Monsieur le Président, chers Collègues, vous m'avez fait l'honneur, depuis décembre 2008, de représenter le Sénat au sein du comité des prix de revient des matériels d'armement, le CPRA, instance consultative créée en 1966 et qui, en pratique, examine les conditions dans lesquelles se sont déroulés les programmes d'armement : leurs délais de réalisation, leur bilan financier, le degré d'atteinte de leurs objectifs. Placé auprès du ministre de la défense et présidé par un conseiller d'Etat, le CPRA comprend, notamment, un sénateur et deux députés. Chaque année, il établit un rapport d'ensemble, publié au Journal officiel ; l'habitude s'est prise que, tous les ans, je vous rende compte de ce rapport.
Cette année, le comité a produit son trente-sixième rapport d'ensemble, qui couvre son activité en 2013, laquelle a donné lieu à six séances plénières pour examiner, au total, sept rapports particuliers. La réalisation de systèmes d'armes placée sous l'égide de la direction générale de l'armement (DGA) a fait l'objet de quatre rapports. Ils ont visé, pour l'armée de l'air, les avions ravitailleurs C 135-KC 135 d'une part et le drone Harfang d'autre part, pour l'armée de terre, l'hélicoptère Tigre et, pour la marine, la frégate de défense aérienne Horizon. Aujourd'hui en service dans nos armées, ces matériels ont tous été utilisés dans les opérations extérieures où la France se trouve engagée. Par ailleurs, le CPRA a consacré un rapport à trois programmes autres que des systèmes d'armes : le programme d'études amont Spirale, concernant la détection de tirs de missiles, le programme transverse des données numériques géographiques et en trois dimensions et, enfin, le programme d'infrastructure de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne, à Toulon.
Je commence donc par les systèmes d'armes, et ce premier sujet : les avions ravitailleurs C 135-KC 135. Ces appareils ont fait l'objet d'une opération lancée dès 1962, dans le contexte de la réalisation de la force de dissuasion nucléaire. Il s'est agi d'une acquisition quasiment « sur étagère », sans expression détaillée du besoin, auprès de la firme Boeing : douze C 135 ont ainsi été achetés en 1962, et trois KC 135 en 1995. Mais la définition de l'avion, sur cette période, a évolué à plusieurs reprises, notamment pour ce qui concerne les réacteurs et le mode de ravitaillement, ainsi que pour traiter l'obsolescence de certains équipements qui avaient cessé d'être fabriqués. On notera que la petite taille de cette flotte - quinze appareils - limite l'ampleur des opérations extérieures qu'il est possible de mener de façon entièrement autonome : pour les opérations sur des théâtres lointains, la France doit faire appel aux capacités de ses alliés, pays européens ou Etats-Unis. Mais les C 135 et KC 135 sont très bien adaptés à leur mission, et ils ont donné satisfaction sur les théâtres extérieurs, notamment en Libye et au Mali récemment.
L'activité de ces appareils doit se poursuivre encore une dizaine d'années, les premiers retraits étant prévus pour intervenir en 2019 au plus tôt. Un marché de maintien en condition opérationnelle (MCO) a été passé en 2007, pour douze ans, afin d'attendre l'arrivée de la nouvelle génération d'aéronefs de ravitaillement et de transport, le MRTT.
Compte tenu de cette ancienneté, certaines données comptables ont fait défaut au CPRA pour reconstituer les coûts de l'opération. Au total, le coût de possession des avions C 135-KC 135 a été évalué entre 7 et 8 milliards d'euros, dont 1,9 milliard d'euros au titre du coût d'achat et près de 1,9 milliard pour les modifications successives déjà réalisées (ces chiffres étant établis aux conditions économiques de 2011), 1,3 milliard d'euros correspondant aux coûts futurs avant le retrait du service. Eu égard à la durée d'utilisation des appareils, soit une cinquantaine d'années, il est normal que le coût d'acquisition représente une part minoritaire - environ le quart seulement - du coût global de possession ; la part prépondérante de ce coût global tient aux modifications et surtout au MCO, selon un schéma classique.
Second dossier : le drone Harfang. Il s'agit d'un équipement de surveillance, reconnaissance et désignation d'objectif, de jour comme de nuit, qui a succédé au système Hunter. Il est commandé par satellite, par un opérateur qui peut être très éloigné, et il dispose d'une capacité moyenne altitude longue endurance (MALE). L'armée de l'air en détient quatre. Ces drones peuvent s'intégrer dans le trafic aérien. Ils ont été employés en Afghanistan, dès 2009, avant même d'avoir toutes leurs capacités, puis au Mali.
