Intervention de Anne-Marie Descôtes

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 5 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Programme « diplomatie culturelle et d'influence » - mission « action extérieure de l'etat » - Audition de Mme Anne-Marie deScôtes directrice générale de la direction générale de la mondialisation du développement et des partenariats

Anne-Marie Descôtes :

Outre les quatre directions que vous avez citées, deux délégations sont rattachées à ma direction générale, l'une consacrée à l'action extérieure des collectivités territoriales, l'autre aux relations avec la société civile et aux partenariats (ONG de l'humanitaire et du développement). Concernant le programme 185, sur lequel portera mon propos, les crédits qui lui sont destinés s'élèveront pour 2015 à 745,5 millions d'euros, soit 668 millions d'euros hors titre 2. Par rapport à 2014, ils augmentent de 3,5 %, du fait du rattachement de la subvention pour charge de service public d'Atout France, avec la création d'une action dédiée « Développement du tourisme » dotée de 30 M€ auxquels s'ajoutent 3,8 M€ pour financer la mise à disposition de 38 agents. Cette subvention représente environ la moitié du budget d'Atout France, l'autre moitié provenant des collectivités locales en vue réaliser des opérations de promotion touristique. Atout France est un groupement d'intérêt économique de 400 agents avec un réseau de bureaux présents dans 32 pays qui doit trouver à s'articuler avec notre réseau diplomatique et ses opérateurs.

Un sujet important de satisfaction est la stabilisation des moyens alloués à l'attractivité et à la recherche (106 M€), ainsi qu'à la coopération culturelle et au français (67 M€) après d'importantes baisses en 2013 et 2014.

Au titre de la contribution à la réduction des déficits publics, les subventions aux opérateurs sont réduites de 2 %, selon la norme interministérielle définie par la direction du Budget. Le ministre s'est assuré avec les trois établissements concernés (AEFE, Institut français et Campus France) de la faisabilité de cette mesure et étudie d'ores et déjà avec eux la mise en oeuvre dans leur budget 2015. Cette mesure va pousser les opérateurs et notamment l'Institut français à rechercher de cofinancements et des soutiens extérieurs.

Les effectifs de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) sont également relativement préservés à hauteur de 2 910 ETP pour ceux relevant du plafond d'emplois ministériel, en baisse limitée de 73 ETP soit -2,5 %, et à 3 489 ETP pour les agents de droit local des établissements à autonomie financière (EAF), avec une mesure d'abattement technique des emplois vacants de 75 ETP, sans impact sur les effectifs réels. Au total, le réseau de coopération et d'action culturelle comptera 6 399 agents en 2015, tous statuts confondus.

Ce programme 185 est un instrument essentiel de notre diplomatie globale. Il nous permet de mener en synergie diplomatie culturelle et diplomatie économique, qui se recouvrent souvent largement, comme l'illustre le secteur des industries culturelles et créatives.

La diplomatie économique ne doit pas être portée par la seule direction des entreprises et de l'économie internationale mais par l'ensemble des directions du ministère, et au premier chef par la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, de manière transversale. Ainsi, la politique des visas intéresse aussi bien les acteurs économiques que les étudiants et les chercheurs. De même, la notion d'influence culturelle a des répercutions concrètes sur l'image de la France et sur son attractivité. Enfin, il y a des liens évidents entre l'action conduite dans le domaine de la culture et du patrimoine et ce que nous pouvons faire en matière de tourisme.

Dans ce dernier domaine, la principale innovation réside dans la création, cet été, d'un pôle dédié au tourisme au sein de la direction des entreprises et de l'économie internationale, dont le rôle est de suivre, pour le MAEDI, le volet international de la politique du tourisme, en collaboration avec la direction générale des entreprises du ministère de l'économie et des finances, qui reste compétente en matière de tourisme ; nos deux administrations s'attacheront à mettre en oeuvre les trente mesures décidées en conclusion des Assises du tourisme et les pistes que devrait bientôt définir le Conseil de promotion du tourisme récemment installé.

Notre diplomatie culturelle ou d'influence s'appuie sur un réseau à l'étranger qui reste l'un des plus importants au monde, sur des opérateurs et sur des instruments financiers, comme les bourses, qui demeurent pertinents dans un environnement de plus en plus concurrentiel.

S'agissant de notre réseau culturel à l'étranger, il a fait l'objet en 2013 d'une étude approfondie menée par la Cour des comptes, prolongée par un rapport d'information de l'Assemblée Nationale. 17 propositions ont été énoncées qui ont été reprises dans notre travail d'ajustement, de rationalisation et de modernisation de ce réseau, dont la cartographie continuera d'évoluer en 2015. Nous le réorganisons en fonction de zones - pays émergents en particulier - et de thématiques - diplomatie économique, climat, gouvernance - prioritaires. Il est allégé dans les postes de présence diplomatique à format resserré et certaines antennes, dont la plus-value n'était pas démontrée, feront l'objet de fermetures.

S'agissant de nos opérateurs d'influence, je souhaite m'arrêter sur l'Institut français qui est aujourd'hui dans une phase de transition après la décision prise il y a un an de ne pas lui rattacher le réseau de coopération et d'action culturelle et la perspective du nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2015-2017. A ce sujet, les travaux sont largement engagés et la finalisation de ce COM interviendra au début de l'année prochaine, après l'entrée en fonction, le 1er janvier 2015, du nouveau Président exécutif de l'Institut français ; ce COM vous sera, comme il se doit, soumis pour avis.

