Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 octobre 2014 : 1ère réunion
Ratification du protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam, rapporteur :

Monsieur le Président, mes chers collègues, l'accord soumis à votre approbation ce matin est un protocole qui modifie le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, appelé le PIDESC. Ce texte a été adopté (à l'unanimité) par l'assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 2008, 60 ans après la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, et signé par la France le 11 décembre 2012.

Je rappellerai brièvement que ce pacte onusien a été adopté le 16 décembre 1966 et est entré en vigueur le 3 janvier 1976. Il a été ratifié par la France le 4 novembre 1980.

Il constitue l'instrument de référence pour la protection et la promotion des droits économiques, sociaux et culturels. Les 162 États parties au pacte se sont ainsi engagés à respecter, protéger et garantir ces droits.

Ces droits contribuent d'une manière générale à la dignité humaine. Il s'agit notamment, pour n'en citer que quelques-uns, du droit au travail, à l'éducation, à l'eau, au « meilleur état de santé physique et mentale », à la protection de la famille, à un « niveau de vie suffisant » qui comprendrait l'alimentation, le droit de se vêtir, le droit au logement.

Contrairement à un autre pacte onusien de 1966 qui concerne les droits civils et politiques, le texte d'origine du PIDESC ne prévoit pas de dispositif de plaintes, en cas de violation des droits.

La bonne application du pacte était, jusqu'à présent, assurée par un dispositif de surveillance, à la charge des Etats. Celui-ci consiste en la présentation par les Etats Parties de rapports d'application tous les cinq ans.

Ceux-ci sont examinés par le Comité de l'ONU pour les droits économiques et sociaux. Ce Comité fait part de ses observations, prenant note, dans un premier temps, des points positifs. Dans un second temps, il formule les « sujets de préoccupation ». Puis il demande à l'État Partie de l'informer de toutes les mesures qu'il aura prises pour mettre en oeuvre ses observations finales.

Si cette procédure d'élaboration de rapports a permis l'établissement d'un dialogue constructif, vous conviendrez cependant qu'elle peut constituer un exercice formel et standardisé quelque peu insuffisant car dépendant de la bonne volonté des Etats.

En effet, sur les 162 Etats parties au pacte, 33 Etats n'ont pas transmis leur rapport initial au Comité. 22 d'entre eux accusent un retard de plus de dix ans.

En outre, les réticences des Etats à se conformer à leur obligation « d'autosurveillance » ne constituent pas les seuls obstacles à la bonne application du pacte.

Il apparaît que le Comité peine à examiner les rapports, selon la périodicité définie. Au 30 novembre 2012, le nombre de rapports en attente d'examen devant le Comité était de 49. C'est le cas du 4ème rapport français, transmis le 23 mai 2013. Celui-ci n'a toujours pas été examiné.

C'est pourquoi, dès 1993, les Etats se sont engagés à élaborer un protocole facultatif visant à renforcer l'efficacité du pacte. Un groupe de travail, créé par la Commission des droits de l'Homme, a été mis en place seulement en 2004, onze ans après cette décision. C'est long.

Cette inertie témoigne des divergences de vues sur la « justiciabilité » des droits économiques, sociaux et culturels. Ceux-ci sont souvent considérés comme des droits de seconde génération qui ne pourraient être satisfaits qu'en période de croissance.

Il n'existait d'ailleurs pas de consensus au sein même des pays occidentaux. La France, qui a fait partie du « Groupe des amis du protocole », s'est attachée à trouver un texte de compromis, permettant le ralliement du plus grand nombre d'Etats.

En l'espèce, il s'agissait de renforcer l'application du pacte, face au scepticisme de certains Etats sur la portée réelle des droits visés, sans pour autant faire du Comité, une cour internationale des droits économiques, sociaux et culturels.

L'objet du protocole, soumis à votre approbation, est donc de compléter le dispositif de surveillance du pacte par un triple mécanisme de contrôle, faisant intervenir trois sources différentes : les victimes elles-mêmes, un Etat ou le Comité pour les droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies.

Ce texte ne crée donc pas de nouveaux droits, mais il renforce l'effectivité de ceux qui figurent dans le pacte initial.

Tout d'abord, il vise à permettre l'accès à la justice pour les plus pauvres afin de faire valoir leurs droits à l'alimentation, à la santé, à l'éducation, ou encore au logement.

En effet, le protocole autorise les victimes de violation de leurs droits économiques, sociaux et culturels à demander réparation, au niveau international, des dommages ainsi causés, après avoir épuisé toutes les voies de recours au niveau national.

Grâce au protocole, ces personnes pourront introduire une plainte individuelle auprès du Comité onusien. Cette procédure tend donc à compléter les systèmes nationaux et non à les remplacer.

Le deuxième volet de contrôle, prévu par le protocole, est la communication interétatique. Si un Etat considère qu'un autre Etat Partie ne s'acquitte pas de ses obligations au titre du pacte, il peut adresser à cet Etat une communication écrite et en informer le Comité.

Enfin, la troisième avancée de ce nouveau texte est de doter le Comité de pouvoirs d'enquête. Lorsque celui-ci est informé d'un manquement grave par un Etat Partie au pacte, il peut alors charger un de ses membres de réaliser une enquête, en se rendant sur le territoire de cet Etat. Les résultats sont présentés à l'Etat Partie qui dispose d'un délai de six mois afin de répondre aux observations et recommandations du Comité.

En conclusion, en prévoyant un tel dispositif de contrôle, le protocole tend, vous l'aurez compris, à renforcer la portée des droits économiques, sociaux et culturels.

Il met fin à une inégalité qui existe entre les victimes de violation de ces droits et celles de droits civils et politiques, pour lesquelles un mécanisme de réparation existe déjà dans le cadre du pacte des droits civils et politiques.

Au-delà du symbole qu'il véhicule, le protocole a également pour conséquence de préciser le contenu de ces droits économiques.

Enfin, sa portée est non seulement de permettre la réparation de dommages subis par les victimes, mais également d'inciter les Etats à faire respecter les droits économiques, sociaux et culturels du pacte, en en prévenant les violations.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose :

- d'adopter le projet de loi n° 660 (2013-2014) autorisant la ratification du Protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

- et de prévoir son examen en séance publique en forme simplifiée, le 30 octobre.

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