L'acquisition des Harfang a été plus longue que prévue : l'opération était initialement conçue comme proche d'un achat « sur étagère », et elle devait être réalisée en deux ans, entre 2001 et 2003 ; or elle s'est poursuivie jusqu'à la fin 2008, avec plus de cinq ans de retard, essentiellement parce que la difficulté technologique avait été sous-estimée. En outre, le refus des Etats-Unis d'autoriser l'utilisation de certains composants a retardé le déroulement du programme. De ce fait, le calendrier contractuel n'a pu être tenu par l'industriel, EADS-Cassidian (aujourd'hui Airbus Defence and Space), qui assurait en l'occurrence une « francisation » du drone Heron réalisé par la société Israel Aerospace Industry.
Le coût, initialement attendu à hauteur de 100 millions d'euros environ, a lui aussi été dépassé : le CPRA le chiffre à 440 millions d'euros, soit une multiplication par quatre du montant prévisionnel. La réalisation représente 163 millions d'euros, le soutien réalisé près de 100 millions, et les coûts de soutien et d'utilisation jusqu'en 2017 sont évalués à 120 millions. Cela dit, le coût global d'une heure de surveillance d'un drone est bien moins élevé que celui d'un avion de combat, dans la mesure où le drone assure une permanence longue, de l'ordre de vingt-quatre heures d'affilée, et ne nécessite pas d'avion ravitailleur. L'industriel a effectué, pour sa part, plus de 130 millions d'euros de dépenses propres, sans compter 18,5 millions d'euros qu'il a dû acquitter au titre de pénalités de retard.
Des travaux sont en cours pour maintenir les drones Harfang en service jusqu'en 2017. Ensuite, comme vous le savez, la capacité MALE doit être assurée par des drones Reaper : deux engins Reaper se trouvent déjà en service, et un troisième est attendu tout prochainement, sur la base aérienne de Niamey, au Niger. Les études se poursuivent pour les drones futurs, à l'horizon 2020 et au-delà ; leur conception devrait être le produit d'une coopération européenne.
Les armées, aujourd'hui, ne peuvent plus se passer des drones. Les opérations en Afghanistan et au Mali ont attesté que leur rôle est décisif. Or la France dispose en ce domaine de capacités industrielles, mais il lui est difficile de résister à la concurrence américaine. Ni l'expérience du drone Hunter, qui était une « francisation » par la société SAGEM d'un drone d'Israel Aerospace Industry déjà, ni celle du Harfang, n'ont permis l'émergence d'une filière nationale en la matière.
J'en arrive au troisième sujet qui a retenu le CPRA en 2013 : l'hélicoptère Tigre, qui équipe l'armée de terre. La définition des capacités de cet appareil, dont les travaux ont commencé fin 1978, est le résultat d'une coopération, difficile, entre la France et l'Allemagne, puis également avec l'Espagne. Les débuts ont été compliqués par le choix de travailler ensemble sur des produits différents - ce qui, du reste, ne favorise pas l'abaissement des coûts. Mais cette coopération a fini par déboucher sur une convergence : aujourd'hui, 85 % des aspects mécaniques du Tigre sont communs aux trois pays, les différences tenant principalement à l'avionique et à l'armement.
Le développement de l'appareil a été lancé en 1988, sa production en série en 1999. La réalisation est assurée, pour les cellules, par Eurocopter (devenu Airbus Helicopters), que ce programme a contribué à confirmer comme un industriel de premier plan, au niveau mondial, dans le domaine des hélicoptères ; le moteur est réalisé par MTR. L'hélicoptère recherché à l'origine devait offrir une capacité antichar (HAC) et un appui-protection (HAP), mais ce besoin a évolué avec le changement de contexte stratégique : en 2003, la France a abandonné le HAC et a retenu, outre l'appui-protection (HAP), une capacité d'appui-destruction (HAD). Les livraisons ont commencé en 2005 et sont planifiées jusqu'en 2019. La mise en service a été effectuée en 2012, mais un premier déploiement opérationnel avait eu lieu en Afghanistan dès 2009. L'emploi en opérations, notamment en Libye et au Mali, a permis d'apprécier les potentialités du Tigre. Son utilisation est prévue jusqu'en 2040.
