Intervention de Yohann Leroy

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 1er juillet 2014 : 1ère réunion
Avenir de la stratégie spatiale européenne — Table ronde

Yohann Leroy, directeur technique d'Eutelsat :

Le marché de la communication par satellites est un marché de haute technologie, dans lequel l'Europe a réussi à bâtir une position de leader. Eutelsat est ainsi le premier opérateur de communication par satellite dans la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique, et le troisième opérateur par satellite au niveau mondial, derrière deux autres opérateurs européens - luxembourgeois tous deux -, Intelsat et SES.

Le rôle de notre groupe consiste à concevoir des satellites, les opérer et enfin les commercialiser. Eutelsat se place donc entre, d'une part, les industriels producteurs et lanceurs de satellites et, d'autre part, ses clients, chaînes de télévision ou opérateurs de télécommunication. Ces clients ont besoin de satellites soit pour diffuser les contenus de programmes - tel est le cas des chaînes de télévisions et des bouquets satellites -, soit pour relier leurs propres infrastructures de communication en réseau interne.

Eutelsat est une entreprise de taille intermédiaire, qui exporte très fortement. Son chiffre d'affaires est supérieur à 1,3 milliards d'euros, dont 90 % proviennent de l'étranger ; il s'avère en croissance continue depuis 10 ans. Cependant, la firme importe également de façon massive. Entre 40 et 50 % du chiffre d'affaires, soit plus de 500 millions d'euros, sont investis, chaque année, dans l'achat de deux à trois satellites et des lanceurs chargés de déployer ces satellites en orbite géostationnaire. Neuf sur dix des satellites d'Eutelsat ont été commandés par Thalès Aliena Space et Airbus, et la moitié des lanceurs correspondants l'a été à Ariane Space. Nous intervenons sur trois marchés : la télévision, qui représente les deux tiers du chiffre d'affaires de la société, laquelle diffuse plus de 5 000 chaînes de télévision ; les télécommunications, marché en pleine croissance avec les perspectives du développement d'accès à l'Internet ; enfin, les services gouvernementaux, pour des besoins de défense et de sécurité.

Compétitivité et indépendance stratégique sont les deux objectifs de la politique spatiale européenne. Comment conserver la compétitivité de l'industrie européenne, sur le long terme ? J'avancerai à cet égard deux séries de recommandations.

Elles visent, en premier lieu, le marché des lancements. Celui-ci va connaître de profondes mutations dans les années à venir, sous l'effet de deux évolutions liées entre elles : d'une part, l'arrivée de Space X et de son lanceur Falcon 9, conçu suivant une optique de « design-to-cost », qui se caractérise par une acceptation de la baisse de la qualité au bénéfice d'une considérable baisse des prix ; d'autre part, la disponibilité pour les satellites, au niveau mondial, de la technologie de la propulsion électrique - laquelle permet à un satellite, à performance identique, de diviser sa masse par deux.

Dans le cadre de la coordination du programme spatial européen, Eutelsat a formulé, en mars dernier, quatre messages. Premièrement, le problème de compétitivité de la filiale européenne se pose dès aujourd'hui pour ce qui concerne les lanceurs de la prochaine décennie. Deuxièmement, le successeur compétitif d'Ariane 5 doit arriver plus vite que ce que prévoient les travaux actuels ; le risque, dans le cas contraire, c'est un vide dans les carnets de commande, dès 2018-2019. Troisièmement, le lanceur européen doit être aussi compétitif pour les satellites légers, que ce soit en termes de compétitivité-prix ou de compétitivité hors prix, car les satellites lourds d'aujourd'hui, du fait de la propulsion électrique, risquent d'être les satellites légers de demain. Quatrièmement et enfin, le lanceur européen doit disposer d'un certain degré de flexibilité et d'évolutivité, en vue d'éviter une obsolescence accélérée sur un marché où les tendances de long terme sont difficiles à déterminer.

En second lieu, il est nécessaire de constituer une équipe européenne du spatial, composée d'une forte proportion de Français, afin de gagner des parts de marché face à la concurrence internationale. L'équipe française serait en charge des satellites à haute capacité. Ceux-ci offrent une qualité de service comparable à celle des réseaux de télécommunication terrestres et constituent un enjeu crucial, tant dans les pays en développement, pour l'accès à l'Internet, que dans les pays développés, pour l'accès au haut débit, lorsque les infrastructures terrestres font défaut. La France, en ce domaine, a la chance de maîtriser toute la chaîne de valeurs avec les lanceurs, la production de satellites et un opérateur, de sorte qu'elle peut proposer des offres compétitives, adaptées au cas par cas.

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