Je remercie Marc Massion de cette présentation de nos entretiens bilatéraux. Le rendez-vous avec Rimantas Sadzius, ministre des finances de la République de Lituanie, a été particulièrement intéressant : il préside les conseils ECOFIN et, à ce titre, il a également pu évoquer les derniers développements en matière d'union bancaire et les obstacles rencontrés à ce sujet.
J'en arrive maintenant au bilan de la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'UE. Il s'agit du premier exercice d'application de l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), qui dispose que « le Parlement européen et les parlements nationaux des parties contractantes définissent ensemble l'organisation et la promotion d'une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et les représentants des commissions concernées des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et d'autres questions régies par le présent traité ». Il paraît en effet nécessaire d'appuyer la nouvelle gouvernance économique et budgétaire européenne sur un fondement démocratique solide, dont les parlements nationaux sont les garants. À cet égard, la naissance à Vilnius de la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'Union européenne va dans le bon sens. Toutefois, en dépit de la forte implication de la présidence lituanienne qui a été exemplaire par la qualité de son travail, les ambitions de cette conférence ont été loin de se réaliser. Le titre donné hier par un journaliste spécialisé à un article consacré à cette conférence est parlant : « Tension palpable entre Parlements nationaux et européen ». Le 8 octobre dernier, soit une dizaine de jours avant l'ouverture de la conférence, le président du Parlement européen, Martin Schulz, a adressé un courrier à la présidente du Parlement lituanien dans lequel il a exprimé les fortes divergences de vues entre les parlementaires européens et les propositions de la présidence lituanienne. Il ne s'agissait que d'une demi-surprise puisque la position du Parlement européen était connue depuis plusieurs mois : en novembre 2012, il a ainsi adopté une résolution, suite au rapport rédigé par la députée européenne Marianne Thyssen, dans laquelle il est indiqué que « la création d'un nouvel organe parlementaire mixte serait tout à la fois inefficace et illégitime d'un point de vue démocratique et constitutionnel ». La résolution insiste ensuite « sur la pleine légitimité du Parlement européen, en tant qu'organe parlementaire au niveau de l'Union, en vue d'une gouvernance renforcée et démocratique de l'UEM ». J'indique que ce dernier dispose d'un cadre général communautaire mais aussi de mesures à prendre au niveau national, ce qui justifie l'article 13 du TSCG et l'association des Parlements nationaux.
Je note qu'à l'inverse, un rapport de la commission des affaires européennes de la Chambre des Lords sur la crise de la zone euro a souligné en août 2013 que l'objet principal du TSCG concerne les budgets nationaux, dont les gouvernements nationaux sont responsables vis-à-vis de leurs parlements nationaux. Ce rapport de nos collègues britanniques poursuivait donc en s'interrogeant sur la place incertaine du Parlement européen : puisque le traité budgétaire se situe en dehors des traités de l'UE, pourquoi le Parlement européen se joindrait-il aux parlements nationaux pour déterminer l'organisation de la conférence ? Avec quel rôle et quelle légitimité ?
C'est sous le signe de ces contradictions et de ces ambiguïtés que s'est ouverte la conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'UE. Une telle situation a conduit, la semaine dernière à Vilnius, à une incapacité à adopter de façon consensuelle un ordre du jour, des « conclusions de la conférence » et, encore moins, un règlement de la conférence. Les rules of procedures proposées par nos collègues lituaniens représentaient une véritable avancée, avec par exemple une organisation pratique, des règles de préparation et d'adoption d'un ordre du jour, ou encore une symétrie entre l'anglais et le français parmi les langues de travail utilisées. Au final, seule une contribution, relativement modeste, de la conférence a été adoptée « aux forceps ». Le Parlement européen a été rejoint par la délégation allemande, dont les positions ne s'expliquent pas tant par la question des prérogatives du Parlement européen que par celle du respect de son ordre constitutionnel interne. En dépit du volontarisme de la présidence lituanienne, le texte a été mis au point entre les délégations du Parlement européen et de l'Allemagne. Les délégations nationales, notamment la France et la Grande-Bretagne, ont été traitées de façon périphérique.
Pour nous, l'enjeu de cette conférence est de passer d'un lieu aimable de bavardage entre gens de bonne compagnie à une association efficace des parlements nationaux à la gouvernance économique et financière de l'Union européenne, et plus particulièrement à l'Union économique et monétaire. C'est la position que j'ai pour ma part défendue, avec mes collègues de la délégation française, quelle que soit leur appartenance politique. Une unanimité s'est en effet dégagée sur place entre parlementaires de la majorité et de l'opposition.
Le texte de compromis, sous la forme d'une contribution de la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'UE, présente l'inconvénient de repousser l'adoption d'un règlement de la conférence d'au moins d'un semestre, mais il présente aussi des avantages : il consacre l'existence de la conférence, est relativement consensuel et, enfin, suggère la constitution d'un groupe de travail, qui devra « prendre en considération le projet de règlement proposé par la présidence lituanienne » ainsi que « les amendements des délégations nationales ». On parlera donc désormais d'un « processus de Vilnius ». A ce stade je pense que cette conférence pourra être utile. A titre personnel, j'ai toujours été favorable à la constitution d'un Sénat européen. Or cette conférence interparlementaire peut aller dans ce sens. Nous avons demandé à participer à ce groupe de travail, puisque le futur de cette conférence dépend de ce que l'on décide collectivement d'en faire. Nous suivrons donc les prochaines étapes avec vigilance, mais, pour ma part, je ne donnerai pas indéfiniment crédit à ce type de rencontre, si ses règles du jeu ne sont pas suffisamment précisées.