Ce programme est l'un de ceux qui ont été touchés le plus fortement par les contraintes budgétaires. En 1987, l'objectif était d'acquérir 215 hélicoptères. Cette cible a d'abord été abaissée, en 2003, à 120 unités, puis, dans la loi de programmation militaire (LPM) pour 2009-2014, à 80 appareils. Elle est désormais fixée à 60 hélicoptères, soit une réduction de plus de 70 % de l'objectif initial : l'annexe à la LPM pour 2014-2019 prévoit en effet que 21 Tigre HAD soient livrés, d'ici à 2020, en complément des 39 appareils HAP déjà livrés (ces derniers doivent être mis progressivement au standard HAD). Dans ce contexte, la recherche de marchés d'exportation prend tout son sens.
Le développement du Tigre a coûté 1,1 milliard d'euros aux conditions économiques de 1987, soit un léger dépassement des prévisions, à hauteur de 80 millions d'euros, qui s'explique par l'évolution du besoin. Le coût de production, de son côté, représente près de 3,1 milliards d'euros aux conditions économiques de 1996, soit une diminution substantielle (44 %) par rapport aux prévisions, née de la révision de cible que je j'ai indiquée. Un tiers des paiements (près de 1,9 milliard d'euros courants) reste encore à effectuer. Le coût complet de possession est chiffré par le CPRA à hauteur de 11,3 milliards d'euros aux conditions économiques de 2012, dont 43 % (près de 4,9 milliards) sont liés au soutien en service.
L'importance de ce coût du soutien, qui est supérieur à celui de la production (laquelle représente 4,3 milliards d'euros), tient à la durée d'utilisation des Tigre, étendue sur une trentaine d'années. En outre, la dualité des configurations HAP-HAD comporte un coût propre, pour la maintenance, qui concerne à la fois les machines, les moyens d'instruction, la formation des équipages et celle du personnel de maintenance. Ce coût constitue un défaut du Tigre qui, dans le contexte actuel de nos finances publiques, est un important défaut ; c'est la raison pour laquelle Jacques Gautier et moi-même préconisons le maintien du parc des hélicoptères Gazelle, dont le coût d'entretien s'avère sept à huit fois moindre.
Quatrième et dernier système d'armes qui a fait l'objet, en 2013, de l'examen du CPRA : la frégate de défense aérienne Horizon. La Marine détient deux bâtiments de ce type : les frégates Forbin et Chevalier Paul. Elles ont été mises en service, respectivement, en 2010 et en 2011, pour une durée de 27 ans. Leur fonction de défense aérienne est assurée par le système de défense anti-missiles aériens PAMMS. Ces frégates sont à la mer 104 jours par an. Elles ont été employées, en premier lieu, pour l'intervention de nos forces en Libye, et elles y ont confirmé leur aptitude opérationnelle.
Il s'agit d'un programme de longue durée : les premières études ont été réalisées dès les années 1980, mais le contrat de développement et de production n'a été signé qu'en 2000, pour une admission au service actif dix ans après le lancement de la production et plus de trois ans après les dates initialement prévues. Ces délais s'expliquent, pour partie, par les défis technologiques que représentait la réalisation de ces équipements, qui sont particulièrement complexes, mais c'est surtout l'organisation de la coopération internationale en cause - d'abord avec les Britanniques, qui se sont désistés, puis avec les Italiens - qui a imposé son rythme. En effet, cette coopération a montré la difficulté de faire converger les objectifs très différents des partenaires ; une organisation spécifique a finalement été mise en place, avec un bureau de programme coprésidé par la France et l'Italie. Cette expérience a d'ailleurs été utile pour le programme des frégates multi-missions (FREMM), qui fait également l'objet d'une coopération franco-italienne. L'organisation industrielle s'est appuyée sur un maître d'oeuvre d'ensemble, Horizon SAS, associant des industriels français et italiens : d'une part DCNS et Thalès, d'autre part Fincantieri et Finmeccanica. Pour le système de combat, les deux pays ont créé Eurosysnav, composé de DCNS et Finmeccanica.
Le coût global de possession des deux frégates Horizon a été évalué par le CPRA à 4,2 milliards d'euros. Sur ce total, l'acquisition représente plus de la moitié : 2,3 milliards d'euros au coût des facteurs de 2012, ce qui est moins que les prévisions initiales, mais certaines performances ont été revues à la baisse en cours de réalisation. Au demeurant, le petit nombre de bâtiments construits - deux pour la France, deux pour l'Italie - ne permet pas d'obtenir un effet de série qui amortirait les phases de conception et de développement. Il semble d'ailleurs que les frégates britanniques T45, qui sont des plates-formes équivalentes aux frégates Horizon, aient un coût supérieur, leur programme ayant connu une dérive financière.
