défense.
Les recrutements concernent des personnels de haut niveau. Il existe à la DGSE une diversité statutaire avec 27% de militaires, 50% de fonctionnaires civils, et 23% de contractuels. L'objectif aujourd'hui est de continuer à diversifier les profils, par des recrutements tous très spécialisés, qu'il s'agisse d'analystes, de linguistes, d'ingénieurs télécom, de crypto-mathématiciens, de techniciens du signal....
En 2015, le budget de la DGSE hors crédits de personnel s'élèvera à 257 millions d'euros en crédits de paiement, contre 251 millions en 2014, soit +2,4%. L'essentiel, 219 millions d'euros, va à l'équipement. Il faut préciser, à cet égard, qu'une partie des moyens font l'objet d'une mutualisation avec les autres services de renseignement, notamment la DRM. À cette dotation, il faut ajouter la part des fonds spéciaux qui est allouée à la DGSE, leur montant total pour l'ensemble des bénéficiaires s'élevant à 50,2 millions d'euros.
Les crédits de fonctionnement de la DGSE, à 38 millions d'euros, sont en baisse, avec des économies importantes sur les frais unitaires de mission et sur le soutien. L'accroissement des frais liés à l'activité se poursuit toutefois, malgré la baisse des ratios unitaires, ce qui laisse, par déduction, entrevoir un certain accroissement du nombre de missionnaires sur les zones de crise. En résumé, le projet de budget de la DGSE pour 2015 traduit l'accentuation des moyens humains et techniques prévue par le Livre blanc de 2013. Cet effort se chiffre en dizaines de millions : il est certes significatif, il faut le saluer, mais il reste quand même modeste par rapport à l'ensemble du budget de la défense (le budget total de la DGSE représente environ 1% du budget de la défense) et il doit surtout être analysé comme un rattrapage que nous avons tous jugé nécessaire.
En matière de capacités techniques, en outre, le programme 146 « Equipement des forces » met en oeuvre des orientations de la loi de programmation militaire qui bénéficieront à la fonction connaissance et anticipation : programme de satellites d'écoute électromagnétique CERES, mise en service future des deux premiers satellites d'observation MUSIS, sans oublier naturellement les drones.
Toujours sur le renseignement, je voudrais dire un mot de la DPSD, la direction de protection et de sécurité de la défense, « service de sécurité interne » du ministère de la défense. Elle est chargée de rendre des avis sur les demandes d'habilitation des militaires, et elle assure la protection des installations, y compris sur les théâtres d'opérations extérieures, comme le Mali. Elle agit également, et c'est très important, au profit des entreprises liées à la défense, en matière de contre-ingérence et d'intelligence économique, pour protéger leur patrimoine scientifique et assurer la sécurité de nos systèmes. Vous voyez comme c'est vital.
À l'exact opposé de la DGSE, la DPSD avait perdu près d'un tiers de ses effectifs en dix ans, passant de 1 500 postes en 2003 à 1 100 actuellement. Cette diminution a porté essentiellement sur des personnels affectés à des tâches administratives de gestion des procédures d'habilitation des personnels. Ces procédures ont été entièrement numérisées, grâce au projet de dématérialisation SOPHIA, ce qui a permis de redéployer des postes vers les catégories A. Nous appelions de nos voeux depuis plusieurs années la stabilisation des moyens de la DPSD : c'est chose faite en 2015 et nous nous en félicitons.
L'organisation centrale et territoriale du service, qui dispose d'antennes sur l'ensemble du territoire, a également été rationnalisée en 2013. Ces évolutions sont très positives et il faut espérer que la nomination du général BOSSER, ancien directeur de la DPSD, comme chef d'état-major de l'armée de terre, soit un levier de visibilité pour cette direction et l'aide dans son entreprise de « montée en gamme » de ses recrutements.
Compte tenu de ces évolutions positives, s'agissant des crédits du renseignement dans le programme 144, je ne peux qu'inciter la commission à donner un avis favorable sur notre rapport.