Intervention de Jean-Yves Legall

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 1er juillet 2014 : 1ère réunion
Avenir de la stratégie spatiale européenne — Table ronde

Jean-Yves Legall, président du Centre national d'études spatiales :

Je souhaite revenir sur la problématique des lanceurs. Il s'agit en effet d'un élément stratégique, dans la mesure où il ne peut y avoir de politique spatiale autonome sans un accès indépendant à l'espace.

Force est de constater que l'Europe a traversé des périodes difficiles en matière de développement de ses lanceurs. La mise au point des fusées Ariane 1 à 4 a été compliquée, le développement d'Ariane 5 aussi. La décision de construire le lanceur Ariane 5 a été prise le 31 janvier 1985 lors de la conférence de Rome ; après plusieurs échecs, ce n'est qu'en 1996 que le premier vol a eu lieu. Parallèlement, l'augmentation des lancements de fusées pour des prix relativement bas a entraîné une perte d'hégémonie des principaux industriels européens.

L'impulsion d'une nouvelle architecture spatiale a été donnée en 2009. Le Premier ministre de l'époque, François Fillon, a demandé un rapport sur l'avenir des lanceurs européens à MM. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, Bernard Bigot, administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et Yannick d'Escatha, président-directeur général du CNES. Ce rapport a analysé les besoins institutionnels, en exposant les enjeux pour les puissances publiques européennes et pour les lanceurs, en termes de systèmes de lancement, d'organisation et de gouvernance ; il a présenté les besoins du marché commercial de lancements, l'offre mondiale en la matière et les positions d'Ariane Space sur ce marché ; enfin, il a rappelé le temps requis par le développement d'un nouveau lanceur.

On ne peut imaginer une politique spatiale sans une politique des lanceurs. La France et l'Union européenne ont ainsi souhaité atteindre la maturité technique et opérationnelle dans le domaine des équipements spatiaux, afin de garantir à l'Europe un accès à l'espace dont elle a besoin pour réaliser les ambitions de sa politique.

Afin de maximiser ses chances, l'industrie spatiale européenne doit poursuivre ses efforts dans trois directions. D'abord, continuer de garantir l'accès européen à l'espace, qui avait commencé en 1974 avec le lancement du satellite Symphonie, premier satellite de télécommunications réalisé en France et en Europe. Ensuite, disposer d'un lanceur compétitif sur le marché commercial, alors que le succès d'Ariane 5 a conforté l'Europe comme une des régions leaders de la conquête spatiale. Enfin, pérenniser les compétences et les savoir-faire français dans la conception de lanceurs et de satellites, qui sont un trésor national, une compétence unique, que le monde entier nous envie.

Trois conditions sont nécessaires pour maintenir l'aura dont jouit à présent le lanceur Ariane. Premièrement, une conception simplifiée, avec un objectif de coût revu à la baisse. Deuxièmement, un marché institutionnel garanti. Alors qu'Ariane 5 lance des satellites commerciaux, les Allemands ont choisi Space X pour lancer leurs satellites radars ; il n'y a que la France qui soit fidèle à Ariane ! Troisièmement, un lanceur qui soit développé, produit, exploité, commercialisé par une organisation intégrée et, par conséquent, beaucoup plus performante.

En outre, une meilleure gouvernance des investissements financiers permettra de développer des projets pérennes sur le long terme. La sanctuarisation des budgets se présente en effet, à l'échelle mondiale, comme l'une des composantes de la réussite des programmes spatiaux.

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