Le coût du soutien en service des frégates Horizon, pour les 27 ans prévus, s'élève à 870 millions d'euros. C'est 40 % de plus que les estimations initiales, en raison de la complexité des systèmes embarqués et de la gestion des obsolescences. Enfin, l'exploitation des bâtiments est évaluée à près de 777 millions d'euros, l'évolution du maintien en condition technique opérationnelle à 214 millions et le retrait du service, qui suppose la déconstruction des bâtiments, à six millions.
J'en viens maintenant aux programmes examinés en 2013 par le CPRA autres que les systèmes d'armes, mais néanmoins importants pour notre outil de défense.
Premier dossier dans cette catégorie : le programme d'études amont Spirale, qui a servi à préparer la composante spatiale d'un système d'alerte par satellite de détection de tirs de missiles, d'identification de leur auteur et de détermination de leur cible ; la phase de détection du missile ne dure qu'une à trois minutes pour un tir à longue portée. Ce programme a été réalisé entre 2002 et 2011, et il s'est déroulé sans retard ni problème majeur. Il a permis de constituer une banque de données de la terre, indispensables à la compréhension des phénomènes naturels et physiques susceptibles d'engendrer de fausses alertes. Ces données ont été obtenues grâce à deux microsatellites commandés pour l'opération, en 2004, à EADS-Astrium (aujourd'hui Airbus Defence and Space), lancés par Ariane en 2009 et désorbités en 2011. Une plateforme de simulation de la chaîne d'alerte a également été développée.
Le coût du programme s'est élevé à 137 millions d'euros aux conditions économiques de 2002. Le CPRA a calculé que ce coût représente 2,8 % du montant total des études amont réalisées pendant les neuf années de l'opération. La part principale - 54 millions d'euros, soit 39 % - tient à la réalisation des deux satellites. Les études de définition, de leur côté, ont représenté plus de 39 millions d'euros, soit 29 % du total.
Avec ce programme, la France a démontré sa maîtrise de technologies avancées, notamment dans le domaine infrarouge, qui sont nécessaires pour la défense antimissile balistique. En la matière, alors que les autres pays de l'OTAN ont choisi de participer aux actions à mener par une contribution financière, notre pays a préféré contribuer en nature ; Spirale constituait une première étape vers cette contribution. Cependant, ce programme ne sera pas reconduit, essentiellement pour des raisons financières.
Le programme transverse des données numériques géographiques et en trois dimensions (DNG3D), pour sa part, visait à doter notre défense des données numériques de géographie, relatives au milieu aéroterrestre, et de modèles en deux et trois dimensions, qui sont nécessaires à la mise en oeuvre, en dehors du territoire métropolitain, de nombreux systèmes d'armes et d'information des forces - lesquelles sont appelées à opérer, comme on le sait, sur des théâtres éloignés, et souvent sans préavis. Il s'agit d'un programme long, qui a fait l'objet de nombreux marchés. La faisabilité a été examinée entre 1996 et 2001. Une première phase de réalisation a été menée de 2001 à 2004, alors même que des travaux de définition étaient en cours jusqu'en 2003 ; cette phase a été confiée aux sociétés Spot Image, Istar et Thalès, ainsi qu'à l'Institut géographique national (IGN). La seconde phase de réalisation, la plus importante, s'est achevée en 2011 ; elle a été menée par les sociétés Thalès, EADS (aujourd'hui Airbus), CS, Magellium, Spot Image et l'IGN.
Cependant, le budget du programme est resté relativement modeste et conforme aux prévisions, notamment grâce à une limitation du volume de la production de données qu'il devait financer. Au total, 260 millions d'euros ont été dépensés en quinze ans, soit 17 millions d'euros par an en moyenne, la part principale de ce montant (110 millions d'euros) se trouvant consacrée à la production de données. En outre, à la différence de ce qui est constaté dans de nombreux autres programmes, le MCO, en l'occurrence, a été contenu ; il représente environ 10 % du coût total.
Le coeur du dispositif tient aux opérations Géobase, qui permet d'élaborer des données dites « couches de fond », et Topobase, qui, à partir des « couches de fond » et de sources complémentaires, produit des données à plus forte valeur ajoutée. Ce dispositif est à présent opérationnel, quatre ans plus tard qu'il était initialement prévu ; il comprend un système de contrôle de données, des ateliers de production à l'établissement géographique interarmées, ainsi qu'un système d'information et de gestion. La qualité des données obtenues grâce au programme est reconnue et le retour opérationnel est bon.
L'exploitation et l'entretien de ces capacités font l'objet d'une opération d'extension, qui continue la production des données de Géobase et de Topobase et vise à acquérir des moyens d'appoint mobiles pour élaborer des données géographiques sur les théâtres d'opérations. En outre, des réflexions sont menées pour envisager un successeur au programme DNG3D, qui en étendra le champ d'intervention à d'autres domaines géophysiques : l'hydrographie, l'océanographie et la météorologie.
