Je vous remercie de votre invitation et saisis l'occasion pour vous préciser que je suis à votre entière disposition pour évoquer plus longuement des sujets structurels pour l'AFD, par exemple les thèmes d'actualité de 2015 comme les financements liés au climat et au développement durable.
En ce qui concerne le budget pour 2015, je dois rappeler qu'il s'inscrit dans le cadre de la loi d'orientation que vous avez adoptée avant l'été et du COM que nous concluons avec l'Etat. La loi a ancré les objectifs de l'aide dans les enjeux du XXIe siècle avec une vision intégrée du développement allant jusqu'à la promotion d'un modèle de développement plus respectueux des normes sociales et environnementales.
Un objectif de croissance modérée des engagements nous a été assigné : nous devrons passer de 7,8 milliards d'euros en 2013 à 8,5 milliards d'euros en 2016. Nous avons surtout une priorité africaine puisque le Président de la République a fixé l'objectif de consacrer 20 milliards d'euros à l'Afrique sur cinq ans (2014-2018). Nous consacrons aujourd'hui environ un milliard par an à la Méditerranée, zone importante mais sur laquelle nous avons rencontré des difficultés. Elles sont propres aux crises rencontrées par certains pays mais elles sont aussi de notre fait puisque les règles prudentielles et le niveau de nos fonds propres ont limité notre capacité de financements dans certains pays où nous étions déjà très engagés. Nous consacrons entre 1 et 1,2 milliard par an à l'Asie et à l'Amérique latine avec un objectif clairement affirmé de développement durable et de croissance verte.
La loi et le COM fixent des objectifs de concentration de l'aide : plus des deux tiers des dons-projets sont destinés aux seize pays pauvres prioritaires (PPP) ; 85 % de l'effort financier de l'Etat à l'Afrique et à la Méditerranée. En 2014, nous concentrons bien 67 % des subventions aux PPP. Je signale aussi que 14,5 % de nos engagements sont destinés aux pays en crise (Afghanistan, Haïti, Territoires palestiniens et Syrie).
Le COM exige également que 50 % de nos projets aient un « co-bénéfice climat » ; nous avons élaboré une méthodologie pour évaluer cet objectif et nous en faisons la promotion auprès des autres bailleurs de fonds.
Concrètement, ces statistiques qui peuvent être abstraites correspondent à des réalisations effectives que je souhaite mentionner ici : par exemple en ce qui concerne les impacts des projets livrés en 2013, 900 000 exploitations agricoles familiales supplémentaires soutenues, 35 millions de passagers supplémentaires dans les transports en commun, 1,2 million de personnes supplémentaires ayant accès à l'eau potable...
Au-delà du niveau d'activité, le COM nous fixe un objectif de maîtrise de nos charges et de résultat, sujet qui est lié à celui du renforcement des fonds propres pour nous permettre de continuer à travailler dans certains pays comme le Maroc, la Tunisie ou l'Afrique du Sud.
En ce qui concerne le débat « prêts-dons » que vous mentionniez, je voudrais réussir à vous convaincre que le prêt n'est pas l'ennemi du don et qu'il est utile pour l'Afrique. Le prêt est utile économiquement pour les pays avec lesquels nous travaillons, en particulier les pays à revenus intermédiaires mais aussi en Afrique. L'outil du prêt est un moteur de la croissance économique générale ; il apporte un effet de levier, y compris dans les PPP. Nous prêtons aussi au Sénégal, au Niger ou au Burkina-Faso. En 2013, les 16 PPP ont bénéficié de 600 millions d'euros d'engagements, dont 215 millions en dons et C2D, le reste en prêts. Outre cet effet direct, le prêt a un intérêt indirect pour nos activités en Afrique : si nous n'avions pas l'activité de prêt, nous ne pourrions maintenir le réseau et l'expertise que nous avons en France et dans ces pays. L'Etat nous rémunère à hauteur de 10 % pour la gestion des dons-projets : quand nous sommes passés progressivement de 400 à 200 millions, nous n'avons pas diminué notre réseau de moitié, alors que notre rémunération a diminué de moitié ! Ainsi, le modèle de fonctionnement de l'agence fait en sorte que les prêts bénéficient aussi, directement ou indirectement, à l'Afrique. Enfin, le développement des prêts nous donne une taille suffisante, à même de peser dans les discussions internationales et dans la mobilisation de fonds additionnels au bénéfice de projets en Afrique (fonds de l'UE, du Partenariat mondial pour l'éducation...). Je serais bien entendu la première à souhaiter, dans un monde idéal, que les dons se situent à un niveau plus élevé, comme cela a été le cas dans le passé, mais ce rééquilibrage ne devrait pas se faire au détriment d'un autre outil bilatéral ; il serait plutôt à rechercher dans un rééquilibrage bi-multi.