Le bilan de ces premières années de l'Institut français est tout à fait positif, notamment la création d'une marque « Institut français » qui renforce la visibilité des actions du réseau, l'organisation des Saisons comme celles qui se déroulent actuellement en Chine ou celles qui sont en préparation avec la Corée du Sud, le développement de partenariats culturels entre professionnels dans des champs nouveaux comme les arts visuels, le design, l'architecture, ou encore le développement de programmes innovants destinés à des publics jeunes, comme « SafirLab », qui vise à accueillir et former pendant quelques semaines les futurs acteurs du développement de la rive Sud de la Méditerranée dans le champ des médias, du numérique ou de la société civile. L'Institut français s'est ainsi imposé dans le paysage culturel international : nos services culturels à l'étranger s'appuient sur son expertise, ses programmes, ses innovations technologiques et ses relations avec les alliances françaises sont désormais bonnes et complémentaires, le nouveau Président de la Fondation Alliance Française, M. Jérôme Clément, ayant fait de ces bonnes relations l'une de ses priorités.

Le COM 2015-2017 devrait être l'occasion de conforter l'Institut français dans son rôle d'opérateur pivot de notre action culturelle extérieure, au service de l'ensemble du réseau, selon des priorités bien définies : priorités géographiques (les pays émergents et les pays prescripteurs, l'Afrique francophone et la rive Sud de la Méditerranée) et thématiques (industries culturelles, climat, animation du débat d'idées...). L'Institut français est aussi invité à travailler en synergie avec les opérateurs professionnels en charge de l'exportation des industries culturelles (Unifrance Films, TVFI, BUREX, etc.). Compte tenu du caractère durable de la contrainte budgétaire, il devra s'attacher à trouver des cofinancements, y compris européens, et à susciter des mécénats.

S'agissant de notre politique d'attractivité à l'attention des élites étrangères, c'est aujourd'hui une priorité réaffirmée par le ministre : la défense des intérêts académiques et scientifiques est inséparable de nos intérêts économiques et participe de notre diplomatie d'influence, dans un contexte très concurrentiel. Nous avons engagé une réflexion stratégique avec le ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, en vue de renforcer l'articulation entre la diplomatie scientifique et la stratégie nationale de recherche et d'enseignement supérieur.

Campus France est aujourd'hui un opérateur reconnu de la mobilité étudiante : il est le point de contact pour tous les étudiants et chercheurs bénéficiaires d'une bourse du gouvernement français. Les « Espaces campus France », au sein des Instituts français à l'étranger, assurent la promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger et sont les interlocuteurs privilégiés des futurs boursiers, avant leur départ en France. Nous construisons, depuis quelques années, une chaîne de l'accueil étudiant en France, visant à permettre l'accompagnement et le suivi des étudiants et des chercheurs d'un bout à l'autre de leur parcours, de la demande de visa à la fin de leurs études, avec un suivi a posteriori afin que le lien avec eux perdure. Depuis la rentrée 2014, Campus France propose sur son site internet une nouvelle page web qui recense les dispositifs de « guichets uniques » d'accueil en région et présente les actions spécifiques des collectivités territoriales en matière d'accueil et de logement des étudiants. Pour la rentrée 2015, il prévoit de mettre en place, en partenariat avec le réseau ESN France, un parrainage international, afin d'offrir aux étudiants étrangers primo-arrivants un accueil et un accompagnement par des étudiants locaux (nationaux ou étrangers déjà en France).

Au-delà de notre action de promotion de l'enseignement supérieur et de la gestion de bourses, nous avons également ouvert un chantier prioritaire : la création de la plateforme numérique « Alumni », qui a vocation à recenser tous les anciens étudiants et chercheurs étrangers en France. La mise en place de cet outil représente un travail lourd et complexe, qui est mené en liaison avec les postes diplomatiques et les établissements d'enseignement supérieur. Par la suite, il sera nécessaire de trouver des relais dans les différents pays afin d'animer cette plateforme. Elle sera lancée à la fin du mois de novembre 2014 et fonctionnera dans un premier temps de manière expérimentale avec dix postes, avant d'être étendue. L'enjeu n'est pas seulement la création de liens amicaux, il est aussi économique. Ainsi, Alumni sera ouverte à d'autres opérateurs comme Ubifrance ou l'AFII, qui peuvent avoir intérêt à s'appuyer sur d'anciens étudiants pour pénétrer des marchés.

Je terminerai, enfin, par rappeler toute l'importance que nous accordons à notre offre d'éducation française dans le monde ainsi qu'à la promotion de notre langue.

Le réseau de l'AEFE, qui est un outil essentiel de notre politique culturelle et d'influence, ne cesse de progresser. Il a encore enregistré à la rentrée 2014 une progression de 2 % de ses effectifs d'élèves sur l'ensemble des zones, avec plus de 320 000 élèves. L'année 2015 sera rythmée par plusieurs échéances importantes qui s'appuieront sur les résultats de la concertation interministérielle sur l'enseignement français qui aura lieu le 20 novembre prochain. Il s'agira de définir les axes d'évolution de ce réseau, qui fêtera ses 25 ans en 2015, dans le prolongement des travaux lancés par Mme Hélène Conway-Mouret lorsqu'elle était ministre déléguée chargée des Français de l'étranger.

S'agissant de la langue française, le récent rapport de Jacques Attali « La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable » nous conforte dans l'idée que le monde francophone - on songe naturellement à l'Afrique, mais il comprend beaucoup d'autres pays, y compris en Europe - doit rester une priorité de notre diplomatie, y compris d'influence. Ce rapport comporte beaucoup de propositions intéressantes, dont certaines trouvent d'ores et déjà un écho dans les actions que nous menons, et d'autres sur lesquelles nous avons engagé un travail sous l'autorité du Ministre et de la Secrétaire d'Etat en charge du Développement et de la Francophonie.

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