Le dernier programme qui a retenu l'attention du CPRA en 2013 est celui de l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Sainte-Anne, à Toulon. C'est un projet lancé en 1995, et approuvé en 1998, pour remplacer l'ancien établissement, qui avait été inauguré en 1910. Le nouvel HIA a été mis en service en 2008, après une période de réalisation de dix années, sous une maîtrise d'oeuvre attribuée à l'issue d'un concours auquel avaient participé 38 cabinets d'architectes et 12 bureaux d'études spécialisés. Les travaux proprement dits, qui ont été réalisés par le groupement Sogea Construction-Sicra (devenu le groupe Vinci Construction), ont demandé trois ans et neuf mois, soit un retard de neuf mois par rapport aux prévisions initiales, qu'explique un arrêt de chantier lié à la découverte d'un engin explosif et la nécessité de certains travaux supplémentaires. Ces travaux ont d'ailleurs fait l'objet de contentieux qui se sont conclus en 2012 seulement, après de nombreuses expertises et le recours à une transaction.
Le coût de cette réalisation a atteint 204 millions d'euros, dont 190 millions au titre de la construction - laquelle a connu, par rapport aux estimations de départ, une augmentation de 23 %. Ce dépassement s'explique par la hausse conjoncturelle des prix dans le secteur du BTP, mais surtout du fait des exigences réglementaires nouvelles qu'il a fallu prendre en compte en matière de sécurité incendie, d'hygiène et de protection thermique. Quant à la transaction que j'évoquais, elle s'est traduite par le versement de 20,3 millions d'euros, par l'État, au groupe Vinci, soit près de 12 % du montant du poste « construction » du programme, mais une diminution de 67 % de la somme réclamée précédemment par l'entreprise.
Malgré ces difficultés, l'établissement Sainte-Anne est considéré comme une réussite. L'hôpital, qui dispose de 352 lits, connaît un taux moyen d'occupation de près de 75 %. Bien qu'il soit particulièrement tourné vers des soins lourds, comme la neurochirurgie ou la réanimation, qui imposent la présence de soignants nombreux, cet établissement se situe dans la moyenne observée au service de santé des armées pour ce qui concerne le personnel auprès du lit du malade, avec un ratio de 3,2 agents par lit. Surtout, il intègre les équipements techniques les plus innovants, assortis d'une modularité destinée à ménager les futures évolutions de la pratique hospitalière. Il permet d'assurer, à la fois, une bonne formation des personnels soignants et la meilleure qualité des soins aux patients ; à preuve, par rapport à l'ancienne structure, les maladies nosocomiales ont été divisées par plus de vingt. Les prestations hôtelières sont également de bon niveau, notamment au plan de la climatisation.
Cet HIA s'inscrit bien sûr dans le cadre de la mission du service de santé des armées, en permettant l'instruction du personnel et le soutien des opérations militaires, mais il participe également à la carte sanitaire régionale (pour une population civile de l'ordre de 500 000 personnes dans l'agglomération toulonnaise). C'est ainsi que 85 % des patients de Sainte-Anne ne relèvent pas du ministère de la défense.
Pour conclure, je formulerai, à la suite du CPRA dans son rapport, quatre brèves observations de synthèse.
Premièrement, la durée entre les premières études et la mise en service a été soulignée pour la plupart des programmes. C'est le cas pour l'hélicoptère Tigre, la frégate Horizon ou encore l'hôpital Sainte-Anne. Il en va de même pour la durée de l'utilisation des matériels, le cas le plus emblématique étant celui des avions ravitailleurs C 135-KC 135.
Deuxièmement, la nécessité de contenir les enveloppes financières a pu conduire, dans certains cas, à une réduction de cible, par exemple pour l'hélicoptère Tigre ou pour la production de données dans le programme DNG3D. Cette contrainte budgétaire a pu aussi amener à réviser les performances attendues en ce qui concerne la frégate Horizon.
Troisièmement, les programmes d'études, dont Spirale, et les programmes transverses, comme le DNG3D, s'avèrent essentiels dans la constitution de pôles industriels d'excellence.
Enfin, le recours à la coopération avec des partenaires étrangers est intéressant, mais les difficultés sont nombreuses, comme l'a montré le lancement des opérations avec l'Allemagne et l'Espagne pour l'hélicoptère Tigre ou avec l'Italie pour la frégate Horizon. Il s'agit d'en tirer les enseignements pour l'avenir.