Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil européen des 18 et 19 juin intervient dans un contexte particulier.
Tout d’abord, il a lieu juste après les élections européennes du 7 juin. On peut constater, à l’issue de ce scrutin, qu’une majorité politique s’est clairement dégagée en faveur d’une orientation, d’ailleurs identique dans la quasi-totalité des pays européens. L’Union européenne est donc dotée d’une direction claire pour les cinq prochaines années.
En revanche, ces élections ont été marquées par une très forte abstention, près de 57 %, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour l’Europe. Cinquante ans après les débuts de la construction européenne, la participation aux élections européennes continue de décliner de scrutin en scrutin et l’Union européenne n’arrive toujours pas à susciter l’adhésion des citoyens.
Mes chers collègues, je crois qu’il nous faudra tirer ensemble les leçons de ce désintérêt croissant des citoyens européens vis-à-vis de l’Europe.
La deuxième originalité du prochain Conseil européen tient au fait qu’il intervient à la veille du renouvellement de la Commission européenne. À cet égard, je dois avouer que je suis un peu étonné par l’empressement de certains à désigner dès maintenant le futur président de la Commission européenne.
Le mandat de l’actuelle Commission ne s’achève officiellement qu’à l’automne. Pourquoi vouloir prendre si rapidement une décision d’une telle importance, alors que rien ne presse ? Ne serait-il pas souhaitable, au contraire, de prendre le temps de consulter les différents groupes politiques, afin de ne pas risquer des difficultés avec le Parlement européen nouvellement élu ?
Ne convient-il pas aussi de laisser le temps aux candidats éventuels à ce poste de présenter leur programme pour que les chefs d’État et de gouvernement s’accordent sur la personnalité qui leur semble la mieux placée pour présider la Commission européenne ? L’Allemagne et la France ont déjà exprimé leur position dans ce sens. Pour ma part, je serais plutôt favorable à l’idée de repousser cette décision, et je voudrais connaître, monsieur le secrétaire d'État, votre avis sur ce point.
J’en viens à la réunion des chefs d’État et de gouvernement de demain et d’après-demain.
Trois thèmes principaux figurent à l’ordre du jour de ce Conseil : les questions institutionnelles, la crise économique et financière et la lutte contre le changement climatique, les relations extérieures.
Je n’évoquerai pas les questions économiques et environnementales, que vous avez déjà développées, monsieur le secrétaire d'État. Je concentrerai mon propos sur les aspects institutionnels et les sujets internationaux.
S’agissant des aspects institutionnels, le point le plus délicat tient aux garanties demandées par le gouvernement irlandais concernant le traité de Lisbonne. En effet, certains pays, comme le Royaume-Uni, s’opposent à ce que ces garanties figurent dans un protocole et préféreraient s’en tenir à une simple déclaration du Conseil européen.
Pour ma part, je crois qu’il faut tout faire pour convaincre les Irlandais de voter « oui » au traité de Lisbonne lors du prochain référendum prévu à l’automne. Comme l’a rappelé Hubert Haenel, sous la présidence tchèque, l’Union européenne a besoin du traité de Lisbonne pour fonctionner de manière efficace, et ce traité ne survivrait pas à un deuxième vote négatif irlandais.
Les garanties demandées par le gouvernement irlandais, qui figurent dans les conclusions du Conseil européen de décembre dernier, ne soulèvent pas de difficultés particulières. Dès lors, pourquoi refuser d’inscrire ces garanties dans un protocole, qui serait ratifié, par exemple, à l’occasion du traité d’adhésion de la Croatie, lequel pourrait intervenir dès 2010 si la Slovénie lève ses réserves concernant son différend frontalier ?
Donnons-nous toutes les chances d’obtenir de l’Irlande un vote positif, afin de permettre l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Si cela doit passer par des garanties juridiques inscrites dans un protocole, pourquoi les refuser aux Irlandais ? Il restera ensuite à convaincre les présidents polonais et tchèque de signer ce traité, ce qui ne devrait pas être une mince affaire... Néanmoins, nous faisons confiance à vos qualités de persuasion, monsieur le secrétaire d'État.
Je voudrais donc savoir si la France appuiera la position du gouvernement irlandais concernant ce protocole et s’il vous paraît possible de surmonter les réticences britanniques.
Toujours pour ce qui est des aspects institutionnels, une autre difficulté tient aux conséquences de l’entrée en vigueur différée du traité de Lisbonne.
Le traité de Nice, qui prévoit une réduction du nombre de commissaires européens à un nombre inférieur à celui des États membres, est théoriquement applicable. Or le traité de Lisbonne prévoit de maintenir un commissaire par État membre et les chefs d’État et de gouvernement se sont d’ailleurs engagés à conserver cette règle pour l’avenir, après l’échec du référendum irlandais.
Comment, en pratique, allons-nous procéder si le traité de Lisbonne entre en vigueur, comme je le souhaite, à l’instar de la plupart d’entre nous ici présents, quelques semaines seulement après le renouvellement de la Commission européenne ?
Qu’en sera-t-il de la désignation du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui sera dans le même temps vice-président de la Commission européenne ?
Le commissaire européen de la même nationalité qui aura été désigné auparavant devra-t-il démissionner de son poste afin qu’il n’y ait pas deux ressortissants de la même nationalité au sein du collège ?
Enfin, comment seront désignés les députés européens supplémentaires, puisque nous n’avons élu que 72 représentants, alors que, en application du traité de Lisbonne, la France passera à 74 députés européens ?
La mise en œuvre du traité de Lisbonne soulève un véritable imbroglio institutionnel.
À titre personnel, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous faire part de mon point de vue. Je ne vous demande pas de réponse, car la question est délicate.
En mars 2008, j’avais déposé une proposition de loi visant à prendre acte de la décision du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007 d’augmenter le nombre de sièges au Parlement de Strasbourg de 736 à 750. Le 11 octobre, les députés européens s’étaient prononcés sur la distribution de ces sièges après les élections législatives de 2009 en fonction de l’évolution de la population des États membres. Deux députés supplémentaires ont été attribués à la France par rapport à ce que le traité de Nice révisé prévoyait. Ce sont ces deux sièges que je proposais d’accorder à une représentation propre des Français établis hors de France.